Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 19 octobre 2020 par laquelle le ministre chargé du travail et de l'emploi a, d'une part, annulé la décision du 7 février 2020 par laquelle l'inspecteur du travail a refusé son licenciement pour faute, et a d'autre part, autorisé son licenciement pour faute.
Par un jugement n°s 2003330 et 2003333 du 17 novembre 2022, le tribunal administratif de Nancy a rejeté les demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 13 janvier 2023, Mme A..., représentée par la SCP Gossin-Horber, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision attaquée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision attaquée ne motive pas l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail qu'elle prononce en s'abstenant d'examiner le caractère non-injurieux du signalement, l'absence de conséquences dommageables de celui-ci, l'absence d'abus de la liberté d'expression, ces éléments constituant trois des quatre motifs qu'avait retenus l'inspecteur du travail ;
- le dispositif de signalement mis en place par l'employeur est illégal en l'absence de déclaration ou d'autorisation auprès de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), de consultation préalable des représentants du personnel, d'information préalable et individuelle des salariés conformément à l'article L. 1222-4 du code du travail, de respect du règlement général sur la protection des données ; en conséquence, c'est illégalement que le ministre s'est appuyé sur les résultats de l'enquête relative à la mise en œuvre de cette procédure de signalement illégale ;
- la procédure interne à l'employeur relative à la mise en œuvre du canal de signalement a été méconnue en ce que les témoins cités n'ont jamais été entendus, la confidentialité a été délibérément violée, l'enquête a été instruite exclusivement à sa charge et le signalement a été suivi d'une mesure de représailles, en l'occurrence son licenciement ;il appartenait au ministre de relever ces irrégularités afin de refuser l'autorisation de licenciement ;
- son employeur a décidé de la licencier, au motif qu'elle aurait refusé des postes de reclassement, avant même le signalement qu'elle a effectué et qui a servi de prétexte pour une procédure disciplinaire ;
- elle a personnellement respecté les procédures de signalement mises en place par son employeur, dans le respect du droit d'expression du salarié visé à l'article L. 2281-1 du code du travail et sous couvert de l'article 6 de la loi dite Sapin 2 ; que dans ces conditions, faute d'établir la connaissance qu'elle aurait eu de l'inexactitude des faits qu'elle avait dénoncés, au moment où elle les avait dénoncés, le ministre ne pouvait retenir l'existence d'une faute ;
- s'agissant des accidents du travail, les faits signalés se sont révélés exacts ; s'agissant du cas de harcèlement, le signalement, effectué de bonne foi, concerne un fait avéré puisque la cour d'appel a bien donné tort à l'employeur ainsi qu'elle l'avait dénoncé au siège ; il en va de même du signalement relatif au licenciement du responsable des opérations lequel n'est affecté d'aucune inexactitude, la procédure ayant donné lieu à un accord transactionnel ; s'agissant du poste attribué à l'épouse du directeur des ressources humaines, c'est à juste titre et de bonne foi qu'elle a signalé que ce poste n'avait pas été ouvert au recrutement alors qu'elle-même postule sans succès depuis plusieurs années sur des emplois au sein de l'entreprise ; s'agissant des discriminations dénoncées de bonne foi, elles sont relatives à son propre cas à la suite de la suppression illégale de son poste de travail et sa mise à l'écart de toute mission depuis plusieurs années.
Par un mémoire enregistré le 22 mars 2023, la SAS Upm Raflatac, représentée par Me Rattaire, conclut au rejet de la requête, subsidiairement à l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail du 7 février 2020 et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme A... une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés dans la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code du travail ;
- la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Agnel ;
- les conclusions de Mme Mosser, rapporteure publique ;
- et les observations de Me Horber représentant Mme A... et Me Rattaire représentant la société Upm Raflatac.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... a été recrutée le 11 avril 2001 par la SAS Upm Raflatac et a été désignée comme conseillère du salarié et élue membre titulaire du comité technique régional d'une caisse de retraite. Elle bénéficie à ce titre de la protection contre les licenciements prévue par les articles L. 2411-1 et suivants du code du travail. L'employeur de Mme A... a saisi le 19 décembre 2019 l'inspection du travail d'une demande d'autorisation de licenciement pour faute. Par décision du 7 février 2020, l'inspecteur du travail a refusé cette autorisation. Sur recours hiérarchique de l'employeur, le ministre du travail a, par décision du 19 octobre 2020, annulé la décision du 7 février 2020 et autorisé le licenciement de Mme A.... Cette dernière relève appel du jugement du 17 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur la légalité de la décision du 19 octobre 2020 :
En ce qui concerne la légalité externe :
2. Lorsqu'il est saisi d'un recours hiérarchique contre une décision d'un inspecteur du travail statuant sur une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé, le ministre chargé du travail doit, soit confirmer cette décision, soit, si celle-ci est illégale, l'annuler puis se prononcer de nouveau sur la demande d'autorisation de licenciement compte tenu des circonstances de droit et de fait à la date à laquelle il prend sa propre décision. Dans le cas où le ministre, ainsi saisi d'un recours hiérarchique, annule la décision par laquelle un inspecteur du travail a rejeté la demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé, il est tenu de motiver l'annulation de cette décision ainsi que le prévoit l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, et en particulier, lorsqu'il estime que le ou les motifs fondant une décision de refus d'autorisation de licenciement sont illégaux, d'indiquer les considérations pour lesquelles il estime que ce motif ou, en cas de pluralité de motifs, chacun des motifs fondant la décision de l'inspecteur du travail, est illégal.
3. Il ressort des pièces du dossier que l'inspecteur du travail a refusé l'autorisation de licencier Mme A... en se fondant sur l'exactitude matérielle des faits, leur absence de caractère fautif et de gravité et l'absence de lien entre la demande de licenciement et le mandat de la salariée. Il ressort de la décision du 19 octobre 2020 que le ministre du travail et de l'emploi, qui n'avait pas à examiner chacun des arguments retenus par l'inspecteur du travail - notamment ceux relatifs au caractère non injurieux du signalement, à l'absence de conséquences dommageables de celui-ci, ou à l'absence d'abus de la liberté d'expression - s'est prononcé sur chacun de ces motifs pour estimer que les faits établis à l'encontre de Mme A... étaient établis, fautifs et de nature à justifier une mesure de licenciement, cette dernière apparaissant sans lien avec le mandat. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que les règles ci-dessus rappelées auraient été méconnues par la décision attaquée.
En ce qui concerne la légalité interne :
4. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec leur appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi. A ce titre il doit aussi vérifier, notamment la régularité de ce licenciement au regard de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé, au nombre desquelles figurent les stipulations des accords collectifs de travail applicables au salarié.
S'agissant du motif de licenciement :
5. Si Mme A... établit, par les pièces qu'elle produit, que son employeur envisageait de la licencier, du fait de l'échec des tentatives de la reclasser sur un poste de travail, avant le signalement du 30 septembre 2019 qui lui est reproché, une telle circonstance ne constitue pas un obstacle à ce qu'une procédure de licenciement pour faute soit entreprise à son encontre et ne saurait établir le caractère infondé de cette mesure dont il appartenait à l'administration de vérifier la réalité et la gravité du motif ainsi que son absence de lien avec les mandats de l'intéressée.
S'agissant de la licéité des éléments de preuve utilisés par le ministre du travail :
6. L'inspecteur du travail et le cas échéant, le ministre du travail, ne sauraient fonder une autorisation de licenciement sur des faits dont la matérialité aurait été établie au moyen de procédés de preuve illicites, déloyaux ou clandestins.
7. Il ressort des pièces du dossier que la société Upm Raflatac a élaboré un code de conduite comportant des normes de comportement en matière de conformité légale, de confidentialité, de conflits d'intérêts, de cadeaux, de lutte contre la corruption, de ressources humaines, de droits humains et d'environnement, s'imposant à tous ses collaborateurs, les infractions à ce code étant passibles de mesures disciplinaires pouvant aller jusqu'au licenciement. Il ressort de ce code que les salariés sont tenus de signaler de telles infractions grâce à un dispositif de " signalement d'inconduite " au moyen de canaux de communication électroniques, de manière anonyme ou non. Un signalement effectué par ce canal a pour effet de déclencher de la part de la direction, en l'occurrence la société mère établie en Finlande, une enquête interne. Il ressort des pièces du dossier que, le 30 septembre 2019, Mme A... a effectué dans ce dispositif un signalement ayant déclenché une enquête effectuée par deux responsables des ressources humaines de la société Upm laquelle a donné lieu à un rapport du 18 novembre 2019. Il ressort de la décision attaquée qu'afin d'établir la matérialité des faits reprochés à Mme A..., le ministre s'est en partie fondé sur les éléments de la procédure de " signalement d'inconduite " de l'employeur et en particulier le rapport d'enquête. Il ressort des pièces du dossier, notamment des pièces produites par l'employeur devant cette cour, que l'ensemble du dispositif de " signalement d'inconduite " a été porté à la connaissance des salariés, qui ont notamment suivi une formation sur ce thème, et que la société a rempli ses obligations concernant l'application du règlement UE n° 2016/679 du Parlement et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des données des personnes. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que les éléments de preuve réunis sur la base de la procédure de " signalement d'inconduite " seraient illicites à raison de l'illégalité de ce dispositif de signalement et d'écoute.
S'agissant du respect des garanties de la procédure interne à l'employeur :
8. Si Mme A... soutient que la procédure de licenciement interne à l'entreprise a méconnu les règles de la " procédure de rapport d'inconduite " relative à la procédure de signalement des infractions au code de conduite, analysé au point 7 ci-dessus, il ressort de la lecture de ce document qu'il n'est pas spécifiquement applicable à la procédure disciplinaire des salariés et ne saurait, par suite, sur ce point être utilement invoqué.
9. Si Mme A..., qui a choisi, comme il lui était loisible de le faire, d'effectuer son signalement sans avoir recours à l'anonymat, soutient que la procédure d'enquête évoquée au point 7 ci-dessus a été menée de manière partiale, exclusivement à sa charge, en violation des règles de confidentialité prévue par la " procédure de rapport d'inconduite " et sans que les témoins cités aient été entendus, elle n'apporte au soutien de ce moyen aucune précision utile de nature à permettre d'en apprécier le bien-fondé alors que ces allégations sont contredites par le rapport d'enquête du 18 novembre 2019. Il résulte par ailleurs des articles 9 et 13 de la " procédure de rapport d'inconduite " que si la personne ayant effectué un signalement ne saurait encourir de représailles pour ce motif, cette protection n'est réservée qu'aux auteurs de signalements effectués de bonne foi. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'enquête doit, en tout état de cause, être écarté.
S'agissant de l'exactitude des faits dénoncés :
10. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... a effectué le 30 septembre 2019, au moyen de l'application électronique interne à l'entreprise dite " signalement d'inconduite ", une dénonciation de " plusieurs conduites inappropriées " en précisant que " les informations sont vérifiables et d'autres personnes sont aussi en mesure de témoigner ". Il ressort de ce document que l'intéressée, sans citer aucun témoin, affirme, sans aucune précision de date ou de circonstances, que la direction de l'usine de Nancy dissimule sciemment des accidents du travail et fait de fausses déclarations en cette matière, est impliquée dans des procédures judiciaires avec des salariés qui auraient pu être réglées à l'amiable, en particulier dans la gestion de cadres nommément désignés, ne propose pas les postes vacants à l'ensemble des salariés mais fait preuve de favoritisme, s'agissant notamment du cas de l'épouse d'un cadre dirigeant, a procédé au licenciement du responsable des opérations sans raison, a licencié une salariée qui avait dénoncé un cas de harcèlement et encore se rend coupable de plusieurs discriminations en cours.
11. Il ressort des pièces du dossier, en particulier des pièces produites par la société Upm Raflatac, que les faits de défaut de déclarations d'accidents de travail ou au contraire de fausses déclarations, imputés par Mme A... à la direction de l'usine de Nancy sont matériellement inexacts.
12. Les allégations du signalement relatives à une gestion des ressources humaines vindicative, dépourvue d'intégrité et de probité, du directeur général et du directeur des ressources humaines, impliquant l'entreprise dans des procédures judiciaires avec ses salariés, ne sont assorties d'aucune précision de nature à en établir la réalité.
13. L'affirmation de Mme A... selon laquelle une collègue de travail aurait été recrutée sur un poste du seul fait qu'elle est l'épouse du directeur des ressources humaines est dépourvue de tout commencement de preuve et doit être regardée comme calomnieuse.
14. L'imputation selon laquelle le licenciement du directeur des opérations était dépourvu de motif réel et sérieux est matériellement inexacte dès lors qu'aucun élément, tel qu'une décision de justice par exemple, ne permettait à Mme A... de faire une telle dénonciation.
15. Le signalement par Mme A... que son employeur était en train de perdre son contentieux judiciaire, alors qu'au contraire il venait de l'emporter devant le conseil des prud'hommes, dans un procès l'opposant à une salariée, qui avait dénoncé des faits de harcèlement au travail, était matériellement inexact à la date à laquelle il a été fait. Si postérieurement au signalement litigieux, un arrêt de la cour d'appel de Nancy du 5 mars 2020 a infirmé le jugement du conseil des prud'hommes, une telle circonstance ne saurait rétroactivement servir de fondement à cette dénonciation.
16. Enfin, Mme A... tente de justifier, a posteriori, le signalement qu'elle a fait selon lequel " plusieurs discriminations sont en cours ", sans autre précision, en soutenant qu'elle entendait viser par là son cas personnel et le harcèlement dont elle fait l'objet, selon elle, de la part de son employeur depuis plusieurs années. Toutefois, sans qu'il soit besoin d'examiner la réalité de ce harcèlement et de ces discriminations, non seulement cette précision ne ressort pas du signalement reçu par ses destinataires, en l'absence de toute précision sur la nature de ces prétendues discriminations, mais Mme A... ne justifie pas qu'elle entendait ainsi viser son seul cas alors qu'elle a allégué de " plusieurs discriminations ". Il en résulte que c'est vainement qu'elle tente a posteriori de justifier cette dénonciation laquelle doit, dès lors, être regardée comme dépourvue de tout fondement.
17. Il résulte de ce qui précède que les faits dénoncés par Mme A... étaient dépourvus de toute exactitude matérielle.
S'agissant du caractère fautif de ces dénonciations :
18. Les dénonciations effectuées par Mme A..., dépourvues de toute précision utile, procédant par affirmations ou insinuations, sans être accompagnées des informations vérifiables et de l'identité des personnes pouvant témoigner, pourtant annoncées, lesquelles se révèlent sans aucun fondement matériel, attestent l'absence de bonne foi ayant présidé au signalement litigieux lequel revêt ainsi un caractère fautif.
19. Aux termes de l'article 6 de la loi du 9 décembre 2016 dans sa rédaction en vigueur à l'époque des faits : " Un lanceur d'alerte est une personne physique qui révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne foi, un crime ou un délit, une violation grave et manifeste d'un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d'un acte unilatéral d'une organisation internationale pris sur le fondement d'un tel engagement, de la loi ou du règlement, ou une menace ou un préjudice graves pour l'intérêt général, dont elle a eu personnellement connaissance ". Aux termes de l'article L. 1152-2 du code du travail : " Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés ". Aux termes de l'article L. 1132-3-3 du code du travail dans sa rédaction applicable au présent litige : " Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d'un délit ou d'un crime dont il aurait eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions./Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation professionnelle, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir signalé une alerte dans le respect des articles 6 à 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique ". Aux termes de l'article L. 2281-1 du même code : " Les salariés bénéficient d'un droit à l'expression directe et collective sur le contenu, les conditions d'exercice et l'organisation de leur travail ".
20. Il résulte des dispositions du premier alinéa de l'article L. 1132-3-3 du code du travail, qui viennent d'être citées, que dans le cas où l'autorité administrative est saisie d'une demande d'autorisation de licenciement pour faute d'un salarié protégé auquel il est reproché d'avoir signalé des faits répréhensibles, il lui appartient de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits dénoncés sont susceptibles de recevoir la qualification de crime ou de délit, si le salarié en a eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions et s'il peut être regardé comme ayant agi de bonne foi. Lorsque ces trois conditions sont remplies, l'autorité administrative doit refuser d'autoriser ce licenciement.
21. En outre, si les dispositions du second alinéa de l'article L. 1132-3-3 du code du travail, ci-dessus citées, prévoient un aménagement des règles de dévolution de la preuve lorsqu'un salarié conteste des mesures défavorables prises à son encontre en faisant valoir qu'elles sont, en réalité, motivées par une déclaration ou un témoignage effectué dans les conditions prévues au premier alinéa de cet article, ces dispositions sont sans application lorsque la mesure contestée par le salarié est expressément fondée sur ce signalement. Dans le cas où il est saisi de la légalité d'une décision prise par l'autorité administrative sur une demande d'autorisation d'un licenciement expressément motivée par un tel signalement, il appartient au juge de l'excès de pouvoir de former sa conviction sur les points en litige au vu de l'ensemble des éléments versés au dossier par les parties, le cas échéant après avoir mis en œuvre ses pouvoirs généraux d'instruction des requêtes.
22. Il résulte de ce qui vient d'être dit que Mme A..., qui n'a pas effectué le signalement litigieux de bonne foi, ne saurait se prévaloir de la protection prévue en faveur des lanceurs d'alerte par les dispositions ci-dessus reproduites et en invoquer la méconnaissance. Elle n'est pas davantage fondée à se prévaloir de la liberté d'expression des salariés, laquelle au demeurant s'exerce collectivement, cette garantie n'ayant pas pour effet d'autoriser la dénonciation de mauvaise foi de faits matériellement inexacts. Si Mme A... soutient qu'elle n'a fait qu'utiliser le dispositif de dénonciation mis en place par son employeur et qu'elle avait été incitée à le faire, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu'elle avait été informée que la procédure de signalement devait être utilisée de bonne foi. La circonstance que les termes utilisés dans sa dénonciation n'étaient pas injurieux est sans incidence sur l'existence et le caractère fautif du comportement de la requérante.
S'agissant de la gravité des fautes :
23. Il ressort des pièces du dossier que le signalement fautif effectué par Mme A... a déclenché une enquête interne, ayant notamment nécessité le déplacement de cadres en provenance de Finlande. Ce signalement impute des comportements inappropriés à des personnes nommément désignées, qui se sont trouvées ainsi personnellement mises en cause à raison de faits dépourvus de toute réalité dans des conditions de nature à semer la discorde au sein de l'établissement et à porter atteinte à son image et sa réputation. Il en résulte que la faute commise revêt un caractère de gravité suffisante pour justifier une mesure de licenciement.
24. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
25. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat et la SAS Upm Raflatac, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, versent à Mme A... les sommes qu'elle demande au titre des frais exposés par elle. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... la somme que la SAS Upm Raflatac demande sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la SAS Upm Raflatac tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., la SAS Upm Raflatac, et au ministre du travail et de l'emploi.
Délibéré après l'audience du 15 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président de chambre,
M. Agnel, président assesseur,
Mme Stenger, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2024.
Le rapporteur,
Signé : M. AgnelLe président,
Signé : J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre du travail et de l'emploi en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
N° 23NC00132
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