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05/12/2024 | FRANCE | N°23NC03241

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 2ème chambre, 05 décembre 2024, 23NC03241


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 3 juillet 2023 par lequel le préfet des Ardennes l'a obligé à quitter sans délai le territoire national et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office.



Par un jugement n° 2304739 du 11 juillet 2023, le magistrat désigné du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.



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Par une requête enregistrée le 31 octobre 2023 et un mémoire enregistré le 2 novembre 2023, M. B..., représenté pa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 3 juillet 2023 par lequel le préfet des Ardennes l'a obligé à quitter sans délai le territoire national et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office.

Par un jugement n° 2304739 du 11 juillet 2023, le magistrat désigné du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 31 octobre 2023 et un mémoire enregistré le 2 novembre 2023, M. B..., représenté par Me Gueddari-Ben Aziza, demande à la cour :

1) d'annuler ce jugement ;

2) d'annuler l'arrêté attaqué ;

3) d'enjoindre au préfet des Ardennes de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de cent euros par jour de retard ;

4) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire : a été prise en méconnaissance du 2° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce qu'il a résidé en France de manière continue de l'âge de six ans, en 2002, jusqu'à la date de la décision attaquée ; a été prise en méconnaissance du 5° de l'article L. 611-3 du même code en ce qu'il est père d'un enfant français et participe à son entretien et son éducation ; a été prise en méconnaissance du 5° de l'article L. 611-3 du même code en ce qu'il réside habituellement en France depuis plus de dix ans ; ne repose pas sur un examen de sa situation en ce que le préfet a ignoré sa demande de renouvellement de titre de séjour en cours d'instruction ; porte une atteinte disproportionnée à son droit à la vie privée et familiale en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; méconnaît l'article 27 de la directive 2004/38/CE du 29 avril 2004 et le 2° de l'article 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce qu'il ne présente aucun risque actuel pour l'ordre public ;

- le refus de délai de départ volontaire : est privé de base légale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire ; est entaché d'erreur d'appréciation en ce qu'il ne représente pas un risque pour l'ordre public.

M. B... a été admis à l'aide juridictionnelle par une décision du 26 septembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience publique.

Le rapport de M. Agnel a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant haïtien né en 1996, a fait l'objet d'un arrêté le

3 juillet 2023 par lequel le préfet des Ardennes lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination. M. B... relève appel du jugement du 11 juillet 2023 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) / 2° L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans ".

3. Par les pièces, non contestées par la partie adverse, qu'il produit devant cette cour, M. B... justifie résider habituellement en France depuis l'année 2002, alors qu'il était âgé de six ans, y compris sous couvert de titres de séjour. Par suite, il est fondé à soutenir que l'arrêté litigieux a été pris en méconnaissance des dispositions ci-dessus reproduites.

4. Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

5. Aux termes de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision portant obligation de quitter le territoire français est annulée (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ".

6. L'annulation ci-dessus prononcée implique seulement que l'autorité administrative statue de nouveau sur le cas de M. B.... Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet des Ardennes de réexaminer la situation de M. B... selon les modalités figurant au dispositif du présent arrêt.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

7. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Gueddari-Ben Aziza, avocat de M. B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Gueddari-Ben Aziza de la somme de 1 500 euros.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2304739 du tribunal administratif de Strasbourg du 11 juillet 2023 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du préfet des Ardennes du 3 juillet 2023 est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet des Ardennes de réexaminer la situation de M. B... dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Me Gueddari-Ben Aziza la somme de 1 500 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve de sa renonciation à la part contributive de l'Etat.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Gueddari-Ben Aziza et au ministre de l'intérieur.

Copie du présent arrêt sera transmise au préfet des Ardennes.

Délibéré après l'audience du 15 novembre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président de chambre,

M. Agnel, président assesseur,

Mme Stenger, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2024.

Le rapporteur,

Signé : M. AgnelLe président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

N° 23NC03241

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC03241
Date de la décision : 05/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Marc AGNEL
Rapporteur public ?: Mme MOSSER
Avocat(s) : GUEDDARI BEN AZIZA

Origine de la décision
Date de l'import : 15/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-05;23nc03241 ?
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