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19/12/2024 | FRANCE | N°22NC01911

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 2ème chambre, 19 décembre 2024, 22NC01911


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Par trois requêtes distinctes, la société par actions simplifiée (SAS) Santin a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des suppléments de cotisations foncières des entreprises qui lui ont été assignés au titre des années 2014, 2015, 2016, 2017, la réduction de la cotisation foncière des entreprises primitive de l'année 2019 ainsi que la réduction des cotisations primitives de taxe foncière sur les

propriétés bâties établies au titre des années 2018 et 2019.



Par un jugement n°s 200...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par trois requêtes distinctes, la société par actions simplifiée (SAS) Santin a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des suppléments de cotisations foncières des entreprises qui lui ont été assignés au titre des années 2014, 2015, 2016, 2017, la réduction de la cotisation foncière des entreprises primitive de l'année 2019 ainsi que la réduction des cotisations primitives de taxe foncière sur les propriétés bâties établies au titre des années 2018 et 2019.

Par un jugement n°s 2000900, 2001874 et 2001875 du 25 mai 2022, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 juillet 2022 et un mémoire enregistré le 6 septembre 2023, la SAS Santin, représentée par Me Halley, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable y compris en ce qui concerne la taxe foncière sur les propriétés bâties des années 2018 et 2019 dès lors que les bases de ces impositions reposent sur la valeur cadastrale des immobilisations au 31 décembre 2017 ;

- l'activité de son établissement de Troyes consiste à entreposer les articles de menuiseries qu'elle a achetés pour ensuite les poser chez ses clients ; son activité de fabrication et marginale ; les installations techniques, matériels et outillages ne jouent aucun rôle prépondérant dans l'activité de cet établissement ; en conséquence l'évaluation de cet établissement ne saurait relever de la méthode comptable de l'article 1499 mais relève de la méthode par comparaison.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 novembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable en ce qui concerne les cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties des années 2018 et 2019, le jugement sur ces points étant seulement susceptible d'un pourvoi en cassation en vertu du 4° de l'article R. 811-1 du code de justice administrative ;

- les moyens invoqués par la société requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Agnel ;

- les conclusions de Mme Mosser, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Veyssière, représentant la SAS Santin.

Considérant ce qui suit :

1. La société Santin exerce une activité de pose d'éléments de menuiseries et dispose en sa qualité d'exploitante d'un établissement à usage d'entrepôts, ateliers et bureaux situé à Troyes qu'elle loue à la SCI Anbème. La société a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2017, à l'issue de laquelle, par un courrier du 13 juillet 2017, l'administration fiscale a porté à sa connaissance qu'elle envisageait d'évaluer cet établissement, en vue de son imposition aux taxes foncières, selon la méthode comptable prévue à l'article 1499 du code général des impôts. La société Santin a refusé ces rectifications et le service a maintenu sa position par lettre du 30 août 2017. Les suppléments de cotisation foncière des entreprises des années 2014 à 2017 ont été mis en recouvrement au cours de l'année 2018. Les réclamations par lesquelles la société Santin a demandé le dégrèvement de ces impositions supplémentaires ainsi que des cotisations primitives de taxe foncière sur les propriétés bâties des années 2018 et 2019 et de la cotisation foncière des entreprises de 2019 ont été rejetées par l'administration les 27 février et 9 juillet 2020. La SAS Santin relève appel du jugement du 25 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ses demandes tendant à la décharge et la réduction, selon les cas, de ces impositions.

Sur les conclusions relatives à la taxe foncière sur les propriétés bâties due au titre des années 2018 et 2019 :

2. Aux termes de l'article R. 811-1 du code de justice administrative : " Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif ou qui y a été régulièrement appelée, alors même qu'elle n'aurait produit aucune défense, peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance. Toutefois, le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort : (...) 4° Sur les litiges relatifs aux impôts locaux et à la contribution à l'audiovisuel public, à l'exception des litiges relatifs à la contribution économique territoriale ; (...) Par dérogation aux dispositions qui précèdent, en cas de connexité avec un litige susceptible d'appel, les décisions portant sur les actions mentionnées au 8° peuvent elles-mêmes faire l'objet d'un appel. Il en va de même pour les décisions statuant sur les recours en matière de taxe foncière lorsqu'elles statuent également sur des conclusions relatives à cotisation foncière des entreprises, à la demande du même contribuable, et que les deux impositions reposent, en tout ou partie, sur la valeur des mêmes biens appréciée la même année ". Aux termes de l'article 1467 A du code général des impôts : " Sous réserve des II, III IV et VI de l'article 1478, la période de référence retenue pour déterminer les bases de cotisation foncière des entreprises est l'avant-dernière année précédant celle de l'imposition ou le dernier exercice de douze mois clos au cours de cette même année lorsque cet exercice ne coïncide pas avec l'année civile ".

3. Il résulte des dispositions du 5° de l'article R. 222-13 du code de justice administrative et de l'article R. 811-1 du même code que si le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort sur les litiges concernant la taxe foncière, les jugements relatifs à cette taxe peuvent toutefois faire l'objet d'un appel devant la cour administrative d'appel lorsque le premier juge a statué par un seul jugement, d'une part, sur des conclusions relatives à la taxe foncière, d'autre part, sur des conclusions relatives à la cotisation foncière des entreprises à la demande du même contribuable, et que ces impositions reposent, en tout ou partie, sur la valeur des mêmes biens appréciée la même année.

4. Le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a, par le jugement attaqué, statué sur les conclusions de la SAS Santin portant sur la taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2018 et 2019, et a statué, par ce même jugement, sur des conclusions relatives à la cotisation foncière des entreprises au titre de ces années et des années antérieures. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que la cour n'est pas compétente pour connaître du jugement attaqué en tant qu'il a statué sur les conclusions de la requête relatives à la taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle la SAS Santin a été assujettie au titre des années 2018 et 2019 dès lors que le tribunal administratif a statué sur ces conclusions en premier et dernier ressort. Par suite, il y a lieu de transmettre ces conclusions au Conseil d'Etat.

Sur les conclusions relatives à la cotisation foncière des entreprises :

5. Aux termes de l'article 1499 du code général des impôts : " La valeur locative des immobilisations industrielles passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties est déterminée en appliquant au prix de revient de leurs différents éléments, revalorisé à l'aide des coefficients qui avaient été prévus pour la révision des bilans, des taux d'intérêt fixés par décret en Conseil d'Etat ". Les établissements dont l'activité nécessite d'importants moyens techniques, non seulement lorsque cette activité consiste dans la fabrication ou la transformation de biens corporels mobiliers, mais aussi lorsque le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en œuvre, fût-ce pour les besoins d'une autre activité, est prépondérant, revêtent un caractère industriel au sens des dispositions précitées de l'article 1499.

6. Il est constant que la société Santin tire la quasi-totalité de son chiffre d'affaires de la pose d'éléments de menuiseries en PVC et en bois, qu'elle les ait fabriqués elle-même ou qu'elle les ait acquis en l'état, dans le cadre de chantiers obtenus, selon sa plaquette de présentation, à la suite d'appels d'offres dans le cadre de contrats de louage d'ouvrage. L'activité de négoce ne représente qu'une part marginale de ses recettes. Il résulte toutefois de l'instruction que les locaux de l'établissement de Troyes sont exclusivement affectés au stockage des matériaux, des fournitures et des produits, à la fabrication et l'ajustage des éléments de menuiserie PVC et bois ainsi qu'à la conception des éléments fabriqués. Compte tenu des fonctions assurées dans cet ensemble immobilier, son établissement ne peut ainsi être regardé comme revêtant un caractère industriel, au sens et pour l'application de l'article 1499 du code général des impôts, que si le rôle des installations techniques, ainsi que des matériels et outillages qu'elle met en œuvre, peut être regardé comme prépondérant dans la conduite des activités exercées dans ces locaux, et non pas celles menées à l'extérieur, prises dans leur ensemble.

7. Il résulte de l'instruction que l'établissement de la société Santin à Troyes est un ensemble immobilier de 9 418 m² environ comprenant 427 m² de bureaux, un atelier de menuiserie et un atelier d'agencements pour 2 359 m² en tout, des surfaces de stockage couvert pour 2 390 m², le reste des espaces étant constitué de parkings et de surfaces de stockage non couvert, la surface des ateliers représentant 32,80 % de la superficie des locaux litigieux. La société Santin dispose dans ses ateliers de nombreuses machines, telles qu'un centre de profilage, une ligne de finition pour menuiseries, un centre d'usinage biesse, une machine à siliconer ou une raboteuse moulurière, dont la valeur comptable inscrite au bilan était de plus de 700 000 euros au 31 août 2015 et de 1 029 774,42 euros au 31 août 2016. L'établissement de Troyes compte en moyenne une trentaine de salariés, les autres salariés de la société étant affectés aux chantiers extérieurs. Sur ces trente salariés, quinze sont affectés à la fabrication. Compte tenu de ces éléments, dès lors que l'entreposage nécessite de grandes surfaces, que le stockage concerne aussi bien les matériaux et fournitures achetés en l'état que les matériaux destinés à la production puis au stockage des produits finis, que les machines servant à la fabrication représentent 45 % de l'actif immobilisé de la société et que cette activité de fabrication, à laquelle il convient de rattacher le bureau d'études, constitue la fonction principale des locaux litigieux, il y a lieu de considérer que les installations techniques, les matériels et l'outillage jouent un rôle prépondérant dans la conduite des activités au sein de l'ensemble immobilier de la société Santin. Dans ces conditions, c'est à juste titre que l'administration a estimé que ces locaux devaient être évalués selon la méthode prévue par les dispositions ci-dessus reproduites du code général des impôts.

8. Il résulte de toute ce qui précède que la SAS Santin n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ses demandes relatives à la cotisation foncière des entreprises des années 2014, 2015, 2016, 2017 et 2019. Par suite, le surplus des conclusions de sa requête doit être rejeté.

D E C I D E :

Article 1er : Les conclusions de la SAS Santin tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 25 mai 2022, en tant qu'il a rejeté sa demande relative à la taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2018 et 2019, sont renvoyées au Conseil d'Etat.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la SAS Santin est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Santin et au ministre du budget et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 5 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président de chambre,

M. Agnel, président assesseur,

Mme Brodier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2024.

Le rapporteur,

Signé : M. AgnelLe président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre du budget et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

N° 22NC01911 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC01911
Date de la décision : 19/12/2024
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Marc AGNEL
Rapporteur public ?: Mme MOSSER
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS FIDAL DE TROYES

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-19;22nc01911 ?
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