Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 14 janvier 2022 par lequel le préfet des Vosges a prononcé le retrait de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2201038 du 16 juin 2022, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 30 mars, 15 mai et 7 juin 2023, M. A..., représenté par Me Gehin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 16 juin 2022 du tribunal administratif de Nancy ;
2°) d'annuler l'arrêté du 14 janvier 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Vosges de lui délivrer un titre de séjour et subsidiairement de réexaminer sa demande de titre de séjour et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de 48 heures à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 à raison de la procédure de première instance d'une part et mettre à la charge de l'Etat la même somme à raison de la procédure devant la cour d'autre part.
Il soutient que :
S'agissant de la décision portant retrait de titre de séjour :
- la décision est insuffisamment motivée ;
- la procédure est irrégulière dès lors qu'il n'a pas été mis à même d'être entendu et accompagné dans ses démarches ;
- les dispositions des articles l. 121-1, L. 122-1 et L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ont été méconnues ;
- les motifs fondant le retrait du titre de séjour sont illégaux dès lors qu'il dispose d'un passeport valide, que l'examen osseux comporte une marge d'erreur, que le jugement du tribunal d'Auxerre n'est pas exécutoire ;
- la décision méconnait les dispositions de l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen dès lors que l'administration n'a pas tenu compte de deux décisions juridictionnelles attestant de son identité ;
- le préfet ne démontre pas le caractère frauduleux des actes d'état civil ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire :
- la décision méconnait son droit d'être entendu ;
- l'annulation de cette décision s'impose comme la conséquence de l'annulation de la décision prononçant le retrait du titre de séjour ;
- la décision méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par des mémoires enregistrés les 27 avril et 17 mai 2023, le préfet des Vosges conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de M. A... une somme de 300 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens de la requête de M. A... ne sont pas fondés.
La clôture de l'instruction a été fixée au 9 juin 2023 par une ordonnance du 17 mai 2023.
M. A... a communiqué des pièces les 4 septembre 2023, 7 août et 29 novembre 2024.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 février 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Peton,
- et les observations de Me Géhin, pour M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant ivoirien, déclare être né le 19 septembre 2002 et entré en France en 2018. Par une ordonnance du 1er juin 2018, il a été placé auprès de l'aide sociale à l'enfance du département des Vosges, et le 1er décembre 2020, le préfet des Vosges lui a délivré une carte de séjour temporaire sur le fondement des dispositions du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 14 janvier 2022, le préfet des Vosges a prononcé le retrait de ce titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 16 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté du 14 janvier 2022 :
2. D'une part, Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " (...) doivent être motivées les décisions qui : (...) ; 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ; (...) "
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". L'article L. 122-1 du même code dispose en outre que : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. L'administration n'est pas tenue de satisfaire les demandes d'audition abusives, notamment par leur nombre ou leur caractère répétitif ou systématique ".
4. La décision portant retrait de la décision accordant un titre de séjour est au nombre de celles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Elle doit, par suite, être précédée d'une procédure contradictoire, permettant au bénéficiaire du titre de séjour d'être informé de la mesure qu'il est envisagé de prendre, ainsi que des motifs sur lesquels elle se fonde, et de bénéficier d'un délai suffisant pour présenter ses observations. Les dispositions précitées font également obligation à l'autorité administrative de faire droit, en principe, aux demandes d'audition formées par les personnes intéressées en vue de présenter des observations orales, alors même qu'elles auraient déjà présenté des observations écrites. Ce n'est que dans le cas où une telle demande revêtirait un caractère abusif qu'elle peut être écartée. En outre, le respect du caractère contradictoire de la procédure préalable prévue par l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration constitue une garantie pour le bénéficiaire de la décision créatrice de droits que l'autorité administrative entend rapporter.
5. Il ressort des pièces du dossier que, le 8 septembre 2021, le préfet des Vosges a informé M. A... de son intention de procéder au retrait du titre de séjour qui lui avait été délivré le 1er décembre 2020. Par un courrier du 23 septembre 2021, M. A..., assisté de son conseil, a présenté des observations et a expressément demandé à être entendu afin de présenter des observations orales. Contrairement à ce que soutient le préfet sans l'établir, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que cette demande, à laquelle aucune suite n'a été donnée, aurait présenté un caractère abusif. En outre, il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que M. A... aurait bénéficié d'une mesure équivalente à la présentation d'observations orales sur le retrait de son titre de séjour. Par suite, M. A... est fondé à soutenir que la procédure contradictoire n'a pas été respectée et qu'il a ainsi été privé d'une garantie.
6. Il résulte de ce qui précède que la décision du 14 janvier 2022 par laquelle le préfet des Vosges a retiré le titre de séjour précédemment accordé à M. A... doit être annulée ainsi que, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
8. L'annulation de la décision du 14 janvier 2022 par laquelle le préfet des Vosges a retiré la décision du 1er décembre 2020 accordant un titre de séjour à M. A... a pour conséquence que cette décision de retrait est réputée n'être jamais intervenue, le titre de séjour dont était titulaire M. A... se trouvant rétabli, pour sa durée de validité restant à courir, à compter de la date de la mise à disposition de la présente décision. L'annulation prononcée par le présent arrêt n'implique ainsi nécessairement aucune mesure d'exécution. Par suite, il y a lieu de rejeter les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par M. A....
Sur les frais liés au litige :
9. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Géhin, avocat de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'État le versement à Me Géhin de la somme de 1 200 euros à ce titre. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. A..., qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, le versement d'une somme à ce titre.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2201038 du tribunal administratif de Nancy du 16 juin 2022 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet des Vosges du 14 janvier 2022 est annulé.
Article 3 : L'Etat versera à Me Gehin, sous réserve qu'il renonce à percevoir la contribution de l'Etat à l'aide juridictionnelle, la somme de 1 200 euros en application de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par M. A..., ainsi que les conclusions présentées par le préfet des Vosges au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Vosges et au procureur de la République près le tribunal judiciaire d'Epinal.
Délibéré après l'audience du 3 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Durup de Baleine, président de chambre,
- M. Barlerin, premier conseiller,
- Mme Peton, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 décembre 2024.
La rapporteure,
Signé : N. Peton
Le président,
Signé : A. Durup de Baleine
Le greffier,
Signé : A. Betti
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
A. Betti
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N° 23NC00989