Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 25 octobre 2023 par lequel le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait renvoyé.
Par un jugement n° 2302617 du 30 janvier 2024, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 12 février 2024, M. B..., représenté par Me Issa, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 30 janvier 2024 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 25 octobre 2023 pris à son encontre par le préfet de la Marne ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Marne de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler.
Il soutient que :
S'agissant de la décision de refus de titre de séjour :
- le préfet n'a pas procédé à un examen attentif de sa demande dès lors qu'il n'a pas examiné sa demande de délivrance d'un titre de séjour " compétences et talents " sur le fondement des stipulations de l'article 2.3.2. du protocole relatif à la gestion concertée des migrations entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne signé à Tunis le 28 avril 2008, ni, subsidiairement, sur le fondement des dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a examiné sa demande au titre des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien et des dispositions de l'article L. 421-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors qu'il n'a pas entendu fonder sa demande sur ces textes ;
- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision quant à sa situation personnelle ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 2.3.3 du protocole du 28 avril 2008 relatif à la gestion concertée des migrations entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République tunisienne ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- elle sera annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- elle est insuffisamment motivée.
La requête a été communiquée au préfet de la Marne le 18 juin 2024, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu :
- l'accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail ;
- le protocole du 28 avril 2008 relatif à la gestion concertée des migrations et au développement solidaire entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la république tunisienne pris en application de l'accord-cadre précité ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Michel, premier conseiller ;
- et les observations de Me Issa, pour M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant tunisien né le 8 mai 1991, est entré en France le 15 janvier 2019 muni d'un visa de court séjour valable jusqu'au 5 février 2019. Il a sollicité le 2 février 2022 la délivrance d'un titre de séjour. Par un arrêté du 25 octobre 2023, le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination. M. B... relève appel du jugement du 30 janvier 2024 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté du 25 octobre 2023 :
2. Aux termes de l'article 2.3.2. du protocole relatif à la gestion concertée des migrations entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne signé à Tunis le 28 avril 2008 : " Un titre de séjour " compétences et talents " peut être accordé au ressortissant tunisien susceptible de participer, du fait de ses compétences et de ses talents, de façon significative et durable au développement économique ou au rayonnement, notamment intellectuel, scientifique, culturel, humanitaire ou sportif de la France et, directement ou indirectement, de la Tunisie. Il est accordé pour une durée de trois ans, renouvelable une fois (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article 11 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord ".
3. Aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile abrogé à compter du 1er novembre 2016 : " La carte de séjour " compétences et talents " peut être accordée à l'étranger susceptible de participer, du fait de ses compétences et de ses talents, de façon significative et durable au développement économique, au développement de l'aménagement du territoire ou au rayonnement, notamment intellectuel, scientifique, culturel, humanitaire ou sportif, de la France et, directement ou indirectement, du pays dont il a la nationalité. Elle est accordée pour une durée de trois ans. Elle est renouvelable. Lorsque son titulaire a la nationalité d'un pays membre de la zone de solidarité prioritaire, son renouvellement est limité à une fois ". Ces dispositions ont été intégrées, par la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France, au 10° d'un nouvel article L. 313-20 du même code, désormais repris à l'article L. 421-21 aux termes duquel : " L'étranger dont la renommée nationale ou internationale est établie ou susceptible de participer de façon significative et durable au développement économique, à l'aménagement du territoire ou au rayonnement de la France et qui vient y exercer une activité dans un domaine scientifique, littéraire, artistique, artisanal, intellectuel, éducatif ou sportif se voit délivrer une carte de séjour pluriannuelle portant la mention " passeport talent " d'une durée maximale de quatre ans (...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de sa demande de titre de séjour du 2 février 2022, M. B... a expressément sollicité un titre de séjour " compétences et talents " sur le fondement des stipulations précitées de l'article 2.3.2. du protocole relatif à la gestion concertée des migrations entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne signé à Tunis le 28 avril 2008, en se prévalant de sa contribution au développement économique de la France par son travail. Or, il ressort des motifs de l'arrêté en litige que le préfet de la Marne n'a pas étudié la demande de titre de séjour présentée par M. B... sur le fondement des stipulations précitées. Dans ces conditions, la décision de refus de titre séjour n'a, ainsi que le soutient le requérant, pas été précédée d'un examen complet de sa demande. Il s'ensuit que M. B... est fondé à demander l'annulation de la décision du 25 octobre 2023 portant refus de titre de séjour ainsi que, par voie de conséquence, l'annulation des décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant son pays de destination.
5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Marne du 25 octobre 2023.
Sur l'injonction :
6. Le présent arrêt n'implique pas nécessairement que le préfet de la Marne délivre à M. B... un titre de séjour, mais seulement qu'il procède au réexamen de sa situation. Il y a lieu d'enjoindre au préfet d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Durant cette période d'instruction, M. B... sera muni, dans un délai de huit jours à compter de la même date, d'une autorisation provisoire de séjour.
D E C I DE :
Article 1er : Le jugement n° 2302617 du 30 janvier 2024 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne et l'arrêté du 25 octobre 2023 par lequel le préfet de la Marne a refusé de délivrer à M. B... un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant son pays de destination sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Marne de réexaminer la situation de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de la même date.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Marne.
Délibéré après l'audience du 28 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Wallerich, président de chambre,
- Mme Guidi, présidente-assesseure,
- M. Michel, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 décembre 2024.
Le rapporteur,
Signé : A. MichelLe président,
Signé : M. Wallerich
La greffière,
Signé : V. Firmery
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
V. Firmery
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N° 24NC00313