Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler le compte-rendu de son entretien professionnel pour l'année 2018 et la décision du 15 octobre 2019 par laquelle le président du conseil départemental de la Moselle a maintenu ce compte-rendu.
Par un jugement n° 1909352 du 28 juin 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de M. A....
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 26 août et 21 juin 2024, M. A..., représenté par la Selafa Cabinet Cassel, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 28 juin 2021 du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) d'annuler le compte-rendu d'entretien professionnel pour l'année 2018 et la décision du 15 octobre 2019 ;
3°) d'enjoindre au conseil départemental de la Moselle de procéder à nouveau à l'évaluation professionnelle de l'année 2018 avec une astreinte de 300 euros par jour de retard à compter de la notification du présent arrêt ;
4°) de mettre à la charge du département de la Moselle une somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le CREP ne comporte pas de manière lisible le nom et la qualité du signataire et il n'est pas possible de vérifier qu'il s'agit du supérieur hiérarchique direct ;
- le CREP est insuffisamment motivé ;
- il n'est pas établi qu'il aurait reçu une convocation accompagnée de sa fiche de poste huit jours avant l'entretien ;
- il doit exister une cohérence entre les notes attribuées au titre de l'évaluation professionnelle et l'appréciation littérale et en l'espèce il n'a pas fait l'objet d'une évaluation reflétant sa valeur professionnelle dès lors que le compte-rendu est entaché d'inexactitudes matérielles et que l'appréciation littérale ne reflète pas sa valeur professionnelle ce qui constitue une erreur d'appréciation ;
- le compte-rendu méconnait les dispositions des articles 3 et 4 du décret du 16 décembre 2014 relatif à l'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires territoriaux ;
- les prescriptions du décret n° 2010-716 du 29 juin 2010 ont été méconnues s'agissant de son manque de qualités relationnelles et ses capacités d'encadrement ;
- l'administration a commis un détournement de pouvoir.
Par un mémoire en défense enregistré le 10 juin 2022, le département de la Moselle, représenté par Me Pareydt, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre une somme de 3 000 euros à la charge de M. A... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que la requête d'appel n'est pas recevable et que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 2014-1526 du 16 décembre 2014 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- les conclusions de Mme Bourguet-Chassagnon, rapporteure publique,
- les observations de M. A...,
- les observations de Me Bourcellier pour le département de la Moselle.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., titulaire du grade de conservateur de bibliothèque, a été recruté par le département de la Moselle le 1er janvier 2008. Affecté depuis 2013 à la direction de la culture, du tourisme et des sports, il avait en charge la réalisation de la bibliographie des communes de la Moselle. Le 30 novembre 2018, M. A... a bénéficié d'un entretien d'évaluation avec sa supérieure hiérarchique. M. A... a formé un recours en révision de son compte-rendu d'entretien professionnel devant la commission administrative paritaire le 8 février 2018, laquelle a rendu un avis défavorable le 16 mai 2019. M. A... a alors sollicité la révision de ce compte-rendu et le président du conseil départemental a rejeté sa demande le 15 octobre 2019. M. A... relève appel du jugement du 28 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes d'annulation du compte-rendu de son entretien professionnel pour l'année 2018 et de la décision du 15 octobre 2019 par laquelle le président du conseil départemental de la Moselle a maintenu ce compte-rendu.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article 76 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction applicable au présent litige : " L'appréciation, par l'autorité territoriale, de la valeur professionnelle des fonctionnaires se fonde sur un entretien professionnel annuel conduit par le supérieur hiérarchique direct qui donne lieu à l'établissement d'un compte rendu. (...) ".
3. Aux termes de l'article 2 du décret du 16 décembre 2014 relatif à l'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires territoriaux : " Le fonctionnaire bénéficie chaque année d'un entretien professionnel qui donne lieu à compte rendu. (...) ". Aux termes de l'article 3 du même décret : " L'entretien professionnel porte principalement sur : 1° Les résultats professionnels obtenus par le fonctionnaire eu égard aux objectifs qui lui ont été assignés et aux conditions d'organisation et de fonctionnement du service dont il relève ; 2° Les objectifs assignés au fonctionnaire pour l'année à venir et les perspectives d'amélioration de ses résultats professionnels, compte tenu, le cas échéant, des évolutions prévisibles en matière d'organisation et de fonctionnement du service ; 3° La manière de servir du fonctionnaire ; 4° Les acquis de son expérience professionnelle ; 5° Le cas échéant, ses capacités d'encadrement ; 6° Les besoins de formation du fonctionnaire eu égard, notamment, aux missions qui lui sont imparties, aux compétences qu'il doit acquérir et à son projet professionnel ainsi que l'accomplissement de ses formations obligatoires ; 7° Les perspectives d'évolution professionnelle du fonctionnaire en termes de carrière et de mobilité. / L'agent est invité à formuler, au cours de cet entretien, ses observations et propositions sur l'évolution du poste et le fonctionnement du service. ". Aux termes de son article 4 : " Les critères à partir desquels la valeur professionnelle du fonctionnaire est appréciée, au terme de cet entretien, sont fonction de la nature des tâches qui lui sont confiées et du niveau de responsabilité assumé. Ces critères, fixés après avis du comité technique, portent notamment sur : 1° Les résultats professionnels obtenus par l'agent et la réalisation des objectifs ; 2° Les compétences professionnelles et techniques ; 3° Les qualités relationnelles ; 4° La capacité d'encadrement ou d'expertise ou, le cas échéant, à exercer des fonctions d'un niveau supérieur. ". Aux termes de son article 5 : " Le compte rendu de l'entretien, établi et signé par le supérieur hiérarchique direct, comporte une appréciation générale littérale exprimant la valeur professionnelle du fonctionnaire au regard des critères fixés à l'article 4. ". Aux termes de son article 6 : " Les modalités d'organisation de l'entretien professionnel sont les suivantes : 1° Le fonctionnaire est convoqué huit jours au moins avant la date de l'entretien par le supérieur hiérarchique direct ; 2° La convocation est accompagnée de la fiche de poste de l'intéressé et d'un exemplaire de la fiche d'entretien professionnel servant de base au compte rendu ; 3° Le compte rendu porte sur les thèmes prévus à l'article 3 ainsi que sur l'ensemble des autres thèmes qui, le cas échéant, ont été abordés au cours de l'entretien ; 4° Dans un délai maximum de quinze jours, le compte rendu est notifié au fonctionnaire qui, le cas échéant, le complète par ses observations sur la conduite de l'entretien ou les différents sujets sur lesquels il a porté, le signe pour attester qu'il en a pris connaissance et le renvoie à son supérieur hiérarchique direct ; 5° Le compte rendu, complété, le cas échéant, des observations de l'agent, est visé par l'autorité territoriale ; 6° Le compte rendu est versé au dossier du fonctionnaire par l'autorité territoriale et communiqué à l'agent ; 7° Lorsque la collectivité territoriale ou l'établissement public local est affilié à un centre de gestion, une copie en est communiquée à celui-ci, dans les délais compatibles avec l'organisation des commissions administratives paritaires. ".
4. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que le compte-rendu d'entretien professionnel établi au titre de l'année 2018 fait apparaitre que l'ensemble des critères portant sur les aptitudes générales de l'agent ont été cochées en niveau 3 signifiant que la compétence est acquise. Concernant les compétences spécifiques, les items " connaissances professionnelles ", " capacité d'organisation et de méthode ", " capacité d'analyse, de prospective et d'expertise ", " capacité de proposition et d'innovation ", " capacité à négocier et à convaincre " ont été évaluées en niveau 2 signifiant que la compétence est acquise partiellement, et les items " capacité à communiquer - informer " et " qualités rédactionnelles " ont été renseignés en niveau 3. L'appréciation générale comporte la case cochée " non adapté à son poste ", cette appréciation étant expliquée par un commentaire très circonstancié dans l'appréciation littérale selon lequel " Il manque régulièrement de cohérence et de rigueur dans ses propositions. Il est peu capable de travailler en équipe et la rétroconversion lui a été confiée en partie pour cette raison. (...) Il ne dispose pas des qualités scientifiques et de l'intérêt historique nécessaires pour exercer les missions correspondant à son niveau de grade aux archives départementales ".
5. En premier lieu, il résulte du 5° de l'article 6 du décret du 16 décembre 2014 que l'autorité territoriale doit viser le compte-rendu annuel d'évaluation professionnelle des agents de la collectivité. A cet égard, il résulte de l'instruction que le compte-rendu d'évaluation en litige a été signé par M. C... E..., directeur général des services départementaux. En conséquence, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le visa de l'autorité territoriale est illisible et ne permet pas d'identifier le signataire.
6. En deuxième lieu, si M. A... soutient qu'il n'est pas établi qu'il aurait reçu, dans le délai de huit jours avant l'entretien, une convocation et que cette convocation était accompagnée de sa fiche de poste ainsi que de la fiche d'entretien professionnelle, il n'apporte aucun élément au soutien de ses simples allégations permettant de douter que les pièces en cause ne lui auraient pas été communiquées préalablement à son entretien. A cet égard, il ne présente aucune convocation, alors qu'il ressort des pièces du dossier que M. A... a contresigné la fiche de description de poste le 6 novembre 2018, plus de trois semaines avant la tenue de l'entretien d'évaluation professionnelle. Il ne ressort ainsi pas des pièces du dossier que les dispositions du 2° de l'article 6 du décret du 16 décembre 2014 auraient été méconnues.
7. En troisième lieu, les comptes-rendus d'entretien professionnel et les décisions refusant de réviser une notation n'étant pas au nombre des actes soumis à une obligation de motivation par les dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation est inopérant.
8. En quatrième lieu, contrairement à ce que soutient M. A..., les dispositions du décret n° 2010-716 du 29 juin 2010 ont été abrogées par le décret n° 2014-1526 du 1er décembre 2014 et ne sont dès lors pas applicables à l'espèce.
9. En cinquième lieu, concernant l'item " capacité à communiquer - informer " portant sur la maitrise des techniques de communication et des circuits de diffusion de l'information, le fait de rendre compte à la hiérarchie, les relations professionnelles entretenues avec les collègues et le fait de savoir travailler en équipe et représenter le département, l'évaluation a été portée au niveau 3. Le requérant se prévaut d'une contradiction avec l'appréciation littérale mentionnant qu'il " est peu capable de travailler en équipe et la rétroconversion lui a été confiée pour cette raison ". Toutefois, l'item " capacité à communiquer ", lequel ne porte pas uniquement sur l'appréciation de la capacité à travailler en équipe, n'ayant été évalué qu'en niveau 3, implique que cette compétence est acquise, sans qu'il en résulte pour autant que l'ensemble des composantes de cette compétence est pleinement acquis. Dès lors, la circonstance que l'appréciation littérale précise ensuite que M. A... ne sait pas travailler en équipe, lequel n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause cette appréciation, n'est pas de nature à faire constater l'existence d'une contradiction.
10. En sixième lieu, l'item " sens du service public et des responsabilités " comprenant le fait que l'agent assure la continuité du service public, a le souci de l'usager et porte attention à son travail, a été évalué au niveau 3. Contrairement à ce que soutient M. A..., sa manière de servir n'est pas remise en cause dans l'appréciation littérale venant contredire l'appréciation portée dans cet item. Au demeurant, la lecture des différents comptes-rendus d'évaluation annuels fait ressortir des appréciations très mesurées quant aux compétences professionnelles de M. A... sur les missions auxquelles il était affecté.
11. En septième lieu, et contrairement à ce que soutient M. A..., il n'a pas été constaté que les deux objectifs définis lors de l'entretien annuel de l'année 2017 " rétroconversion des fiches papier du catalogue, et " préparer une liste de monographies pour l'opération pilon 2018 " ont été atteints et l'agent ne démontre pas la pleine réalisation de ces deux objectifs.
12. En conséquence, les appréciations portées dans le compte rendu d'entretien professionnel pour l'année 2018 n'apparaissent pas contradictoires et l'appréciation littérale ainsi que l'appréciation des différents items ne sont entachées ni d'erreur de fait ni d'erreur manifeste d'appréciation.
13. En dernier lieu, en se limitant à indiquer que son évaluation a été empreinte de " vengeance " sans plus de précisions et qu'elle relève d'une volonté de le discréditer en faisant valoir le départ proche de sa supérieure hiérarchique qui aurait ainsi voulu " régler facilement ses comptes ", M. A... n'apporte pas d'éléments sérieux de nature à établir l'existence d'un détournement de pouvoir.
14. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par le département de la Moselle, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
15. La présente décision rejetant les conclusions à fin d'annulation de M. A... et n'appelant, dès lors, aucune mesure d'exécution, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.
Sur les frais d'instance :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département de la Moselle, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au même titre par le département de la Moselle.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du département de la Moselle présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au département de la Moselle.
Délibéré après l'audience du 12 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Durup de Baleine, président de chambre,
- M. Axel Barlerin, premier conseiller,
- Mme Nolwenn Peton, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 décembre 2024.
La rapporteure,
Signé : N. D...Le président,
Signé : A. Durup de Baleine
Le greffier,
Signé : A. Betti
La République mande et ordonne au préfet de la Moselle en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
A. Betti
N° 21NC02391 2