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03/12/2024 | FRANCE | N°23NC03323

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 5ème chambre, 03 décembre 2024, 23NC03323


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... C... épouse D... a demandé au tribunal administratif de Nancy, d'une part, d'annuler la décision du préfet de Meurthe-et-Moselle portant rejet implicite de sa demande de séjour du 18 janvier 2022 et, d'autre part, d'annuler l'arrêté du 5 juin 2023 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination.



Par un jugement

n° 2301111, 2301916 du 12 octobre 2023, le tribunal administratif de Nancy a rejeté ses demandes.



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... épouse D... a demandé au tribunal administratif de Nancy, d'une part, d'annuler la décision du préfet de Meurthe-et-Moselle portant rejet implicite de sa demande de séjour du 18 janvier 2022 et, d'autre part, d'annuler l'arrêté du 5 juin 2023 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2301111, 2301916 du 12 octobre 2023, le tribunal administratif de Nancy a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 13 novembre 2023 et 13 février 2024, Mme C..., représentée par Me Sadoun, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 12 octobre 2023 du tribunal administratif de Nancy ;

2°) d'annuler l'arrêté du 5 juin 2023 ;

3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un certificat de résidence algérien dans le délai de deux mois à compter de la notification à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

S'agissant de la régularité du jugement :

- les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de ce que le préfet a commis une erreur de droit en traitant la demande dans le cadre des dispositions de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien ;

S'agissant de la décision portant refus de séjour :

- la décision a été prise par une autorité incompétente ;

- la décision est entachée d'erreur de droit, d'erreur de fait et d'erreur manifeste d'appréciation ;

- le préfet a commis une erreur de droit en traitant la demande dans le cadre des dispositions de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien ;

- la décision porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiales au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'intérêt supérieur des enfants n'a pas été pris en compte en méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- l'annulation de cette décision s'impose comme la conséquence de l'annulation de la décision portant refus de séjour ;

- la décision a été signée par une personne qui n'avait pas compétence pour le faire ;

- la décision est entachée d'erreur de droit, d'erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant de la décision portant refus de délai de départ volontaire :

- l'annulation de cette décision s'impose comme la conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français ;

- la décision a été prise par une autorité incompétente ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 30 janvier et 15 février 2024, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- l'accord du 27 décembre 1968 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A... ;

- et les observations de Me Sadoun pour Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante algérienne, née en 1981 est entrée en France le 17 décembre 2016 sous couvert d'un visa de court séjour accompagnée de ses deux enfants mineurs. Le 30 octobre 2017, elle a sollicité son admission au séjour en se prévalant de l'état de santé de son fils ainé. Cette demande a été rejetée le 27 février 2019 par le préfet de Seine-Maritime qui a également prononcé une obligation de quitter le territoire français. Le 18 janvier 2022, Mme C... a sollicité son admission au séjour au motif de sa vie privée et familiale et de la scolarisation de ses enfants. Par arrêté du 5 juin 2023, le préfet de Meurthe-et-Moselle a rejeté cette demande et a obligé Mme C... à quitter le territoire français sans délai. Mme C... relève appel du jugement du 12 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Le tribunal, qui n'est pas tenu de répondre à tous les arguments présentés dans la demande de première instance, a suffisamment motivé son jugement pour répondre au moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entachée la décision portant refus de séjour. Si Mme C... soutient désormais que les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de ce que le préfet a commis une erreur de droit en traitant la demande dans le cadre des dispositions du paragraphe 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, il ne ressort pas des écritures de première instance qu'un tel moyen ait été expressément soulevé. Par suite, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait irrégulier.

Sur la légalité de l'arrêté du 5 juin 2023 :

En ce qui concerne le moyen commun à l'ensemble des décisions :

3. L'arrêté attaqué est signé par M. Julien Le Goff, secrétaire général de la préfecture, auquel le préfet de Meurthe-et-Moselle a délégué sa signature à l'effet de signer notamment les décisions en matière d'éloignement des étrangers, par un arrêté du 8 août 2022, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le même jour. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué doit, dès lors, être écarté.

En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :

4. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme C... ait porté à la connaissance du préfet la circonstance que, le 6 octobre 2022, elle a porté plainte contre son mari pour des faits de violence conjugale. Par ailleurs, il n'est pas contesté que l'intéressée a épousé son mari le 9 novembre 2004 en Algérie et qu'elle l'a quitté au cours de l'année 2020. Enfin, et contrairement à ce que soutient Mme C..., le préfet a tenu compte de la demande de cette dernière en rappelant qu'elle avait sollicité son admission au séjour en qualité de " parent d'enfant scolarisé " et non en se prévalant de son mariage. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de fait doit être écarté.

5. En deuxième lieu, les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régissent d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, ainsi que les conditions dans lesquelles leurs conjoints et leurs enfants mineurs peuvent s'installer en France. Les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaire prévues par les dispositions auxquelles elles renvoient, est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre d'une activité salariée, soit au titre de la vie familiale. Dès lors que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, ces conditions sont régies de manière exclusive par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, Mme C... ne peut soutenir que le préfet a commis une erreur de droit en examinant sa demande de titre de séjour au regard des stipulations du paragraphe 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) / 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ". Aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. / (...) ".

7. Il ressort des pièces du dossier que Mme C..., mère de trois enfants dont le dernier est né sur le territoire français en 2017, est entrée en France au cours de l'année 2016 et s'y est maintenue au-delà de la durée de validité de son visa. Si Mme C... se prévaut de la durée de son séjour en France, de la scolarité de ses enfants, de la présence en France de son frère et de sa sœur et de la circonstance qu'elle a fait l'objet de violences conjugales, Mme C... n'établit pas être dépourvue de toutes attaches familiales dans son pays d'origine. Si la requérante se prévaut de la durée de son séjour en France, cette durée s'explique toutefois, après la fin du mois de mars 2019, par la méconnaissance de l'obligation de quitter le territoire français qui lui avait été faite le 27 février 2019. Par les pièces qu'elle produit, Mme C... ne justifie pas d'une insertion particulière dans la société française et il ne ressort pas du dossier que ses enfants, qui sont de nationalité algérienne, ne pourront poursuivre leur scolarité ou leurs études en cas de retour en Algérie et ce, alors même que l'enseignement y est dispensé dans une langue officielle de ce pays. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, la décision en cause n'ayant pas pour effet de séparer Mme C... de ses enfants, lesquels peuvent être scolarisés en Algérie alors même qu'ils ne parleraient pas la langue arabe, il convient également d'écarter le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet et celui tiré de la méconnaissance des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

8. En premier lieu, il résulte de ce qui précède quant à la légalité du refus de séjour que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de ce refus.

9. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7 de l'arrêt, les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation, de la méconnaissance des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3 de la convention relative aux droits de l'enfant doivent être écartés.

10. En dernier lieu, les moyens tirés de l'erreur de fait et de l'erreur de droit ne sont pas assortis des précisions suffisantes pour permettre à la Cour d'en apprécier la portée.

En ce qui concerne la décision refusant le délai de départ volontaire :

11. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment qu'il n'est pas établi que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait illégale. Par suite, Mme C... n'est pas fondée à en exciper l'illégalité à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi.

12. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7 de l'arrêt, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant et de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet doivent être écartés.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... épouse D..., à Me Sadoun et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.

Délibéré après l'audience du 12 novembre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Durup de Baleine, président de chambre,

- M. Axel Barlerin, premier conseiller,

- Mme Nolwenn Peton, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 décembre 2024.

La rapporteure,

Signé : N. A...Le président,

Signé : A. Durup de Baleine

Le greffier,

Signé : A. Betti

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

A. Betti

2

N° 23NC03323


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC03323
Date de la décision : 03/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DURUP DE BALEINE
Rapporteur ?: Mme Nolwenn PETON
Rapporteur public ?: Mme BOURGUET-CHASSAGNON
Avocat(s) : SADOUN

Origine de la décision
Date de l'import : 08/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-03;23nc03323 ?
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