Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... et Mme D... B... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg, chacun en ce qui le concerne, d'annuler les arrêtés du 17 mai 2023 par lesquels la préfète du Bas-Rhin a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2305315, 2305316 du 20 novembre 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête enregistrée sous le n° 23NC03776 le 22 décembre 2023, M. B..., représenté par Me Sabatatakis, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement le concernant ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 17 mai 2023 pris à son encontre par la préfète du Bas-Rhin ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour.
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 800 euros hors taxes sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
S'agissant de la décision de refus de titre de séjour :
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la préfète s'est estimée en situation de compétence liée pour refuser son admission au séjour eu égard à l'avis rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et la motivation de sa décision ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision quant à sa situation personnelle ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour.
La requête a été communiquée à la préfète du Bas-Rhin, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 février 2024.
II. Par une requête enregistrée sous le n° 24NC00009 le 3 janvier 2024, Mme B..., représentée par Me Zimmermann, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement la concernant ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 17 mai 2023 pris à son encontre par la préfète du Bas-Rhin ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation administrative dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 800 euros hors taxes sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
S'agissant de la décision de refus de titre de séjour :
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision quant à sa situation personnelle ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour.
La requête a été communiquée à la préfète du Bas-Rhin, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 février 2024.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Michel, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme B..., ressortissants albanais respectivement nés en 1975 et 1982, sont entrés en France avec leurs trois enfants mineurs, le 30 octobre 2019 selon leurs déclarations. Leurs demandes d'asile ont été en dernier lieu rejetées par la Cour nationale du droit d'asile par des décisions des 12 septembre 2019 et 25 août 2020. M. et Mme B... ont par la suite été mis en possession de plusieurs autorisations provisoires de séjour en raison de l'état de santé d'un de leurs enfants, né en France. Le 3 mars 2022, ils ont sollicité le renouvellement de leur droit au séjour. Par des arrêtés du 17 mai 2023, la préfète du Bas-Rhin a rejeté leurs demandes et les a obligés à quitter le territoire dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination. Par deux requêtes qu'il y a lieu de joindre, M. et Mme B... relèvent appel du jugement du 20 novembre 2023 par lequel le tribunal administratif Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 17 mai 2023.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments soulevés par M. B..., ont répondu de manière suffisamment motivée au moyen de l'erreur de droit tiré de ce que la préfète du Bas-Rhin se serait estimée à tort en situation de compétence liée pour lui refuser l'admission au séjour.
Sur les décisions de refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions prévues à l'article L. 425-9, ou l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, se voient délivrer, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, une autorisation provisoire de séjour d'une durée maximale de six mois. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. / Elle est renouvelée pendant toute la durée de la prise en charge médicale de l'étranger mineur, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites. / Elle est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues à l'article L. 425-9 ". Aux termes de l'article L. 425-9 du même code : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. /Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée (...) ".
4. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte-tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
5. Dans son avis du 26 juillet 2022, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que l'état de santé de la fille des requérants nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'elle pouvait, eu égard à son état de santé, voyager sans risque vers son pays d'origine.
6. Il ressort des pièces du dossier que la fille des requérants, née en France en 2021, a présenté à la naissance une malformation ano-rectale congénitale qui a fait l'objet d'une intervention chirurgicale le 27 mai 2021.
7. Selon le certificat médical du 13 août 2021 du Dr C..., praticien du service pédiatrique de l'hôpital de Hautepierre, l'état de santé de l'enfant nécessite un suivi médical pendant plusieurs mois ainsi qu'un traitement adapté dans un centre spécialisé de chirurgie pédiatrique dès lors qu'une occlusion intestinale colique avec translocation bactérienne et sepsis sévère ne pouvait être écarté. Toutefois, les requérants n'établissent pas par les pièces versées à l'instance et en particulier par le certificat médical du 6 décembre 2023 de ce praticien qui ne fait plus mention de risques encourus par l'enfant en l'absence de prise en charge, qu'à la date des décisions en litige, un défaut de prise en charge médical de l'enfant aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
8. En deuxième lieu, il ne ressort pas des termes de la décision de refus d'admission au séjour de M. B... que la préfète du Bas-Rhin n'aurait pas procédé à un examen complet et circonstancié de sa demande présentée sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi qu'au regard de sa situation familiale et personnelle, et notamment professionnelle, au titre de son pouvoir de régularisation. Par ailleurs, il ne ressort pas davantage des termes de cette décision que la préfète se serait estimée en situation de compétence liée par l'avis rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Par suite, et alors que le requérant n'établit pas par les pièces versées à l'instance avoir présenté une demande de titre de séjour salarié ou au titre de l'admission exceptionnelle au séjour, ces moyens doivent être écartés.
9. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
10. Les requérants se prévalent de leur résidence en France depuis 2019, de la scolarisation de trois de leurs enfants mineurs, du suivi médical de leur fille et de ce que M. B..., qui exerçait une activité de boulanger dans un secteur de métiers qui serait en tension, s'est vu proposer une promesse d'embauche en contrat à durée indéterminée dans ce secteur. Toutefois, les requérants n'établissent pas qu'ils ne pourraient pas poursuivre une vie privée et familiale normale avec leurs enfants mineurs en Albanie où M. et Mme B... ont vécu la majeure partie de leur vie et qui dispose d'infrastructures de chirurgie pédiatrique. Par suite, dans les circonstances de l'espèce, la préfète du Bas-Rhin n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de M. et Mme B..., garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels les décisions de refus d'admission au séjour ont été prises.
11. En quatrième lieu, aux termes des stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
12. Les décisions de refus de titre de séjour en litige n'ont ni pour objet ni pour effet de séparer M. et Mme B... de leurs enfants. Par ailleurs, les requérants n'établissent pas que leurs enfants mineurs, qui ont vocation à les accompagner, ne pourraient pas poursuivre une vie privée et familiale normale en Albanie ni que leur fille ne pourrait pas y bénéficier de soins adaptés à son état de santé. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.
Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français :
13. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les requérants n'établissent pas l'illégalité des décisions de refus de titre de séjour. Dès lors, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de ces décisions doit être écarté.
14. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 10 et 12 ci-dessus, le moyen tiré de ce que la préfète du Bas-Rhin a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences des décisions en litige quant à la situation personnelle de M. et Mme B... doit être écarté.
Sur les décisions fixant le pays de destination :
15. Ainsi qu'il a été exposé ci-dessus, M et Mme B... n'établissent pas l'illégalité des décisions de refus de titre de séjour. Dès lors, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de ces décisions doit être écarté.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I DE :
Article 1er : Les requêtes de M.et Mme B... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Mme D... B..., à Me Sabatatakis, à Me Zimmermann et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
Délibéré après l'audience du 19 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Wallerich, président de chambre,
- Mme Guidi, présidente-assesseure,
- M. Michel, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 31 décembre 2024.
Le rapporteur,
Signé : A. MichelLe président,
Signé : M. Wallerich
La greffière,
Signé : F. Dupuy
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
V. Firmery
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N° 23NC03776, 24NC00009