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21/01/2025 | FRANCE | N°21NC03150

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 4ème chambre, 21 janvier 2025, 21NC03150


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 25 novembre 2019 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires de Strasbourg a confirmé la sanction qui lui a été infligée le 14 novembre 2019 par la commission de discipline de la maison centrale d'Ensisheim.



Par un jugement n° 2001387 du 6 octobre 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cette décision du 25 novembre 2019 et rej

eté le surplus des conclusions de la demande.





Procédure devant la cour :



...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 25 novembre 2019 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires de Strasbourg a confirmé la sanction qui lui a été infligée le 14 novembre 2019 par la commission de discipline de la maison centrale d'Ensisheim.

Par un jugement n° 2001387 du 6 octobre 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cette décision du 25 novembre 2019 et rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 décembre 2021, le garde des sceaux, ministre de la justice, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) de rejeter la demande de première instance de M. D....

Il soutient que :

- le tribunal a estimé à tort que la sanction a été prononcée au terme d'une procédure irrégulière ; la commission de discipline a été régulièrement composée conformément aux articles R. 57-7-6 et suivantes du code de procédure pénale ;

- le détenu a été informé des faits qui lui étaient reprochés et de leur qualification conformément aux articles R. 57-7-16 et R. 57-7-17 du code de procédure pénale ;

- les autres moyens de première instance ne sont pas fondés.

La procédure a été communiquée à M. D... qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de procédure pénale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Barteaux, président,

- et les conclusions de M. Denizot, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le garde des sceaux, ministre de la justice fait appel du jugement du 6 octobre 2021, par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 25 novembre 2019 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires de Strasbourg a confirmé la sanction de huit jours de cellule qui a été infligée à M. D... le 14 novembre 2019 par la commission de discipline de la maison centrale d'Ensisheim.

Sur le bien-fondé des moyens d'annulation retenus par le tribunal :

2. Pour annuler la sanction disciplinaire prononcée à l'encontre de M. D..., le tribunal administratif de Strasbourg a relevé qu'il n'était établi ni que deux assesseurs avaient siégé au sein de la commission de discipline, comme l'exige l'article R. 57-7-8 du code de procédure pénale, ni que l'intéressé avait été informé des faits qui lui étaient reprochés et de leur qualification juridique conformément aux dispositions de l'article R. 57-7-16 du code de procédure pénale, dans sa rédaction alors applicable, et estimé que ces vices avaient privé M. D... d'une garantie.

En ce qui concerne le moyen relatif à la composition de la commission de discipline :

3. Aux termes de l'article R. 57-7-8 du code de procédure pénale, alors en vigueur : " Le président de la commission de discipline désigne les membres assesseurs. / Le premier assesseur est choisi parmi les membres du premier ou du deuxième grade du corps d'encadrement et d'application du personnel de surveillance de l'établissement. / Le second assesseur est choisi parmi des personnes extérieures à l'administration pénitentiaire qui manifestent un intérêt pour les questions relatives au fonctionnement des établissements pénitentiaires, habilitées à cette fin par le président du tribunal de grande instance territorialement compétent. La liste de ces personnes est tenue au greffe du tribunal de grande instance ".

4. Il ressort du registre de la commission de discipline qui a siégé le 14 novembre 2019, sur lequel figure la signature de chacun de ses membres, produit en appel par le garde des sceaux, ministre de la justice, qu'un représentant de l'administration pénitentiaire ainsi qu'une personnalité extérieure, dûment habilitée à cet effet, étaient présents. Il s'ensuit que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a jugé que la composition de cette commission de discipline était irrégulière.

En ce qui concerne le moyen relatif à l'information sur les faits reprochés et leur qualification :

5. Aux termes de l'article R. 57-7-16 du code de procédure pénale, alors en vigueur : " I. - En cas d'engagement des poursuites disciplinaires, les faits reprochés ainsi que leur qualification juridique sont portés à la connaissance de la personne détenue. / La personne détenue est informée de la date et de l'heure de sa comparution devant la commission de discipline ainsi que du délai dont elle dispose pour préparer sa défense. Ce délai ne peut être inférieur à vingt-quatre heures. / (...) / III. - La personne détenue, ou son avocat, peut consulter l'ensemble des pièces de la procédure disciplinaire, sous réserve que cette consultation ne porte pas atteinte à la sécurité publique ou à celle des personnes. / (...) ".

6. Il est établi, par la convocation délivrée à M. D... le 13 novembre 2019, produite en appel par l'administration, et que l'intéressé a refusé de signer, qu'il a été informé, comme l'exigent les dispositions précitées de l'article R. 57-7-16 du code de procédure pénale, des faits qui lui étaient reprochés et de leur qualification juridique. Par suite, le ministre est également fondé à soutenir que le second moyen d'annulation retenu par le tribunal n'est pas davantage fondé.

7. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D... devant le tribunal administratif.

Sur les autres moyens invoqués en première instance :

8. En premier lieu, aux termes de l'article R. 57-7-15 du code de procédure pénale, alors en vigueur, " Le chef d'établissement ou son délégataire apprécie, au vu des rapports et après s'être fait communiquer, le cas échéant, tout élément d'information complémentaire, l'opportunité de poursuivre la procédure. Les poursuites disciplinaires ne peuvent être exercées plus de six mois après la découverte des faits reprochés à la personne détenue ".

9. Il ressort des pièces du dossier, et en particulier de la mention figurant au pied du compte rendu d'incident, que la décision d'engagement de la procédure disciplinaire a été prise par M. C... A..., chef d'établissement. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la méconnaissance des dispositions précitées manque en fait et doit être écarté.

10. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 57-7-14 du code de procédure pénale, alors en vigueur : " A la suite de ce compte rendu d'incident, un rapport est établi par un membre du personnel de commandement du personnel de surveillance, un major pénitentiaire ou un premier surveillant et adressé au chef d'établissement. Ce rapport comporte tout élément d'information utile sur les circonstances des faits reprochés à la personne détenue et sur la personnalité de celle-ci. L'auteur de ce rapport ne peut siéger en commission de discipline. (...) ".

11. Il ressort des pièces du dossier qu'un rapport a été établi le 12 novembre 2019 par un premier surveillant, compétent en vertu des dispositions précitées de l'article R. 57-7-14 du code de procédure pénale. Par suite, le moyen tiré de ce que la procédure serait irrégulière au motif qu'elle n'aurait pas été établie par une personne compétente doit être écarté comme manquant en fait.

12. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 57-7-6 du code de procédure pénale, alors en vigueur : " la commission de discipline comprend, outre le chef d'établissement ou son délégataire, président, deux membres assesseurs ". Aux termes de l'article R. 57-7-13 du même code, alors en vigueur : " En cas de manquement à la discipline de nature à justifier une sanction disciplinaire, un compte rendu est établi dans les plus brefs délais par l'agent présent lors de l'incident ou informé de ce dernier. L'auteur de ce compte rendu ne peut siéger en commission de discipline ".

13. Il ressort des pièces du dossier, notamment du compte rendu d'incident et du registre de la commission de discipline que le directeur du centre de détention a présidé personnellement la commission de discipline. Par ailleurs, si le compte rendu d'incident est anonymisé, il ressort de ses mentions qu'il a été rédigé par un surveillant, dont les initiales sont G.H. alors que l'assesseure qui a siégé au sein de la commission de discipline en qualité de représentant de l'administration pénitentiaire, avait le grade de premier surveillant et pour initiale un L. De plus, les signatures de ces deux agents sont différentes. Ainsi, contrairement à ce que soutient M. D..., l'auteur du compte rendu d'incident n'a pas siégé au sein de la commission de discipline. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'irrégularité de la composition de la commission de discipline doit être écarté dans l'ensemble de ses branches.

14. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 57-6-9 du code de procédure pénale, alors en vigueur : " Pour l'application des dispositions de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration aux décisions mentionnées à l'article précédent, la personne détenue dispose d'un délai pour préparer ses observations qui ne peut être inférieur à trois heures à partir du moment où elle est mise en mesure de consulter les éléments de la procédure, en présence de son avocat ou du mandataire agréé, si elle en fait la demande. (...)".

15. Il ressort des pièces du dossier que le dossier disciplinaire a été mis à disposition de M. D..., le 13 novembre 2019, à 11h05, soit la veille de la séance de la commission de discipline qui s'est tenue le 14 novembre, et qu'il comportait notamment le compte rendu d'incident, le rapport d'enquête, la convocation devant la commission de discipline, laquelle mentionnait les faits reprochés et leur qualification juridique. Dès lors, l'intéressé, qui n'a pas sollicité d'avocat, n'est pas fondé à soutenir que les dispositions de l'article R. 57-6-9 du code de procédure pénale ont été méconnues.

16. En cinquième lieu, il ne résulte ni des dispositions de l'article R. 57-7-16 du code de procédure pénale précité, ni d'aucune autre disposition du code de procédure pénale qu'une copie de son dossier devrait être remise au détenu poursuivi. En tout état de cause, il résulte de ce qui a été exposé au point précédent que le dossier disciplinaire a été mis à disposition du requérant et que l'intéressé s'est également vu remettre une convocation devant la commission de discipline comportant la mention des faits qui lui étaient reprochés et leur qualification juridique. Il a ainsi été mis en mesure, contrairement à ce qu'il soutient, de préparer sa défense.

17. En dernier lieu, aux termes du 8° de l'article R. 57-7-2 du code de procédure pénale, alors en vigueur : " Constitue une faute disciplinaire du deuxième degré le fait, pour une personne détenue : 1° De refuser de se soumettre à une mesure de sécurité définie par une disposition législative ou réglementaire, par le règlement intérieur de l'établissement pénitentiaire ou par toute autre instruction de service ou refuser d'obtempérer immédiatement aux injonctions du personnel de l'établissement ; (...) ". Aux termes de l'article R. 57-7-33 du même code : " Lorsque la personne détenue est majeure, peuvent être prononcées les sanctions disciplinaires suivantes : (...) / 8° La mise en cellule disciplinaire ". Aux termes de l'article R. 57-7-47 de ce code : " Pour les personnes majeures, la durée de la mise en cellule disciplinaire ne peut excéder (...) quatorze jours pour une faute disciplinaire du deuxième degré (...) ".

18. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un détenu ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction.

19. Il ressort des pièces du dossier, notamment du compte rendu d'incident du 12 novembre 2019, et du rapport d'enquête établi par un premier surveillant, que M. D... a refusé, le 12 novembre 2019, de réintégrer sa cellule, malgré plusieurs demandes d'un surveillant, et qu'il a été mis fin à cet incident, à la suite de l'intervention du premier surveillant de quart et du chef de poste pour le placer en quartier disciplinaire. Si l'intéressé conteste ces faits, qu'il banalise comme étant habituels, il n'apporte pas d'éléments de nature à les remettre en cause alors qu'ils ont été relatés dans le compte rendu établi par un agent assermenté, dont les constatations font foi jusqu'à preuve du contraire, et qu'il les a, au demeurant, implicitement reconnus lors de l'enquête. Dans ces conditions, et dès lors que l'intéressé avait été déjà sanctionné d'une peine de cinq jours de confinement avec sursis pour des faits d'insultes et de menaces à l'encontre du personnel, en prononçant une sanction de mise en cellule disciplinaire pour une durée de huit jours, l'administration, qui s'est fondée sur des faits matériellement établis, n'a pas prononcé une sanction disproportionnée au regard de la gravité de la faute commise par M. D... qui a persisté dans son refus d'obéir à un ordre d'un surveillant.

20. Il résulte de tout ce qui précède que le garde des sceaux, ministre de la justice est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 14 novembre 2019. Il s'ensuit que la demande de première instance de M. D... doit être rejetée.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg n° 2001387 du 6 octobre 2021 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Strasbourg est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 17 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente,

- M. Barteaux, président assesseur,

- M. Lusset, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 janvier 2025.

Le rapporteur,

Signé : S. Barteaux

La présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : F. Dupuy

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

F. Dupuy

N° 21NC03150 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC03150
Date de la décision : 21/01/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: M. Stéphane BARTEAUX
Rapporteur public ?: M. DENIZOT

Origine de la décision
Date de l'import : 24/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-21;21nc03150 ?
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