Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 20 janvier 2023 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné.
Par un jugement n° 2301314 du 22 mai 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 23 juin 2023, M. B..., représenté par Me Demir, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 22 mai 2023 du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) d'annuler l'arrêté du 20 janvier 2023 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné ;
3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il était en droit d'obtenir le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement des stipulations de l'article 3 de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;
- le préfet du Haut-Rhin a commis une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'arrêté litigieux est contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 octobre 2023, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Bauer a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant marocain né le 21 avril 1985, est entré en France le 7 mai 2021 sous couvert d'un visa de long séjour en qualité de travailleur saisonnier. Il a obtenu une carte de séjour portant la mention " travailleur saisonnier ", valable du 12 août 2021 au 11 octobre 2022. Par un arrêté du 20 septembre 2022, le préfet du Haut-Rhin a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné. Par un jugement du 13 décembre 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cet arrêté et enjoint au préfet du Haut-Rhin de réexaminer la situation de M. B.... Par un arrêté du 20 janvier 2023, le préfet du Haut-Rhin a refusé de renouveler le titre de séjour de l'intéressé, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement du 22 mai 2023, dont l'intéressé relève appel, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de ces décisions.
2. En premier lieu, l'article 3 de l'accord du 9 octobre 1987 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi stipule que : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable portant la mention " salarié " éventuellement assorties de restrictions géographiques ou professionnelles. / Après trois ans de séjour en continu en France, les ressortissants marocains visés à l'alinéa précédent pourront obtenir un titre de séjour de dix ans (...) ". Aux termes de l'article L. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : / 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; / 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail. ".
3. L'article 9 du même accord stipule que : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux États sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord (...) ". L'accord franco-marocain renvoie ainsi, sur tous les points qu'il ne traite pas, à la législation nationale, en particulier aux dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du code du travail pour autant qu'elles ne sont pas incompatibles avec les stipulations de l'accord et nécessaires à sa mise en œuvre.
4. Aux termes de l'article L. 421-34 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui exerce un emploi à caractère saisonnier, tel que défini au 3° de l'article L. 1242-2 du code du travail, et qui s'engage à maintenir sa résidence habituelle hors de France, se voit délivrer une carte de séjour pluriannuelle portant la mention " travailleur saisonnier " d'une durée maximale de trois ans. / Cette carte peut être délivrée dès la première admission au séjour de l'étranger. / Elle autorise l'exercice d'une activité professionnelle et donne à son titulaire le droit de séjourner et de travailler en France pendant la ou les périodes qu'elle fixe et qui ne peuvent dépasser une durée cumulée de six mois par an. / La délivrance de cette carte de séjour est subordonnée à la détention préalable d'une autorisation de travail dans les conditions prévues par les articles L. 5221-2 et suivants du code du travail ". Il résulte de ces dispositions qu'elles limitent la durée du séjour des titulaires de la carte portant la mention " travailleur saisonnier " à une durée cumulée de six mois par an.
5. En l'espèce, alors qu'il ressort de la demande présentée par M. B... qu'il s'est borné à solliciter le renouvellement de sa carte de séjour en qualité de travailleur saisonnier, c'est à bon droit que le préfet du Haut-Rhin a examiné sa demande au regard des dispositions susmentionnées de l'article L. 421-34 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet du Haut-Rhin a refusé le renouvellement de la carte de séjour de M. B... au motif qu'il n'a pas respecté la durée maximale du séjour autorisée de 6 mois au cours de la période d'un an précédent la date d'expiration de son titre de séjour actuel, le 11 octobre 2022. Ainsi que l'ont retenu les premiers juges, le requérant ne conteste pas s'être maintenu sur le territoire français à l'expiration de la durée de séjour autorisée par le titre dont il était titulaire. Il s'ensuit que le préfet du Haut-Rhin n'a pas commis d'erreur de droit en lui refusant le renouvellement de son titre de séjour en qualité de travailleur saisonnier.
6. Si M. B... justifie de promesses d'embauche des 27 septembre et 17 décembre 2022 au sein de la société Eiffage pour un emploi de monteur électricien, dont il indique, sans toutefois en justifier, qu'il correspondrait à sa formation initiale, il est constant qu'il ne dispose pas d'un contrat de travail visé par l'autorité compétente au sens de l'article 3 précité de l'accord franco-marocain. Il n'y avait pas lieu, en l'espèce, pour le préfet de s'estimer saisi d'une demande de délivrance de titre de séjour en qualité de salarié qu'il aurait dû instruire, alors qu'il ressort des pièces du dossier que, si une demande d'autorisation de travail en sa faveur a été déposée par la société Eiffage le 10 octobre 2022 sur la plateforme de la main-d'œuvre étrangère, le demandeur n'a pas, ainsi qu'il lui avait pourtant été demandé, complété son dossier, de sorte que ce dernier a été clôturé au bout d'un mois. Par suite, le moyen tiré de ce que M. B... aurait dû se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article 3 de l'accord franco-marocain doit en tout état de cause être écarté.
7. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Haut-Rhin aurait entaché sa décision de refus de délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de son pouvoir de régularisation.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Ces stipulations ne garantissent pas à l'étranger le doit de choisir le lieu qui lui paraît le plus approprié pour y développer une vie privée et familiale.
9. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., célibataire et sans enfants, n'est présent sur le territoire français que depuis moins de deux ans à la date de la décision attaquée. Si deux frères du requérant et certains de ses parents éloignés résident en France, d'ailleurs dans d'autres départements, il n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 36 ans et où vivent ses cinq sœurs. Les seules circonstances qu'il dispose de promesses d'embauche, qu'il prenne des cours de français et qu'il exerce des activités bénévoles ne suffisent pas à établir la réalité de son intégration dans la société française ou l'intensité de ses attaches en France. Par suite, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué a porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 22 mai 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté attaqué. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.
Délibéré après l'audience du 12 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Wurtz, président,
- Mme Bauer, présidente-assesseure,
- M. Meisse, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 décembre 2024.
La rapporteure,
Signé : S. BAUER Le président,
Signé : Ch. WURTZ
Le greffier,
Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
F. LORRAIN
N° 23NC02032 2