Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 19 avril 2023 en tant que la préfète de la Haute-Marne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et a fixé le pays à destination duquel il serait susceptible d'être éloigné en cas d'exécution d'office.
Par un jugement n° 2300872 du 13 juillet 2023, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 9 août 2023, M. C..., représenté par Me Guidicelli-Jahn, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 13 juillet 2023 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;
2°) d'annuler l'arrêté du 19 avril 2023, en tant que la préfète de la Haute-Marne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel il serait susceptible d'être éloigné en cas d'exécution d'office ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Haute-Marne de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, d'examiner sa situation dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et d'effacer son signalement dans le système Schengen ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- la compétence de l'auteur de l'arrêté n'est pas justifiée ;
- le refus de titre de séjour est insuffisamment motivé en méconnaissance de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration et révèle un défaut d'examen particulier ;
- le droit d'être entendu, garanti par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux, a été méconnu ;
- le refus de titre de séjour méconnaît le paragraphe 1er de l'article 6 de l'accord franco-algérien a été méconnu dès lors qu'il peut se prévaloir de dix ans de présence habituelle en France ;
- l'arrêté méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et, est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; l'avis du service de la plateforme interrégionale de la main-d'œuvre étrangère de Béthune, sur lequel s'est fondée la préfète, est entaché d'une erreur d'appréciation concernant son niveau et coefficient qui correspond à ce que prévoit la convention collective qui est applicable à son contrat ; il justifie d'une insertion réelle et sérieuse en France depuis 2013 ;
sur la décision portant refus de délai de départ volontaire :
- la décision méconnaît l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le risque de soustraction à la mesure d'éloignement n'est pas établi.
Par un mémoire enregistré le 27 septembre 2023, la préfète de la Haute-Marne conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Barteaux a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant algérien, né en 1973, est entré en France régulièrement, sous couvert d'un visa de long séjour " salarié " le 13 avril 2013. A l'issue de la validité de son visa, il a bénéficié d'un titre de séjour en qualité de salarié, régulièrement renouvelé jusqu'au 22 octobre 2016. Le 18 octobre 2021, il a sollicité son admission au séjour à titre exceptionnel. Par un arrêté du 19 avril 2023, la préfète de la Haute-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé, sur le fondement du 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination. Par un jugement n° 2300872 du 13 juillet 2023, dont M. C... fait appel, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté en tant que la préfète de la Haute-Marne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, il y a lieu d'écarter par adoption des motifs du jugement attaqué, qui n'appellent aucune précision en appel, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté qui a été écarté à juste titre par les premiers juges.
3. En deuxième lieu, M. C... ne peut utilement se prévaloir directement à l'appui de ses conclusions à fin d'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français du moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision portant refus de titre de séjour, qu'il n'a au demeurant pas contesté, et qui est définitif.
4. En troisième lieu, il ressort des motifs mêmes de l'arrêté en litige que la préfète de la Haute-Marne a procédé, contrairement à ce que soutient le requérant, à un examen particulier de sa situation personnelle et professionnelle, quand bien même elle n'a pas mentionné l'ensemble des pièces qu'il avait produites. Le moyen tiré du défaut d'examen particulier doit être écarté.
5. En quatrième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union ". Aux termes du paragraphe 2 de ce même article : " Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 51 de la charte : " Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l'Union. (...) ".
6. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, notamment de son arrêt C-383/13 M. A..., N. R./ Staatssecretaris van Veiligheid en Justitie du 10 septembre 2013, que toute irrégularité dans l'exercice des droits de la défense lors d'une procédure administrative concernant un ressortissant d'un pays tiers en vue de son éloignement ne saurait constituer une violation de ses droits et, en conséquence, que tout manquement, notamment, au droit d'être entendu n'est pas de nature à entacher systématiquement d'illégalité la décision prise. Il revient à l'intéressé d'établir devant le juge chargé d'apprécier la légalité de cette décision que les éléments qu'il n'a pas pu présenter à l'administration auraient pu influer sur le sens de cette décision et il appartient au juge saisi d'une telle demande de vérifier, lorsqu'il estime être en présence d'une irrégularité affectant le droit d'être entendu, si, eu égard à l'ensemble des circonstances de fait et de droit spécifiques de l'espèce, cette violation a effectivement privé celui qui l'invoque de la possibilité de mieux faire valoir sa défense dans une mesure telle que cette procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent.
7. Il ressort des pièces du dossier, ainsi que l'a relevé le tribunal administratif, que concomitamment à l'obligation de quitter le territoire français, la préfète de la Haute-Marne a refusé l'admission exceptionnelle au séjour sollicitée par M. C.... Par suite, dès lors que l'intéressé a été en mesure de présenter ses observations à l'occasion de sa demande de titre de séjour, ainsi que cela ressort d'ailleurs des motifs de l'arrêté en litige, la préfète de la Haute-Marne n'avait pas à en solliciter d'autres spécifiquement sur la mesure d'éloignement édictée concomitamment au refus de titre. En outre, l'intéressé ne fait valoir aucun élément qui aurait été de nature à influencer le sens de la décision contestée. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu, garanti par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, doit être écarté.
8. En cinquième lieu, M. C... ne peut utilement faire valoir à l'appui de la décision portant obligation de quitter le territoire français, qui ne constitue pas un refus de titre de séjour, qu'en raison de sa présence habituelle en France depuis dix ans, la préfète de la Haute-Marne a méconnu le paragraphe 1er de l'article 6 de l'accord franco-algérien. Pour les mêmes motifs, le requérant ne peut pas davantage invoquer directement à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français la méconnaissance des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lequel la préfète ne s'est pas fondée et qui au demeurant n'est pas applicable aux ressortissants algériens, dont la situation est entièrement régie par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.
9. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
10. D'une part, quand bien même la préfète de la Haute-Marne aurait commis une erreur d'appréciation en se fondant sur l'avis du service de la plateforme interrégionale de la main-d'œuvre étrangère de Béthune, dont le requérant soulève l'illégalité, cette circonstance affecterait seulement la légalité du refus de titre de séjour, qu'il n'a pas contesté et qui est définitif, mais pas celle de l'obligation de quitter le territoire français.
11. D'autre part, en admettant même que M. C... justifierait d'une résidence continue en France depuis 2013, il est constant qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident encore son épouse et ses enfants et où il a lui-même vécu jusqu'à l'âge de quarante ans. En dehors d'une insertion professionnelle, il n'établit pas avoir tissé sur le territoire français des liens personnels stables et anciens. Dans ces conditions, en prononçant à l'encontre de l'intéressé une mesure d'éloignement, la préfète de la Haute-Marne n'a pas porté au droit de M. C... à mener en France une vie privée et familiale normale, garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une atteinte disproportionnée. Pour les mêmes motifs, la décision contestée n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.
Sur la légalité de la décision portant refus de délai de départ volontaire :
12. Aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision (...) ". Aux termes de l'article L. 612-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) 3° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement / (...) 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement (...) ".
13. Il ressort de pièces du dossier que M. C... s'est soustrait à l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français prononcée le 23 avril 2019 par le préfet du Val-de-Marne. L'intéressé n'apporte aucun élément pour établir que le risque de fuite ne serait pas fondé alors qu'il ne justifie pas d'une adresse personnelle. En outre, il ne conteste pas s'être maintenu irrégulièrement sur le territoire français à l'issue de la date de validité de son certificat de résidence algérien le 11 mai 2017. Par suite, en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, la préfète de la Haute-Marne n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Il s'ensuit que ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles, en tout état de cause, présentées sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie de l'arrêt sera adressée à la préfète de la Haute-Marne.
Délibéré après l'audience du 17 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Ghisu-Deparis, présidente,
- M. Barteaux, président assesseur,
- M. Lusset, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 décembre 2024.
Le rapporteur,
Signé : S. Barteaux
La présidente,
Signé : V. Ghisu-DeparisLa greffière,
Signé : F. Dupuy
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
F. Dupuy
N° 23NC02663 2