Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 24 janvier 2022 par lequel le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière.
Par un jugement n° 2201820 du 15 décembre 2022, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrés le 23 juin 2023, Mme B... A..., représentée par Me Bricout, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2201820 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 15 décembre 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Marne du 24 janvier 2022 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- l'arrêté en litige du 24 janvier 2022 méconnaît les stipulations du 5) du deuxième alinéa de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de familles ;
- cet arrêté méconnaît également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation au regard du pouvoir discrétionnaire de régularisation du préfet à titre exceptionnel.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 décembre 2023, le préfet de la Marne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par Mme A... ne sont pas fondés.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 mai 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Meisse a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... A... est une ressortissante algérienne, née le 10 janvier 1961. Elle est entrée régulièrement sur le territoire français le 10 mars 2018 sous couvert de son passeport revêtu d'un visa de court séjour délivré par les autorités françaises. Le 12 juillet 2018, elle a sollicité son admission au séjour en qualité de membre de la famille d'un citoyen de l'Union européenne. Par un arrêté du 5 juin 2020, dont la légalité a été confirmée par un jugement n° 2001193 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 16 octobre 2020 et par un arrêt n° 20NC03345 de la cour administrative d'appel de Nancy du 1er juin 2021, le préfet de la Marne a refusé de faire droit à cette demande et a pris à son encontre une mesure d'éloignement. Le 3 septembre 2021, la requérante a sollicité la délivrance d'un certificat de résidence sur le fondement des stipulations du 5) du deuxième alinéa de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles. Toutefois, par un nouvel arrêté du 24 janvier 2022, le préfet de la Marne a réitéré son refus de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière. Mme A... a saisi le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Elle relève appel du jugement n° 2201820 du 15 décembre 2022 qui rejette sa demande.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes du deuxième alinéa de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... est arrivée en France le 10 mars 2018 à l'âge de cinquante-sept ans. Elle a fait l'objet le 5 juin 2020 d'une mesure d'éloignement à laquelle elle n'a pas déféré. Si elle fait valoir qu'elle est divorcée depuis 1990 et que ses parents sont décédés, la requérante, qui a exercé la profession d'enseignante en Algérie jusqu'à sa retraite en 2017, n'établit pas être isolée dans son pays d'origine. Si elle soutient que sa fille, qui serait hébergée par son oncle et aurait été reconnue handicapée à 80 %, souffrirait d'importants problèmes de santé et que les trois enfants de sa fille présenteraient des troubles graves du comportement, le préfet de la Marne affirme, sans être contredit, que la fille de Mme A... dispose de son propre logement depuis 2018 et qu'elle vit avec son époux depuis 2021 à la faveur d'une mesure de regroupement familial. Dans ces conditions et alors que la requérante ne démontre pas que sa présence auprès de sa fille et de ses petits-enfants serait indispensable, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de celles du 5) du deuxième alinéa de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 doivent être écartés.
4. En second lieu, eu égard aux circonstances qui ont été analysées au point précédent, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que l'arrêté en litige serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation de Mme A... au regard du pouvoir discrétionnaire de régularisation, à titre exceptionnel, dont dispose le préfet.
5. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de la Marne du 24 janvier 2022, ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Marne.
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Wurtz, président,
- Mme Bauer, présidente-assesseure,
- M. Meisse, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 décembre 2024.
Le rapporteur,
Signé : E. MEISSE
Le président,
Signé : Ch. WURTZ
Le greffier,
Signé : F. LORRAIN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier :
F. LORRAIN
N° 23NC02013 2