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19/12/2024 | FRANCE | N°21NC00929

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 5ème chambre, 19 décembre 2024, 21NC00929


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la décision, en date du 14 octobre 2019, par laquelle le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du Jura a prononcé le non-renouvellement de son engagement en qualité de sapeur-pompier volontaire.



Par un jugement n° 1902075 du 26 janvier 2021, le tribunal administratif de Besançon a rejeté la demande de M. A....



Procédure devant la cour :



Par une requête et un mémoire, enregistrés les 26 mars 2021 et 18 m...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la décision, en date du 14 octobre 2019, par laquelle le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du Jura a prononcé le non-renouvellement de son engagement en qualité de sapeur-pompier volontaire.

Par un jugement n° 1902075 du 26 janvier 2021, le tribunal administratif de Besançon a rejeté la demande de M. A....

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 26 mars 2021 et 18 mars 2022, M. A..., représenté par Me Bocher-Allanet, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 26 janvier 2021 du tribunal administratif de Besançon ;

2°) d'annuler la décision du 14 octobre 2019 ;

3°) d'enjoindre au président du SDIS du Jura de retirer sa décision de non renouvellement de l'engagement de sapeur-pompier volontaire dans un délai de 8 jours à compter de l'arrêt à intervenir ; et à titre subsidiaire de réexaminer sa situation dans le même délai ;

3°) de mettre à la charge du SDIS du Jura une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'article 171 du règlement intérieur du SDIS du Jura est applicable à l'espèce ;

- la décision est entachée d'un vice de procédure dès lors que le comité consultatif départemental des sapeurs-pompiers volontaires n'a pas été régulièrement consulté et que la procédure de non renouvellement n'a pas été respectée en méconnaissance des dispositions de l'article 171 du règlement intérieur du SDIS du Jura ;

- la décision est entachée d'erreur de droit et méconnait les dispositions de l'article R. 723-53 du code de la sécurité intérieure ;

- la décision est entachée d'erreur de fait et d'erreur manifeste d'appréciation ;

- le tribunal a procédé à une substitution de motifs illégale en considérant que M. A... a manqué aux obligations résultant de la charte nationale du sapeur-pompier volontaire ;

- la décision constitue une sanction disciplinaire déguisée.

Par un mémoire en défense enregistré le 29 septembre 2021, et un mémoire produit le 7 décembre 2022 qui n'a pas été communiqué, le SDIS du Jura, représenté par Me Landbeck, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la sécurité intérieure ;

- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;

- le décret n°2013-412 du 17 mai 2013 ;

- le décret n° 2014-1253 du 27 octobre 2014 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Peton,

- et les conclusions de Mme Bourguet-Chassagnon, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... a signé un engagement quinquennal en qualité de sapeur-pompier volontaire avec le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du Jura le 1er décembre 2014 et a été affecté au centre d'incendie et de secours (CIS) d'Arinthod. Le 19 février 2019, M. A... a été exclu de ses fonctions pour une durée de trois mois à compter du 20 juin 2019. A l'issue de cette exclusion, le 16 septembre 2019, le président du conseil d'administration du SDIS du Jura a accepté la reprise d'activité de M. A..., à compter du 21 septembre 2019, au sein du CIS de Lons-le-Saunier. Dans le même temps, par un courrier du 17 septembre 2019, le président du SDIS du Jura a informé M. A... qu'à la suite de l'avis émis par le comité consultatif départemental des sapeurs-pompiers volontaires, son engagement de sapeur-pompier volontaire ne serait pas renouvelé à compter du 1er décembre 2019. Par un arrêté du 14 octobre 2019, le président du SDIS du Jura a décidé de ne pas renouveler son engagement de sapeur-pompier volontaire à compter du 1er décembre 2019. M. A... relève appel du jugement du 26 janvier 2021 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 octobre 2019.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. M. A... soutient qu'en considérant que sa manière de servir ne respectait pas la charte du sapeur-pompier volontaire, le tribunal a procédé à une substitution de motifs illégale. L'arrêté en litige se réfère au décret n°2013-412 relatif aux sapeurs-pompiers volontaires dont l'article 43 pose les conditions de renouvellement de l'engagement. Toutefois, ce décret a été abrogé par le décret n° 2014-1253 opérant une codification à droit constant de l'ensemble des dispositions relatives aux sapeurs-pompiers volontaires. A cet égard, l'article R. 723-45 du code de la sécurité intérieure, relatif au renouvellement de l'engagement, entré en vigueur le 1er décembre 2014, prévoit que : " Le maintien et le renouvellement de l'engagement sont subordonnés à la vérification selon les modalités définies par arrêté du ministre chargé de la sécurité civile, des conditions d'aptitude physique et médicale de l'intéressé correspondant aux missions qui lui sont confiées et du respect de la charte nationale du sapeur-pompier volontaire ". En conséquence, en vérifiant que M. A... respectait la charte nationale du sapeur-pompier volontaire, le tribunal n'a pas procédé à une substitution de motif.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article R. 723-53 du code de la sécurité intérieure : " L'autorité de gestion peut résilier d'office l'engagement du sapeur-pompier volontaire : / 1° S'il ne satisfait plus à l'une des conditions prévues à l'article R. 723-7, après mise en œuvre, le cas échéant, des dispositions de l'article R. 723-47 ; / 2° En cas d'insuffisance dans l'aptitude ou la manière de servir de l'intéressé durant l'accomplissement de sa période probatoire ; / 3° S'il ne satisfait pas aux épreuves sanctionnant la formation initiale mentionnée à l'article R. 723-16 ; / 4° Lorsque le sapeur-pompier volontaire, après mise en demeure, par lettre recommandée avec avis de réception, ne reprend pas son activité à l'expiration de la durée de la suspension de son engagement ; / 5° Lorsque, sans motif valable, le sapeur-pompier volontaire qui n'a pas accompli d'activité depuis au moins trois mois ne reprend pas son activité sous un délai de deux mois après mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception ; / 6° Dans les conditions prévues à l'article R. 723-40 ". Aux termes de l'article R. 723-54 du même code : " L'autorité de gestion qui ne souhaite pas renouveler l'engagement du sapeur-pompier volontaire est tenue d'en informer l'intéressé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception six mois au moins avant la fin de la période quinquennale d'engagement. / L'intéressé peut demander à être entendu par l'autorité de gestion et, dans les deux mois à compter de la réception de la lettre mentionnée au premier alinéa, demander que son cas soit examiné par le comité consultatif compétent, mentionné aux articles R. 723-73 et R. 723-75. Celui-ci émet son avis dans un délai de deux mois à compter de la saisine. / La décision motivée de l'autorité de gestion sur le non-renouvellement de l'engagement du sapeur-pompier volontaire doit être notifiée à l'intéressé un mois au moins avant le terme de l'engagement en cours ".

4. D'autre part, l'article 171, relatif au " Renouvellement de l'engagement " du règlement intérieur du SDIS du Jura, annexé à l'arrêté du 4 décembre 2012, prévoit que : " Le renouvellement de l'engagement ne peut intervenir que si l'intéressé satisfait aux conditions d'aptitude physique et médicale. / Si, du fait du S.PV., le S.S.S.M. se trouve dans l'impossibilité de contrôler l'aptitude médicale, le renouvellement d'engagement est refusé. / De même, le renouvellement de l'engagement peut être refusé si le S.P.V. ne peut plus, du fait de l'éloignement de son lieu de résidence, participer aux astreintes dans le délai prévu par le règlement opérationnel. / Toute proposition de refus de renouvellement de l'engagement doit être transmise par le chef de centre au directeur départemental, après avis du comité de centre. Cette proposition motivée doit parvenir au moins 8 mois avant la date d'anniversaire de l'engagement. / A défaut de proposition de refus dans les délais définis ci-dessus, le renouvellement de l'engagement est tacite, sous réserve que le S.P.V. s'engage à respecter les obligations qui lui incombent pendant cette nouvelle période de 5 ans, par la signature du renouvellement de son engagement ".

5. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que l'alinéa de l'article 171 du règlement intérieur du SDIS du Jura, entré en vigueur le 1er janvier 2013, selon lequel, à défaut de proposition de refus de renouvellement de l'engagement d'un sapeur-pompier volontaire dans un délai de huit mois avant la date d'anniversaire de l'engagement, le contrat d'engagement serait tacitement renouvelé est incompatible avec l'article R. 723-54 du code de la sécurité intérieure qui codifie, à droit constant, l'article 52 du décret du 17 mai 2013 relatif aux sapeurs-pompiers volontaires entré en vigueur le 1er juin 2013. Dès lors, c'est à bon droit qu'il n'a pas été fait application de cet alinéa devenu illégal. En conséquence, M. A... n'est pas fondé à soutenir que les dispositions de l'article 171 du règlement intérieur du SDIS sont applicables à la présente espèce.

6. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que, le 21 août 2019, le comité consultatif départemental des sapeurs-pompiers volontaires a émis un avis de non renouvellement au contrat d'engagement de M. A... à l'unanimité. La question de ce renouvellement était le seul point à l'ordre du jour de la réunion de ce comité. Si M. A... soutient que la durée de la réunion n'a pas permis une discussion approfondie de la situation et que le comité n'a pas été saisi de l'ensemble des circonstances, il ne l'établit pas dès lors que le procès-verbal de la réunion du comité mentionne notamment la présentation d'un rapport et la tenue de débats avant une mise au vote.

7. En troisième lieu, eu égard à ce qui a été énoncé au point 5, le moyen tiré de la méconnaissance du délai de prévenance prévu par l'article 171 en cas de non renouvellement d'un engagement ne peut qu'être écarté. Au demeurant, il ressort des pièces du dossier que M. A... avait déjà été informé par un précédent courrier du président du SDIS du 20 mai 2019 de l'intention de ne pas renouveler son engagement. En conséquence, le délai de prévenance de six mois prévu par les dispositions de l'article R. 753-54 du code de la sécurité intérieure n'a pas été méconnu.

8. En quatrième lieu, le requérant n'est pas fondé à se prévaloir des dispositions de l'article R. 723-53 du code de la sécurité intérieure relatives à la résiliation d'office du contrat d'engagement dès lors que l'arrêté en litige constitue une décision de non renouvellement d'engagement relevant des dispositions de l'article R. 723-45 du même code, mais non une telle résiliation.

9. En dernier lieu, la charte du sapeur-pompier volontaire, à laquelle renvoient les dispositions précitées de l'article R. 723-45 du code de la sécurité intérieure, prévue à l'article L. 723-10 du même code et figurant à l'annexe 3 dudit code, indique notamment que le sapeur-pompier volontaire s'engage : " à servir avec honneur, humilité et dignité et à avoir un comportement irréprochable lorsqu' (il) porte la tenue de sapeur-pompier ".

10. Il ressort des pièces du dossier que par un courrier en date du 4 février 2019, M. A... s'est plaint à sa hiérarchie du comportement d'un gradé représentant le SDIS lors de la réunion du comité du centre d'Arinthod, auquel M. A... prête des faits qu'il qualifie de subornation de témoins dans le but, selon lui, de le discréditer auprès de sa hiérarchie et de ses collègues. Dans le même courrier, M. A... menaçait le SDIS de poursuites, en cas d'absence de sanctions contre ce gradé, contre son chef de centre et contre la secrétaire de séance ayant rédigé le compte-rendu de cette réunion. Le 19 février 2019, M. A... a été sanctionné d'une exclusion temporaire de fonctions d'une durée de trois mois à raison du ton de ce courrier, des propos qu'il contient, sans être assortis du moindre commencement de preuve, ainsi que des accusations diffamatoires proférées contre les représentants du SDIS. Il ressort par ailleurs de l'ensemble des pièces du dossier que M. A... s'est régulièrement livré à la dénonciation de faits impliquant ses collègues ou sa hiérarchie, sans apporter de preuve à ces allégations, propageant au sein du centre d'Arinthod dans lequel il était affecté une ambiance délétère et pesante, conduisant au mauvais fonctionnement du service. Dans ces conditions, en considérant, d'une part, que M. A... a provoqué le trouble et le désordre dans le fonctionnement interne du CIS avec un influence néfaste sur la distribution des secours et l'opérationnalité du centre et, d'autre part, que ce sapeur-pompier ne présente pas les dispositions requises pour s'intégrer au sein d'un collectif et qu'il est enclin à briser l'esprit et la cohésion indispensables au sein d'un groupe, le président du SDIS a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, considérer que la manière de servir de M. A... ne respectait pas les conditions de l'article R. 753-45 du code de la sécurité intérieure et notamment la charte du sapeur-pompier volontaire. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette décision constituerait une sanction déguisée.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

12. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du SDIS du Jura, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... une somme de 1 000 euros à verser au SDIS du Jura au même titre.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : M. A... versera au SDIS du Jura la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au service départemental d'incendie et de secours du Jura.

Délibéré après l'audience du 3 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Durup de Baleine, président de chambre,

- M. Barlerin, premier conseiller,

- Mme Peton, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 décembre 2024.

La rapporteure,

Signé : N. PetonLe président,

Signé : A. Durup de Baleine

Le greffier,

Signé : A. Betti

La République mande et ordonne au préfet du Jura en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

A. Betti

N° 21NC00929 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC00929
Date de la décision : 19/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DURUP DE BALEINE
Rapporteur ?: Mme Nolwenn PETON
Rapporteur public ?: Mme BOURGUET-CHASSAGNON
Avocat(s) : LANDBECK

Origine de la décision
Date de l'import : 22/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-19;21nc00929 ?
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