Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 9 mai 2023 par lequel la préfète de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait susceptible d'être éloigné.
Par un jugement n° 2301179 du 29 septembre 2023, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 27 octobre 2023, M. B..., représenté par Me Ouriri, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 29 septembre 2023 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;
2°) d'annuler l'arrêté du 9 mai 2023 ;
3°) d'enjoindre à la préfète de l'Aube de lui délivrer un certificat de résidence sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 800 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
Sur la décision portant refus de séjour :
- la décision est insuffisamment motivée et sa situation n'a pas été prise en compte de manière approfondie et sérieuse ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que sa situation caractérisait une insertion professionnelle et personnelle justifiant que la préfète use de son pouvoir discrétionnaire ;
- la décision est entachée d'une erreur d'appréciation au regard de l'article 6 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- la décision est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;
- la décision méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 30 décembre 2023, la préfète de l'Aube, représentée par Me Ancelet, conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord du 27 décembre 1968 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Peton, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant algérien né le 28 août 1988, déclare être entré en France en septembre 2017. Le 6 mars 2023, l'intéressé a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du b) de l'article 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par un arrêté du 9 mai 2023, la préfète de l'Aube a refusé de lui délivrer le titre sollicité, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait susceptible d'être éloigné. M. B... relève appel du jugement du 29 septembre 2023, par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa requête tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté du 9 mai 2023 :
En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :
2. En premier lieu, le requérant soutient que la décision est insuffisamment motivée et que la préfète de l'Aube n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation personnelle dès lors qu'elle n'aurait pas tenu compte de son insertion sociale et professionnelle. Il apparait toutefois que la décision mentionne les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle est fondée. Plus particulièrement, la préfète se réfère aux conditions de séjour de M. B... en France et notamment à l'activité professionnelle envisagée par l'intéressé. En conséquence, la préfète de l'Aube a régulièrement examiné la demande dont elle était saisie et les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen sérieux de la situation personnelle du requérant doivent être écartés.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ".
4. M. B... déclare être entré en France en 2017 alors qu'il était âgé de 29 ans. Il n'établit disposer de son propre logement et d'un emploi régulier qu'à compter de l'année 2020. S'il se prévaut de la présence en France de deux membres de sa fratrie, cette circonstance, alors qu'il ne démontre pas l'intensité de ses liens avec ces membres de sa famille, ne suffit pas à établir le transfert de ses intérêts familiaux en France, dès lors qu'il déclare, en outre, être célibataire et sans enfants. Enfin, le requérant n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, où réside sa mère et où il a vécu la majeure partie de sa vie. Dans ces conditions, eu égard notamment à la durée et aux conditions de son séjour, l'arrêté contesté n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel il a été pris. Par suite, il ne méconnaît ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.
5. En dernier lieu, eu égard à ce qui a été énoncé au point précédent, la préfète de l'Aube n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en estimant que la situation de M. B... ne répondait pas à des considérations humanitaires ou à des motifs exceptionnels justifiant son admission au séjour.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
6. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit quant à la légalité du refus de séjour que M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de ce refus.
7. En second lieu, eu égard à ce qui a déjà été constaté concernant la durée et les conditions de séjour de M. B... en France, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Sur les frais liés à l'instance :
9. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
10. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Aube.
Délibéré après l'audience du 12 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Durup de Baleine, président de chambre,
- M. Axel Barlerin, premier conseiller,
- Mme Nolwenn Peton, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 décembre 2024.
La rapporteure,
Signé : N. PetonLe président,
Signé : A. Durup de Baleine
Le greffier,
Signé : A. Betti
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
A. Betti
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N° 23NC03218