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05/12/2024 | FRANCE | N°23NC03020

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 2ème chambre, 05 décembre 2024, 23NC03020


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler les arrêtés du 26 juin 2023 par lesquels la préfète de Meurthe-et-Moselle l'a obligé à quitter sans délai le territoire national, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office, l'a interdit de retour sur le territoire pendant une durée de dix-huit mois et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.



Par un jugement n° 2301947 du 4 juill

et 2023, la magistrate désignée du tribunal administratif de Nancy a rejeté la demande.



Procédu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler les arrêtés du 26 juin 2023 par lesquels la préfète de Meurthe-et-Moselle l'a obligé à quitter sans délai le territoire national, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office, l'a interdit de retour sur le territoire pendant une durée de dix-huit mois et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2301947 du 4 juillet 2023, la magistrate désignée du tribunal administratif de Nancy a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 septembre 2023, M. A..., représenté par Me Levi-Cyferman, demande à la cour :

1) d'annuler ce jugement ;

2) d'annuler les arrêtés attaqués ;

3) d'enjoindre à la préfète de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à travailler, à défaut de réexaminer sa situation sous couvert d'une autorisation provisoire de séjour ;

4) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce qu'il n'a pas été répondu à son moyen tiré de ce qu'il pouvait se voir délivrer un titre de séjour de plein droit sur le fondement de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;

- les arrêtés attaqués sont insuffisamment motivés ;

- l'obligation de quitter le territoire : méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article 6 de l'accord franco-algérien ; n'a pas été précédé d'un examen de sa situation personnelle ; repose sur une appréciation manifestement erronée de sa situation ;

- l'interdiction de retour sur le territoire est entachée d'erreur de fait et d'erreur manifeste d'appréciation en ce que sa présence en France ne constitue pas un risque pour l'ordre public et que sa vie personnelle et familiale est désormais établie en France.

Par un mémoire en défense enregistré le 5 mars 2024, la préfète de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Elle soutient qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé.

M. A... a été admis à l'aide juridictionnelle par une décision du 14 septembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience publique.

Le rapport de M. Agnel a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant algérien né le 13 juillet 1986, déclare être entré sur le territoire français en 2020. Par un arrêté du 26 juin 2023, la préfète de Meurthe-et-Moselle lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois. Par un arrêté du même jour, le préfet l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours au sein du territoire de la métropole du Grand Nancy et l'a astreint à se présenter les mardis et jeudis, à 10 heures au commissariat de police de Nancy et à se maintenir quotidiennement de 6 heures à 9 heures au sein de son logement. M. A... relève appel du jugement du 4 juillet 2023 par lequel la magistrate désignée du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur la régularité du jugement :

2. Le jugement attaqué a répondu de manière suffisamment motivée, afin de l'écarter, au moyen invoqué par M. A... tiré de ce qu'il remplissait les conditions pour se voir délivrer de plein droit un certificat de résidence sur le fondement des stipulations du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien ci-dessus visé.

Sur la légalité des décisions attaquées :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :

3. M. A... reprend en appel, sans précision nouvelle, les moyens tirés du défaut de motivation de l'obligation de quitter le territoire et de l'absence d'examen de sa situation personnelle. Il y a lieu d'écarter ces moyens par les mêmes motifs que ceux adoptés à juste titre par le jugement attaqué.

4. M. A... ne justifie pas de la date de son entrée sur le territoire français. En admettant la date d'entrée dont il se prévaut, il ne se trouverait sur le territoire français que depuis trois ou quatre ans, et a ainsi vécu jusqu'au moins l'âge de trente-trois ans dans son pays d'origine où résident ses parents. La présence alléguée en France de membres de sa famille français ou étrangers en situation régulière ne peut suffire à lui ouvrir un droit au séjour. Enfin, s'il soutient entretenir une relation amoureuse avec une ressortissante française avec laquelle il a un projet de mariage devant se concrétiser en août 2023, il n'établit aucune communauté de vie et cette relation qui aurait débuté en juillet 2022 est, en tout état de cause, récente. S'il justifie devant cette cour s'être marié avec cette personne le 12 août 2023, postérieurement à la décision attaquée, cette circonstance ne remet pas en cause la durée et l'intensité de sa vie privée et familiale en France à la date de celle-ci. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'il remplissait les conditions pour se voir délivrer une carte de résident sur le fondement du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien et que la décision attaquée aurait été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou reposerait sur une appréciation manifestement erronée de sa situation.

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire :

5. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11 ".

6. Il résulte de ces dispositions que seules des circonstances humanitaires peuvent faire obstacle au prononcé d'une interdiction de retour lorsque l'étranger fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et que la durée de cette interdiction doit alors être fixée en prenant en compte la durée de présence en France, les liens tissés, l'existence ou non d'une précédente mesure d'éloignement et la menace à l'ordre public.

7. M. A... réside irrégulièrement en France depuis y être entré sans avoir jamais entrepris de régulariser sa situation. Si l'intéressé a soutenu travailler dans le bâtiment depuis son arrivée en France, il ne l'établit pas tandis qu'il n'a été connu des autorités administratives qu'à l'occasion de son audition devant les services de police dans le cadre d'une garde à vue. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, il ne justifie pas d'une communauté de vie avec son épouse à la date de la décision attaquée et ne peut faire état d'aucune attache ou d'aucun lien personnel en France. A la date d'adoption de l'interdiction de retour sur le territoire, il se trouvait impliqué dans des faits de violence lors d'une altercation avec une automobiliste à la suite d'un accident de la circulation. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, alors même que ses auditions devant la police n'ont eu aucune suite judiciaire, c'est sans commettre ni erreur de fait, ni erreur de droit et pas davantage d'erreur manifeste d'appréciation que l'autorité administrative a décidé de prononcer à l'encontre de l'intéressé une interdiction de retour sur le territoire d'une durée de dix-huit mois.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Levi-Cyferman et au ministre de l'intérieur.

Copie du présent arrêt sera transmise à la préfète de Meurthe-et-Moselle.

Délibéré après l'audience du 15 novembre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président de chambre,

M. Agnel, président assesseur,

Mme Stenger, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2024.

Le rapporteur,

Signé : M. AgnelLe président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

N° 23NC03020

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC03020
Date de la décision : 05/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Marc AGNEL
Rapporteur public ?: Mme MOSSER
Avocat(s) : ANNIE LEVI-CYFERMAN - LAURENT CYFERMAN

Origine de la décision
Date de l'import : 15/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-05;23nc03020 ?
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