Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 12 novembre 2022 par lequel le préfet de la Moselle lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné et a pris à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2203266 du 21 novembre 2022, le tribunal administratif de Nancy a annulé l'arrêté du 12 novembre 2022 en tant qu'il faisait obligation à M. D... de quitter sans délai le territoire français et lui faisait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et a rejeté le surplus de la demande de M. D....
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 2 décembre 2022 et 7 novembre 2023, le préfet de la Moselle demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 21 novembre 2022 du tribunal administratif de Nancy en tant qu'il a annulé la décision portant obligation de quitter le territoire et la décision portant interdiction de retour sur le territoire français ;
2°) de rejeter la demande de première instance de M. D....
Il soutient que :
- il n'est pas établi que M. D... résidait habituellement en France et que les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers l'empêchaient de prendre une obligation de quitter le territoire français ;
- M. D... ne justifie pas de son état de santé et les services de la préfecture ne pouvaient en avoir connaissance ;
- il a procédé à un examen sérieux de la situation de M. D....
Par un mémoire enregistré le 31 octobre 2023, M. D..., représenté par Me Ticot, conclut au rejet de la requête et demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation de la décision fixant le pays de destination ;
2°) d'annuler la décision fixant le pays de destination ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que les moyens de la requête du préfet de la Moselle ne sont pas fondés et qu'il réitère les moyens soulevés en première instance.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 février 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le traité sur l'Union européenne ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Peton a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant marocain né le 27 mai 1981, fait l'objet d'une peine d'interdiction définitive du territoire prononcée par la cour d'assises de la Moselle en 2015. Il déclare vivre en Belgique depuis deux ans et être entré en France, en dernier lieu, le 10 novembre 2022, dans le but de consulter un avocat. Placé en garde à vue pour non-respect d'une mesure d'interdiction définitive du territoire français, il a fait l'objet d'un arrêté du 12 novembre 2022 par lequel le préfet de la Moselle lui a fait obligation de quitter le territoire sans délai, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné et l'a interdit de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans. Le préfet de la Moselle relève appel du jugement du 21 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Nancy a annulé l'arrêté du 12 novembre 2022 en tant qu'il fait obligation à M. D... de quitter sans délai le territoire français et lui fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Par la voie de l'appel incident, M. D... conteste ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays à destination duquel il pourrait être éloigné.
Sur l'office du juge compte tenu de l'existence d'une décision d'interdiction judiciaire du territoire :
2. L'interdiction du territoire prononcée par le juge pénal à l'encontre d'un étranger sur le fondement de l'article L. 641-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile emporte de plein droit, en vertu du deuxième alinéa de l'article 131-10 du code pénal, " reconduite du condamné à la frontière ". Si, par conséquent, l'exécution d'une telle mesure ne nécessite l'intervention d'aucun arrêté préfectoral portant obligation de quitter le territoire français, le prononcé d'une telle interdiction ne fait pas obstacle à ce que le préfet fasse usage des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour prendre une mesure d'éloignement à l'encontre du même étranger lorsque celui-ci se trouve en situation irrégulière sur le territoire français. Dans une telle hypothèse, la décision préfectorale ne revêt pas un caractère superfétatoire dès lors qu'elle peut être exécutée alors que l'intéressé ne serait plus sous le coup de l'interdiction judiciaire, soit que la durée de celle-ci soit expirée, soit que l'étranger en soit relevé par le juge pénal. Il en résulte, d'une part, que l'intéressé justifie d'un intérêt qui le rend recevable à contester cette décision administrative, d'autre part, que le juge de l'excès de pouvoir, saisi du litige, doit statuer sur l'ensemble des moyens de légalité présentés par l'intéressé, qui ne sont pas inopérants dès lors que le préfet, auteur de la décision, n'est pas en situation de compétence liée pour la prendre sur le fondement des dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il appartient toutefois à ce juge de tenir compte de l'autorité absolue de la chose jugée qui s'attache aux constatations de fait mentionnées dans la décision du juge pénal et qui sont le support nécessaire de son dispositif. Il doit également, au cas où il annule la décision préfectorale alors que l'étranger est toujours sous le coup de l'interdiction judiciaire, s'abstenir de prescrire toute mesure d'exécution de son jugement qui serait en contradiction avec cette interdiction judiciaire.
Sur le motif d'annulation retenu par le jugement attaqué :
3. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. / (...) ". Aux termes de l'article R. 611-1 du même code : " Pour constater l'état de santé de l'étranger mentionné au 9° de l'article L. 611-3, l'autorité administrative tient compte d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ". L'article R. 611-2 ajoute que cet avis " est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu : 1° D'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement l'étranger ou un médecin praticien hospitalier ; 2° Des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Aux termes de l'article 9 de l'arrêté du 27 décembre 2016 : " L'étranger qui, dans le cadre de la procédure prévue aux titres I et II du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sollicite le bénéfice des protections prévues au 10° de l'article L. 511-4 (...) est tenu de faire établir le certificat médical mentionné au deuxième alinéa de l'article 1er. (...) ". Et en vertu de l'article 1er de cet arrêté : " L'étranger qui dépose une demande de délivrance ou de renouvellement d'un document de séjour pour raison de santé est tenu, pour l'application des articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de faire établir un certificat médical relatif à son état de santé par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier. / A cet effet, le préfet du lieu où l'étranger a sa résidence habituelle lui remet un dossier comprenant une notice explicative l'informant de la procédure à suivre et un certificat médical vierge, dont le modèle type figure à l'annexe A du présent arrêté ".
4. Il résulte de ces dispositions que le préfet, lorsqu'il envisage de prononcer une obligation de quitter le territoire français à l'encontre d'un ressortissant étranger, doit s'assurer que la situation de l'intéressé n'entre dans aucun des cas listés à l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En particulier, si le préfet dispose d'éléments d'information suffisamment précis permettant d'établir que l'étranger présente un état de santé susceptible de le faire entrer dans la catégorie des étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une telle mesure d'éloignement, il lui appartient de les examiner en vue de mettre en œuvre la procédure prévue par les dispositions précitées pour faire constater cet état de santé, notamment en délivrant le dossier contenant la notice explicative de la procédure et le certificat médical vierge devant être transmis au collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
5. En l'espèce, il ressort, en premier lieu, des pièces du dossier que M. D... a indiqué, dans le formulaire de renseignement administratif établi le 12 novembre 2022, souffrir d'une pathologie cardiaque suivie à Bruxelles. A la question " l'autorité préfectorale étant susceptible de prendre à votre encontre une mesure d'éloignement, quels éléments et informations souhaitez-vous porter à l'attention de la préfecture ' ", M. D... a précisé bénéficier d'un " traitement médical pour le cœur en Belgique ". Lors de son audition par les services de police, M. D... ne s'est pas prévalu de ses problèmes de santé. Informés de ces éléments, les services de police ont contacté l'hôpital Saint-Pierre de Bruxelles et il leur a été précisé que M. D... a " effectué plusieurs passages dans cet établissement " sans autre précision. En conséquence, M. D... ne peut être regardé comme ayant apporté des éléments d'information suffisamment précis permettant d'établir qu'il présente un état de santé susceptible de le faire entrer dans la catégorie des étrangers mentionnée au 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En second lieu, il ressort également des pièces du dossier que M. D... est, selon ses déclarations, entré sur le territoire français le 10 novembre 2022, en provenance de Belgique, où il a déclaré résider depuis deux ans. Il en résulte qu'il ne réside pas habituellement en France au sens et pour l'application des dispositions du 9° de cet article L. 611-3. Par suite, le préfet, qui a procédé à l'examen particulier de la situation personnelle de M. D..., n'avait pas, eu égard aux informations dont il était saisi, à suivre la procédure prévue par les dispositions précitées, avant de lui faire obligation de quitter le territoire français.
6. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Moselle est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy s'est fondé sur le moyen tiré d'un défaut d'examen pour annuler l'arrêté du 12 novembre 2022 en tant qu'il fait obligation à M. D... de quitter sans délai le territoire français et lui fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
7. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner les autres moyens soulevés par M. D... devant le tribunal.
Sur la légalité de l'arrêté du 12 novembre 2022 :
En ce qui concerne les moyens communs à l'ensemble des décisions en litige :
8. En premier lieu, l'arrêté contesté a été signé par Mme E... C..., agent de permanence au bureau de l'éloignement et de l'asile de la préfecture de la Moselle, qui a régulièrement reçu délégation, par arrêté du préfet de la Moselle du 2 juin 2022, publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture, pour signer, lors des permanences qu'elle assure, les décisions que peut prendre Mme B..., directrice de l'immigration et de l'intégration. Au nombre de ces décisions figurent celles relevant des matières du bureau de l'éloignement et de l'asile. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'incompétence de cette signataire ne peut être qu'écarté.
9. En deuxième lieu, l'arrêté contesté, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait en constituant le fondement, est régulièrement motivé. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation manque en fait. Il ne ressort par ailleurs pas des pièces du dossier, ainsi qu'il l'a été constaté au point 5 que l'édiction de cette décision n'aurait pas été précédée d'un examen de la situation particulière de l'intéressé.
10. En troisième lieu, les conditions de notification d'une décision administrative sont sans incidence sur sa légalité. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté en litige n'aurait pas été notifié au requérant dans une langue qu'il comprend doit être écarté comme étant inopérant.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
11. En premier lieu, eu égard à ce qui a été énoncé précédemment, le préfet de la Moselle ne disposait pas d'éléments suffisamment précis permettant d'établir que le cas de M. D... aurait pu relever des prévisions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, le préfet de la Moselle n'avait pas à mettre en œuvre la procédure prévue par les dispositions citées au point 3, ni à consulter un collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. M. D... ne saurait en outre utilement soutenir que le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relatives à l'admission exceptionnelle au séjour et qui ne prévoient pas la délivrance de plein droit d'un titre de séjour.
12. En deuxième lieu, le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union européenne, notamment énoncé au 2 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.
13. Il ressort des pièces du dossier que M. D... a été entendu par les services de police de la circonscription de sécurité publique de Thionville lors de son interpellation et a été mis à même de présenter des observations sur l'éventualité d'une mesure d'éloignement avant le prononcé de cette dernière. Dès lors, il n'a pas été porté atteinte au droit d'être entendu.
14. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
15. Il ressort des pièces du dossier que M. D... a été condamné par la cour d'assises du département de la Moselle à une peine de 13 ans de réclusion assortie d'une interdiction définitive du territoire français le 14 mars 2015. Après avoir quitté la France, M. D... déclare y être entré le 10 novembre 2022, alors qu'il réside habituellement à Bruxelles, afin de rencontrer un avocat dans le cadre d'une procédure de divorce. M. D... affirme, sans le justifier, être marié à une ressortissante française. En conséquence, et compte tenu de l'ensemble des éléments caractérisant la durée et les conditions du séjour de M. D... sur le territoire français, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en décidant de lui faire obligation de quitter le territoire français sans délai, le préfet de la Moselle aurait porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts dans lesquels a été prise cette mesure d'éloignement. Dès lors, cette dernière ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne la décision refusant le délai de départ volontaire :
16. Si M. D... soutient que la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire est entachée d'une erreur de droit au regard du premier paragraphe de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du droit à un procès équitable, il n'assortit pas ce moyen des précisions suffisantes pour permettre à la cour d'en apprécier la portée.
17. Aux termes de l'article L 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". Aux termes de l'article L 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / (...) 7° / L'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ou a fait usage d'un tel titre ou document ; / 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale (...) ".
18. Pour refuser d'accorder un délai de départ volontaire, le préfet de la Moselle s'est fondé sur le fait que M. D... ne justifie pas être entré régulièrement sur le territoire français, ne présente aucun document justifiant de son identité, ne peut justifier d'une résidence effective sur le territoire et que son comportement est constitutif d'une menace à l'ordre public. En se bornant à soutenir, d'une part, qu'aucun risque de fuite n'est caractérisé et, d'autre part, que son comportement ne constitue pas une menace pour l'ordre public, M. D... ne conteste pas utilement les motifs ainsi retenus et n'établit pas que le préfet ne pouvait légalement refuser de lui accorder un délai de départ volontaire.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
19. En premier lieu, faute d'établir l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, M. D... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
20. En second lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ".
21. En l'espèce, la décision reprend l'ensemble des critères légaux et rappelle par ailleurs que M. D... fait l'objet d'une interdiction définitive de territoire français. Dans ces conditions, la seule circonstance, qui ne présente pas un caractère humanitaire, qu'il souffrirait de pathologies cardiaques ne suffit pas à établir que la décision portant interdiction de retour serait entachée, dans son principe, d'une erreur manifeste d'appréciation ni que le préfet ne pouvait légalement fixer à deux ans la durée de cette interdiction.
Sur l'appel incident :
22. A l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination, le requérant reprend en appel les moyens qu'il avait invoqués en première instance et tirés de ce que la décision est irrégulière dès lors qu'elle est fondée sur une décision portant obligation de quitter le territoire elle-même irrégulière, de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales compte tenu de sa situation médicale et de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la même convention. Il y a lieu d'écarter l'ensemble de ces moyens par adoption des motifs retenus, à juste titre, par le tribunal aux points 7 à 13 du jugement attaqué.
23. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Moselle est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement attaqué, le premier juge a annulé ses décisions du 12 novembre 2022, décision portant obligation à M. D... de quitter le territoire français sans délai et lui faisant interdiction de retourner sur ce territoire pour une durée de deux ans. Les conclusions formées par la voie de l'appel incident par M. D... doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
24. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme à ce titre.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2203266 du 21 novembre 2022 du tribunal administratif de Nancy est annulé en tant qu'il annule l'arrêté du préfet de la Moselle du 12 novembre 2022 en tant qu'il fait obligation à M. D... de quitter sans délai le territoire français et lui fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
Article 2 : Les conclusions de la demande de M. D... tendant à l'annulation des décisions du préfet de la Moselle du 12 novembre 2022 lui faisant obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour sur le territoire français sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions d'appel incident présentées par M. D... et ses conclusions au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., à Me Ticot et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Moselle et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Metz.
Délibéré après l'audience du 3 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Durup de Baleine, président de chambre,
- M. Barlerin, premier conseiller,
- Mme Peton, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2024.
La rapporteure,
Signé : N. PetonLe président,
Signé : A. Durup de Baleine
Le greffier,
Signé : A. Betti
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
A. Betti
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N° 22NC03009