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05/12/2024 | FRANCE | N°22NC02896

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 2ème chambre, 05 décembre 2024, 22NC02896


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société par actions simplifiée (SAS) NFTech a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur les sociétés établis au titre des années 2015 et 2016, des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 14 février 2014 au 31 mars 2016 ainsi que des amendes qui lui ont été infligées en application du 4 de l'article 1788 A du code g

énéral des impôts.



Par un jugement n° 2106742 du 19 septembre 2022, le tribunal adminis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) NFTech a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur les sociétés établis au titre des années 2015 et 2016, des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 14 février 2014 au 31 mars 2016 ainsi que des amendes qui lui ont été infligées en application du 4 de l'article 1788 A du code général des impôts.

Par un jugement n° 2106742 du 19 septembre 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales qui lui ont été assignés au titre des années 2015 et 2016.

Par un jugement n° 2106743 du 19 septembre 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

I) Par une requête enregistrée le 18 novembre 2022, sous le numéro 22NC02896, la SAS NFTech, représentée par Me Lachaize, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2106742 ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la proposition de rectification est insuffisamment motivée, en méconnaissance de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, en l'absence d'indication de la date de livraison des biens, des lieux de départ et d'arrivée des biens acquis auprès de la société espagnole Landatel ;

- la garantie de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales a été méconnue en l'absence de communication par le service des copies des factures obtenues de la société Landatel ;

- l'administration ne rapporte pas la preuve que les biens acquis auprès du fournisseur Landatel auraient transité par la France, constituant ainsi des acquisitions intracommunautaires taxables à la taxe sur la valeur ajoutée, alors que ces biens ont directement été livrés à partir de l'Espagne à ses clients africains de sorte que ces ventes de marchandises constituent des exportations de biens ; en conséquence, c'est à tort que l'administration a soumis ces opérations à la taxe sur la valeur ajoutée en France et a appliqué la majoration de 5 % prévue par l'article 1788 A du code général des impôts ;

- la reconstitution des prétendues recettes non comptabilisées correspondant à des acquisitions de biens auprès de la société Landatel est sommaire dès lors que le taux de marge de 15 % retenu par le service n'est absolument pas justifié et qu'un relevé des ventes au 31 mars 2016 a été écarté sans motif par le vérificateur ;

- le service n'a pas motivé l'application des pénalités pour manquement délibéré et, en tout état de cause, ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, de ces manquements ;

- la pénalité de 5 % de l'article 1788 A du code général des impôts est contraire aux droits et libertés garanties par la Constitution ainsi que l'a jugé le Conseil d'Etat par sa décision 462398 du 14 juin 2022 ;

- l'administration n'a pas rapporté la preuve que M. B... a bénéficié de revenus distribués, dès lors qu'elle n'a pas attendu les résultats de la procédure de l'article 117 du code général des impôts qu'elle avait initiée, de sorte que l'intéressé devra être déchargé des impositions et pénalités ainsi mises à sa charge.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 mars 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

II) Par une requête enregistrée le 18 novembre 2022, sous le numéro 22NC02897, M. B..., représenté par Me Lachaize, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2106743 ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la proposition de rectification est insuffisamment motivée, en méconnaissance de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, en ce que les modalités selon lesquelles avaient été établis les rehaussements des bénéfices de la société NFTech, à l'origine des revenus de capitaux mobiliers litigieux, n'y sont pas exposées ;

- c'est en violation du principe du contradictoire que le service ne lui a pas communiqué la réponse qu'il a faite aux observations de la société NFTech concernant l'identité du maître de l'affaire ;

- la garantie de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales a été méconnue en ce que le service ne lui a pas indiqué dans la proposition de rectification avoir obtenu la convention de compte bancaire ainsi que la teneur de ce renseignement sur lequel elle s'est pourtant fondée ;

- la procédure de l'article 117 du code général des impôts n'ayant pas été menée à son terme par le service, son imposition en tant que bénéficiaire de prétendus revenus distribués par la société NFTech est irrégulière ;

- la charge de la preuve de ce qu'il n'a pas bénéficié de revenus distribués ne saurait lui incomber en dépit de la réponse tardive à la proposition de rectification dès lors que la doctrine administrative impose au service de prendre en compte de telles informations et d'y répondre ;

- la qualité de maître de l'affaire ne saurait lui être opposée dès lors que le service a admis qu'il y avait une autre personne ayant pu appréhender des recettes et qu'il est exclu qu'il puisse y avoir plusieurs maîtres de l'affaire.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 mars 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la constitution ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la décision du Conseil Constitutionnel n° 2022-1009 QPC du 22 septembre 2022 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Agnel ;

- et les conclusions de Mme Mosser, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS NFTech, ayant pour président et associé unique M. B..., a pour activité la vente de matériel informatique et la fourniture de prestations de services. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité ayant concerné la période du 14 février 2014, date de sa création, au 31 mars 2016. Par une proposition de rectification du 9 février 2018, le service a porté à la connaissance de la société qu'il envisageait, selon la procédure contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ainsi que des rehaussements de ses bénéfices imposables. Ces rectifications ont été confirmées le 5 juin 2018 en réponse aux observations de la société. Les impositions supplémentaires, assorties de la pénalité pour manquement délibéré et de l'amende de l'article 1788 A du code général des impôts ont été mises en recouvrement au cours de l'année 2018. La réclamation préalable de la société a été partiellement acceptée par décision du 3 août 2021. M. B... a été regardé comme le bénéficiaire de revenus distribués correspondant aux recettes que le service a considéré comme dissimulées par la société NFTech. Par une proposition de rectification du 9 février 2018, notifiée dans le cadre de la procédure contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, l'administration l'a informé qu'il envisageait de l'imposer sur ces sommes dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts. La réclamation préalable du contribuable a été partiellement admise par une décision du 3 août 2021. Par les deux requêtes ci-dessus visées, qu'il y a lieu de joindre afin de statuer par un seul arrêt, la SAS NFTech et M. B... relèvent appel, chacun en ce qui le concerne, des jugements du 19 septembre 2022 par lesquels le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à la décharge des impositions et majorations laissées à leur charge.

Sur la régularité et le bien-fondé des impositions et majorations assignées à la SAS NFTech :

En ce qui concerne la régularité de la procédure :

S'agissant de la proposition de rectification :

2. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée. ". L'article R. 57-1 de ce livre dispose que : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition, prorogé, le cas échéant, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de cet article ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile. En revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs.

3. La proposition de rectification du 9 février 2018 comporte la désignation des impositions concernées, des années et périodes d'imposition ainsi que de leurs bases. S'agissant de la motivation des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des rehaussements des bénéfices imposables relatifs aux achats de marchandises effectués auprès du fournisseur espagnol Landatel, le service a annexé à sa proposition de rectification une liste des factures d'achats comportant la date, la référence, le montant de l'acquisition et celui des frais de transport. Ces indications étaient suffisantes pour permettre à la société de présenter ses observations en vérifiant, le cas échéant auprès de son fournisseur ou en demandant communication de la copie de ces documents, l'objet de ces factures et leur exactitude sans qu'il ait été nécessaire au vérificateur d'indiquer pour chaque opération les dates et les lieux de départ et de livraison des marchandises. Par suite, la SAS NFTech n'est pas fondée à soutenir que la proposition de rectification serait insuffisamment motivée.

S'agissant de la garantie de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales :

4. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable au présent litige : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ". Il résulte de ces dispositions qu'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en œuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des documents et renseignements obtenus auprès de tiers, qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour mettre à même l'intéressé d'y avoir accès avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Toutefois, l'obligation qui lui est ensuite faite de tenir à la disposition du contribuable qui les demande ou de lui communiquer, avant la mise en recouvrement des impositions, les documents ou copies de documents contenant les renseignements qu'elle a utilisés pour procéder aux redressements ne peut porter que sur les documents effectivement détenus par les services fiscaux. Dans l'hypothèse où les documents que le contribuable demande à examiner sont détenus non par l'administration fiscale, qui les a seulement consultés à l'occasion d'une vérification de comptabilité concernant une autre société, mais par cette dernière, il appartient à l'administration fiscale, d'une part, d'en informer l'intéressé afin de le mettre en mesure d'en demander communication à ce tiers et, d'autre part, de porter à sa connaissance l'ensemble des renseignements fondant l'imposition recueillis à l'occasion de la vérification de comptabilité de cette autre société. Lorsque le contribuable lui en fait la demande, l'administration est, en principe, tenue de lui communiquer, alors même qu'il en aurait eu connaissance, les renseignements, documents ou copies de documents obtenus auprès de tiers qui lui sont opposés, afin de lui permettre d'en vérifier l'authenticité ou d'en discuter la teneur ou la portée. Il en va autrement s'agissant des documents et renseignements qui, à la date de la demande de communication, sont directement et effectivement accessibles au contribuable dans les mêmes conditions qu'à l'administration. Dans cette dernière hypothèse, si le contribuable établit qu'il ne peut avoir effectivement accès aux mêmes documents et renseignements que ceux détenus par l'administration, celle-ci est alors tenue de les lui communiquer.

5. Il ressort de la proposition de rectification que le service a indiqué à la société requérante avoir obtenu le 31 janvier 2017 des autorités espagnoles, sollicitées le 23 novembre 2016 dans le cadre de l'assistance administrative internationale, la copie des factures de ventes de marchandises effectuées par le fournisseur espagnol Landatel à la société NFTech au cours de la période du 14 février 2014 au 31 mars 2016. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le service a également communiqué la liste détaillée de ces factures. Il en résulte que le vérificateur a indiqué à la société requérante la nature et la teneur des documents qu'il avait obtenu des tiers et l'a ainsi mise en mesure d'en demander la communication avant la mise en recouvrement des impositions, ce qu'elle n'a pas jugé utile de faire. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la garantie de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales a été méconnue.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

S'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée :

6. Aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. -Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. / (...) II. - 1° Est considéré comme livraison d'un bien, le transfert du pouvoir de disposer d'un bien corporel comme un propriétaire ". Aux termes de l'article 256 bis du même code : " I. - 1° Sont [...] soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les acquisitions intracommunautaires de biens meubles corporels effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ". Aux termes de l'article 258 C du même code : " II. - Le lieu de l'acquisition est réputé se situer en France si l'acquéreur a donné au vendeur son numéro d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée en France et s'il n'établit pas que l'acquisition a été soumise à la taxe sur la valeur ajoutée dans l'Etat membre de destination des bien ".

7. Ayant obtenu le montant des achats de marchandises effectués par la société requérante au cours de la période vérifiée auprès de son fournisseur espagnol Landatel, dans les conditions ci-dessus analysées, le vérificateur a ainsi établi que le montant des achats s'élevait à 490 081,80 euros au cours de l'année 2015 et 612 777,68 euros au cours de l'année 2016 alors que la comptabilité n'avait enregistré des achats auprès de ce même fournisseur que pour les sommes de 254 617,07 euros en 2015 et 202 994,81 euros en 2016. Il ressort de la proposition de rectification, dont les mentions font sur ce point foi jusqu'à preuve du contraire, qu'au cours du débat oral et contradictoire, le dirigeant de la société a reconnu ne pas avoir enregistré la totalité des achats effectués auprès de ce fournisseur et pas davantage la revente de ces mêmes marchandises à ses clients, les flux financiers correspondant à ces opérations dissimulées transitant par un compte Paypal dont les données n'ont pas été non plus comptabilisées. Le service a en conséquence, sur la base des achats ainsi dissimulés, reconstitué le montant total des acquisitions intracommunautaires soumises à la taxe sur la valeur ajoutée en vertu de l'article 256 bis du code général des impôts, reconstitué le montant de ventes de ces mêmes marchandises soumises à la taxe sur le fondement de l'article 256 du même code, à l'exclusion des exportations et livraisons intracommunautaires exonérées justifiées, admis en déduction de cette taxe collectée la taxe ayant grevé les acquisitions intracommunautaires et autres achats et, en conséquence, le montant de la taxe nette due sur ces opérations qu'il a comparée à celle déclarée. Le service a finalement rappelé le montant de la taxe nette insuffisamment déclarée. La société NFTech ayant remis à son fournisseur son numéro d'identification intracommunautaire et ayant reconnu la revente des marchandises acquises, l'administration doit être regardée comme ayant rapporté la preuve d'acquisitions intracommunautaires taxables ainsi que la revente de ces biens auprès des clients français à l'exclusion des exportations et livraisons intracommunautaires justifiées. Si la société NFTech, afin de combattre ces éléments de preuve, soutient que les marchandises acquises auprès du fournisseur Ladantel étaient immédiatement exportées vers des clients africains, sans transiter par la France, elle n'apporte à l'appui de ces allégations aucun commencement de justification. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que ces opérations ne seraient pas soumises à la taxe sur la valeur ajoutée.

S'agissant des bénéfices imposables à l'impôt sur les sociétés :

8. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts, dont les dispositions sont applicables à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " 1 (...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apports et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés ".

9. Il résulte de l'instruction que les impositions contestées ont été établies suivant la procédure de redressement contradictoire et n'ont pas été acceptées par le contribuable. Dans ces conditions, il incombe à l'administration d'établir, d'une part, l'existence des irrégularités entachant la comptabilité de la société, justifiant le rejet de cette comptabilité et l'autorisant à reconstituer les résultats de celle-ci et, d'autre part, le bien-fondé de cette reconstitution.

10. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que l'administration a établi que la société requérante avait omis de comptabiliser d'importantes quantités d'achats de marchandises ainsi que les recettes correspondant à leur revente. Par suite, l'administration rapporte la preuve de ce que la comptabilité de la société NFTech est entachée de graves irrégularités et dépourvue de valeur probante quant aux résultats déclarés.

11. Afin de reconstituer les recettes correspondant aux achats revendus provenant du fournisseur Landatel, au titre des années litigieuses, le service a décidé d'appliquer un taux de marge HT/HT de 1,15 sur achats revendus, ce taux ayant été déterminé à partir d'un échantillon de marchandises figurant sur les factures d'achats et de ventes au cours de la vérification de comptabilité. Il ressort de la proposition de rectification, dont les mentions sur ce point font foi jusqu'à preuve du contraire, que ce taux a été déterminé de manière contradictoire avec le président de la société requérante dans le cadre du débat oral et contradictoire. Le service a ensuite déduit de ces recettes les charges correspondant aux achats dissimulés de ces marchandises. Une telle méthode, reposant sur les données propres à l'entreprise, n'est ni viciée dans son principe, ni sommaire. Dans ces conditions, l'administration rapporte la preuve du bien-fondé des rehaussements des bénéfices imposables des années litigieuses. Si la société requérante soutient que le service aurait dû retenir une liste des ventes qu'elle aurait établie au cours du contrôle en ce qui concerne l'exercice clos le 31 mars 2016, qu'elle ne se donne au demeurant pas la peine de produire devant le juge de l'impôt et dont elle ne précise pas les données chiffrées, elle n'établit pas que cet état serait plus exact que la méthode utilisée par le service.

En ce qui concerne la pénalité pour manquement délibéré :

12. Aux termes de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens des articles L. 211-2 à L. 211-7 du code des relations entre le public et l'administration, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable ". Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manœuvres frauduleuses incombe à l'administration ". La majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue au a de l'article 1729 du code général des impôts sanctionne la méconnaissance par le contribuable de ses obligations déclaratives. Pour établir le manquement délibéré, l'administration fiscale doit apporter la preuve de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations du contribuable et de l'intention délibérée de celui-ci d'éluder l'impôt.

13. Afin d'assortir les impositions litigieuses de la pénalité pour manquement délibéré, le service, après avoir rappelé les éléments de fait et retranscrit les déclarations du dirigeant de la société, a relevé que la société NFTech avait procédé, depuis sa création et tout au long de la période vérifiée, à de très importants achats de marchandises en vue de leur revente, sans comptabiliser ni ces achats ni les ventes correspondantes, les flux financiers correspondant à ces opérations étant dissimulés dans un compte Paypal lui-même non comptabilisé. Le service a déduit du caractère systématique de ces dissimulations l'intention de la société requérante d'éluder les impositions correspondantes. Ces indications figurant dans la proposition de rectification, le service a satisfait aux obligations de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales ci-dessus reproduit. Par ces mêmes éléments, l'administration a rapporté la preuve du manquement délibéré de nature à justifier l'application de la pénalité litigieuse.

En ce qui concerne l'amende prévue à l'article 1788 A du CGI :

14. Les dispositions du 4 de l'article 1788 A du code général des impôts dont il a été fait application à la société requérante ont été déclarées conformes à la constitution par la décision du Conseil Constitutionnel n° 2022-1009 QPC du 22 septembre 2022. Par suite, le moyen tiré de ce que cette amende serait contraire aux droits et libertés garantis par la constitution doit être écarté.

En ce qui concerne les distributions :

15. La société requérante n'ayant fait l'objet d'aucune imposition ou pénalité à raison des revenus réputés distribués entre les mains de son président, M. B..., elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le jugement qu'elle attaque a rejeté les conclusions de sa demande sur ce point comme étant irrecevables en l'absence d'objet.

Sur la régularité et le bien-fondé des impositions et majorations assignées à M. B... :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

16. D'abord, il ressort de la proposition de rectification du 9 février 2018 adressée à M. B... qu'elle comporte la désignation des impositions concernées, des années et périodes d'imposition ainsi que de leurs bases. S'agissant des revenus distribués provenant de la reconstitution des recettes dissimulées par la société NFTech, le service a indiqué la méthode utilisée laquelle se trouvait exposée dans la copie de la proposition de rectification adressée à la société, annexée à celle notifiée à M. B.... Contrairement à ce que soutient le requérant la circonstance que l'administration n'a pas, en outre, joint la réponse que l'administration avait faite aux observations de la société NFTech, n'a pas pour effet d'entacher d'insuffisance de motivation la proposition de rectification le concernant. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que les dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales auraient été méconnues.

17. Ensuite, il ne ressort d'aucune des pièces de procédure que l'administration aurait fondé les rectifications litigieuses en matière de revenus de capitaux mobiliers sur la convention de compte courant conclue le 20 décembre 2013, par la société NFTech auprès du CIC Est, dont elle aurait obtenu copie dans le cadre du droit de communication, tandis que figure dans la proposition de rectification l'indication des renseignements obtenus dans le cadre de la vérification de comptabilité de la société dont la proposition de rectification a été communiquée au requérant ainsi qu'il a été dit ci-dessus. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales auraient été méconnues en l'absence d'indication de l'origine et de la teneur de ce document dans la proposition de rectification.

18. Enfin, il résulte des dispositions précitées de l'article 117 du code général des impôts que, si l'administration s'abstient d'inviter une personne morale à lui faire parvenir des indications sur les bénéficiaires d'un excédent de distribution qu'elle a constaté, cette abstention a seulement pour effet de la priver de la possibilité d'assujettir cette personne morale à la pénalité prévue par l'article 1759 du code général des impôts, mais est sans influence sur la régularité de la procédure d'imposition suivie à l'égard des personnes physiques qui ont bénéficié de la distribution et que l'administration, compte tenu des renseignements dont elle dispose, est en mesure d'identifier. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la procédure de rectification suivie à son encontre serait irrégulière faute pour l'administration d'avoir mis en demeure la société NFTech de répondre à sa demande de désignation des bénéficiaires des revenus distribués.

En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :

19. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ". Aux termes de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109, les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés ".

20. Aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré ".

21. Il n'est pas contesté que M. B... n'a pas répondu dans le délai de trente jours à compter de la notification qui lui a été faite de la proposition de rectification. Par suite, la charge de la preuve du mal-fondé des impositions litigieuses lui incombe en application de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales. Si M. B... soutient qu'il a toutefois présenté des observations par lesquelles il avait refusé les rectifications, cette circonstance est sans incidence sur la dévolution de la charge de la preuve résultant des dispositions de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales. Le requérant ne saurait utilement invoquer, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, les instructions administratives par lesquelles l'administration a recommandé à ses services de prendre en compte, dans certains cas, de telles observations tardives, dès lors que ces instructions se rapportent à la procédure d'imposition.

22. La vérification de comptabilité de la société NFTech a mis en lumière la dissimulation par cette dernière de recettes provenant de son exploitation qui ont été réintégrées dans son bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés des années 2015 et 2016. Le bien-fondé de ces réintégrations a été reconnu ci-dessus. Ces bénéfices non déclarés n'ayant pas été comptabilisés, ils n'ont été ni mis en réserve, ni incorporés au capital social. Ils constituent, par suite, en application des dispositions ci-dessus reproduites de l'article 109 du code général des impôts, des revenus distribués imposables entre les mains de leurs bénéficiaires dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. M. B... est l'associé unique et le dirigeant de la société NFTech et il assure seul la marche de l'affaire. C'est dans ces conditions à juste titre, que l'administration l'a désigné en tant que maître de l'affaire comme le seul bénéficiaire de ces revenus distribués. Si le requérant soutient qu'une des salariées aurait pu appréhender les sommes litigieuses et se voir reconnaître la qualité de maître de l'affaire, il n'établit pas que cette dernière aurait assuré la marche de l'affaire. Il n'est dès lors pas fondé à soutenir que l'administration aurait retenu l'existence de plusieurs maîtres de l'affaire. Etant ainsi le maître de l'affaire il ne saurait utilement soutenir que les sommes litigieuses auraient été appréhendées par un tiers. Si M. B... soutient que l'administration aurait pris position en ce sens que les bénéfices dissimulés auraient été appréhendés par un tiers, une telle circonstance ne ressort d'aucune des pièces de procédure.

23. Il résulte de tout ce qui précède que la société NFTech et M. B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes. Par suite, leurs requêtes doivent être rejetées en toutes leurs conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes ci-dessus visées sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS NFTech, à M. A... B... et au ministre du budget et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 15 novembre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président de chambre,

M. Agnel, président assesseur,

Mme Stenger, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2024.

Le rapporteur,

Signé : M. AgnelLe président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre du budget et des comptes publics ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

N°s 22NC02896 et 22NC02897

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC02896
Date de la décision : 05/12/2024
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Marc AGNEL
Rapporteur public ?: Mme MOSSER
Avocat(s) : SELARL GRAND EST AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-05;22nc02896 ?
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