Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'une part d'annuler l'arrêté du 23 janvier 2023 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination, et d'autre part, d'annuler l'arrêté du 4 juillet 2023 par lequel le préfet du Haut-Rhin l'a assignée à résidence dans le département du Haut-Rhin pour une durée de quarante-cinq jours.
Par un jugement n° 2303686, 2304743 du 24 juillet 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a renvoyé en formation collégiale les conclusions dirigées contre le refus de titre de séjour du 23 janvier 2023 et rejeté les autres demandes de Mme B....
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 10 novembre 2023, Mme B..., représentée par Me Berry, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 24 juillet 2023 du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) d'annuler la décision du 23 janvier 2023 portant obligation de quitter le territoire français, fixant le pays de destination et l'arrêté du 4 juillet 2023 portant assignation à résidence ;
3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer un titre de séjour sous peine d'une astreinte fixée à 100 euros par jour de retard dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et à défaut d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de réexaminer sa situation dans le même délai et sous peine de la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- la décision est illégale du fait de l'illégalité de l'arrêté du 23 janvier 2023 portant refus de séjour en ce que cette décision méconnait les dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :
- la décision méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
S'agissant de la décision portant assignation à résidence :
- l'annulation de cette décision s'impose comme la conséquence de l'annulation de l'arrêté du 23 janvier 2023 ;
Par un mémoire enregistré le 18 janvier 2024, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête de Mme B... ne sont pas fondés.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 octobre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante mongole, née en 1954, déclare être entrée en France le 3 octobre 2015 sous couvert d'un visa de court séjour. Le 20 octobre 2022, la requérante a sollicité son admission exceptionnelle au séjour en se prévalant de la durée sa présence et de ses attaches privées et familiales sur le territoire français. Par un arrêté du 23 janvier 2023, le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. Par un arrêté du 4 juillet 2023, le préfet du Haut-Rhin l'a assignée à résidence dans le département du Haut-Rhin pour une durée de quarante-cinq jours. Mme B... relève appel du jugement du 24 juillet 2023, par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixant le pays de destination et prononçant l'assignation à résidence.
Sur la légalité de l'arrêté du 23 janvier 2023 :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, Mme B... soutient que la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de séjour.
3. Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui "
4. Mme B... fait valoir qu'elle séjourne en France depuis 2015, afin de résider auprès de sa fille unique avec laquelle elle entretient des liens très forts, ainsi que son gendre et ses petits-enfants. Toutefois, si elle allègue être arrivée en France le 30 octobre 2015 muni d'un passeport revêtu d'un visa de type C, elle n'en justifie pas. La présence de la requérante sur le territoire français n'est pas établie avant le mois de janvier 2018. N'est pas non plus établie la continuité de son séjour en France depuis le mois de janvier 2018, alors que, le 22 juillet 2020, la fille, alors demanderesse d'un titre de séjour, déclarait que sa mère est en Mongolie et son père en Russie. Mme B... ne justifie d'aucune intégration particulière dans la société française, ne parlant ni ne comprenant le français notamment. Enfin, l'intéressée ne fait l'objet d'aucune interdiction de retour sur le territoire français, et pourra ainsi rendre visite à sa fille et ses petits-enfants, qui peuvent se rendre en Mongolie, dont ils ont la nationalité.
5. Dans ces conditions, et alors qu'elle ne justifie pas être dans l'impossibilité de poursuivre sa vie personnelle dans le pays dont elle est la ressortissante et où elle a vécu pendant plus de soixante ans , la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet du Haut-Rhin a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels sa décision a été prise et méconnu les dispositions et stipulations précitées ou encore qu'il aurait commis une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.
6. Ensuite, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...).
7. Eu égard à sa situation personnelle et familiale, décrite au point 4, et en l'absence de toute considération humanitaire ou de motifs exceptionnels ressortant des pièces du dossier, Mme B... n'est pas fondée à soutenir qu'en refusant de l'admettre au séjour, le préfet du Haut-Rhin aurait méconnu les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de séjour doit être écarté.
9. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 4 et 5 de l'arrêt, les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation et de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme doivent être écartés.
10. En troisième lieu, aux termes du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.
11. S'il n'est pas contesté que Mme B... s'occupe régulièrement de ses petits-enfants, elle n'établit ni n'allègue être investie de l'autorité parentale et il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle assurerait à titre principal l'entretien et l'éducation des enfants dont s'agit. Par ailleurs, Mme B..., qui ne fait l'objet d'aucune interdiction de retour sur le territoire français, pourra leur rendre visite. Par suite, la mesure d'éloignement ne peut être regardée comme portant atteinte à l'intérêt supérieur de ces derniers.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
12. Pour les motifs déjà exposés, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur la légalité de l'arrêté du 4 juillet 2023 portant assignation à résidence :
13. Eu égard à ce qui a été développé, le moyen tiré de ce que la décision portant assignation à résidence devrait être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de l'arrêté du 23 janvier 2023 ne peut qu'être écarté.
14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B..., Me Berry et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.
Délibéré après l'audience du 12 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Durup de Baleine, président de chambre,
- M. Axel Barlerin, premier conseiller,
- Mme Nolwenn Peton, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 décembre 2024.
La rapporteure,
Signé : N. A...Le président,
Signé : A. Durup de Baleine
Le greffier,
Signé : A. Betti
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
A. Betti
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N° 23NC03313