Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 7 août 2023 par lequel le préfet du Doubs lui a refusé le renouvellement de sa carte de résident algérien, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit.
Par un jugement n° 2301668 du 14 novembre 2023, le tribunal administratif de Besançon a rejeté la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 1er décembre 2023, M. A..., représenté par Me Kilinç demande à la cour :
1) d'annuler ce jugement ;
2) d'annuler l'arrêté attaqué ;
3) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt ;
4) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le refus de séjour : est entaché d'une erreur d'appréciation en ce que sa présence en France ne présente aucun risque de trouble à l'ordre public ; méconnaît les articles 6 de l'accord franco-algérien, 20 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; repose sur une appréciation manifestement erronée de sa situation.
Par un mémoire en défense enregistré le 30 janvier 2024, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par M. A... n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne ;
- la directive n° 2004/38/CE du Parlement et du Conseil du 29 avril 2004 ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience publique.
Le rapport de M. Agnel a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant algérien, né le 21 mars 1992, est entré en France le 23 juillet 2018 selon ses déclarations. Le 28 juillet 2021, l'intéressé a bénéficié d'un certificat de résidence algérien en qualité de parent d'enfant français. Le 22 décembre 2022, M. A... a sollicité le renouvellement de son titre de séjour. Par un arrêté du 7 août 2023, pris après avis défavorable au renouvellement de la commission du titre de séjour du 25 juillet 2023, le préfet du Doubs a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office. M. A... relève appel du jugement du 14 novembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien ci-dessus visé : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 2) au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français " (...) / 4) au ressortissant algérien ascendant direct d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il exerce même partiellement l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins. (...) / 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ". Ces stipulations de l'accord franco-algérien ne privent pas l'administration française du pouvoir qui lui appartient, en application de la réglementation générale en vigueur relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France, de refuser tout renouvellement du certificat en se fondant sur des motifs tenant à l'ordre public.
3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
4. Aux termes de l'article 20 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : "1. Il est institué une citoyenneté de l'Union. Est citoyen de l'Union toute personne ayant la nationalité d'un État membre. La citoyenneté de l'Union s'ajoute à la citoyenneté nationale et ne la remplace pas. / 2. Les citoyens de l'Union jouissent des droits et sont soumis aux devoirs prévus par les traités. Ils ont, entre autres : / a) le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres ; / (...) Ces droits s'exercent dans les conditions et limites définies par les traités et par les mesures adoptées en application de ceux-ci. ". Il résulte de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 8 mars 2011, grande chambre, affaire C-34/09, Zambrano c/ ONEM dont se prévaut le requérant " que l'article 20 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à ce qu'un État membre, d'une part, refuse à un ressortissant d'un État tiers, qui assume la charge de ses enfants en bas âge, citoyens de l'Union, le séjour dans l'État membre de résidence de ces derniers et dont ils ont la nationalité et, d'autre part, refuse audit ressortissant d'un État tiers un permis de travail, dans la mesure où de telles décisions priveraient lesdits enfants de la jouissance effective de l'essentiel des droits attachés au statut de citoyen de l'Union ".
5. Aux termes de l'article 27 de la directive ci-dessus visée du 27 avril 2004 : " 1. Sous réserve des dispositions du présent chapitre, les États membres peuvent restreindre la liberté de circulation et de séjour d'un citoyen de l'Union ou d'un membre de sa famille, quelle que soit sa nationalité, pour des raisons d'ordre public, de sécurité publique ou de santé publique (...) / 2. Les mesures d'ordre public ou de sécurité publique doivent respecter le principe de proportionnalité et être fondées exclusivement sur le comportement personnel de l'individu concerné. L'existence de condamnations pénales antérieures ne peut à elle seule motiver de telles mesures. / Le comportement de la personne concernée doit représenter une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société. Des justifications non directement liées au cas individuel concerné ou tenant à des raisons de prévention générale ne peuvent être retenues ".
6. Il ressort des pièces du dossier que M. A... s'est marié le 5 décembre 2020 avec une ressortissante française. De cette union sont nés deux enfants, de nationalité française, les 18 avril 2020 et le 24 mars 2022. La communauté de vie de l'intéressé avec son épouse n'est pas contestée et pas davantage sa participation à l'entretien et l'éducation de ses deux enfants ainsi que de l'enfant de son épouse né d'un premier lit. M. A... a occupé l'emploi de facteur d'avril 2022 à juillet 2023.
7. Il ressort des pièces du dossier que M. A... se trouvait en réalité en France dès l'année 2013 de manière clandestine, faisant usage de plusieurs fausses identités. C'est ainsi qu'il a été condamné à trois reprises pour des faits délictuels par le tribunal correctionnel de Marseille en 2013, 2014 et 2015. Ce comportement a conduit le préfet des Bouches-du-Rhône à prendre à son encontre un arrêté d'expulsion le 5 octobre 2016. Le 24 juillet 2018, l'intéressé a été arrêté pour une tentative de vol en réunion dans une parfumerie et a fait l'objet d'un arrêté de remise aux autorités allemandes qu'il n'a pas exécuté. En dépit de ces antécédents ainsi que de deux nouvelles condamnations par le tribunal correctionnel de Mulhouse des 19 septembre 2017 et 23 octobre 2018, compte tenu de son mariage et de la naissance de son premier enfant ainsi que de la relaxe en appel des faits ayant donné lieu à la condamnation de 2017, l'autorité préfectorale lui a délivré un certificat de résidence temporaire d'une durée d'un an le 21 juillet 2021. Toutefois par jugement du 24 avril 2023, le tribunal correctionnel de Montbéliard a condamné M. A... à deux ans d'emprisonnement dont douze mois assortis du sursis avec mise à l'épreuve pour des faits de violences volontaires avec usage d'une arme et mise en danger délibéré d'autrui à l'occasion de la conduite d'un véhicule terrestre à moteur. Afin de refuser à M. A... le renouvellement de son titre de séjour, le préfet du Doubs s'est fondé sur la menace à l'ordre public que sa présence en France constituerait.
8. Il ressort des pièces du dossier qu'en dépit du comportement passé de l'intéressé, l'autorité préfectorale avait décidé de fonder sa décision de délivrance du certificat de résidence sollicité par M. A... sur les perspectives d'intégration familiale et professionnelle qu'il présentait. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que l'intéressé n'a pas saisi cette opportunité compte tenu des faits qu'il a commis le 29 août 2022 ayant donné lieu à la condamnation du 24 avril 2023, ce comportement violent attestant son refus de se conformer aux lois et établissant les risques graves et actuels que sa présence en France fait peser sur l'ordre public. Si le requérant soutient que ce jugement est frappé d'appel, le préfet a pu toutefois le prendre en compte dans son appréciation compte tenu des éléments circonstanciés qu'il comporte. S'il soutient également que ses précédentes condamnations sont d'une nature différente de la dernière, il ressort des pièces du dossier qu'il a été condamné le 15 janvier 2015 à trois ans d'emprisonnement pour violences aggravées ayant entraîné des incapacités supérieures à huit jours. Contrairement à ce que soutient le requérant, les normes ci-dessus reproduites ne font pas obstacle à ce que l'autorité administrative puisse refuser de renouveler un titre de séjour pour des motifs tenant à l'ordre public à condition que la menace sur des intérêts fondamentaux de la société soit suffisamment grave et que l'atteinte portée aux intérêts protégés par lesdites normes ne soit pas disproportionnée, ce qui est le cas en l'espèce. Compte tenu de la gravité des faits commis en dernier lieu, de la personnalité de l'intéressé, de la durée de sa présence et de sa vie familiale en France, de l'intérêt de ses enfants mineurs, le préfet du Doubs a pu, sans commettre ni erreur de droit, ni erreur de fait, ni erreur d'appréciation se fonder sur les risques que sa présence fait peser sur l'ordre public afin de lui refuser le renouvellement de son titre de séjour.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie du présent arrêt sera transmise au préfet du Doubs.
Délibéré après l'audience du 5 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président de chambre,
M. Agnel, président assesseur,
Mme Brodier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2024.
Le rapporteur,
Signé : M. AgnelLe président,
Signé : J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
N° 23NC03488
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