Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal des pensions de Strasbourg d'annuler la décision du 29 août 2018 par laquelle la ministre des armées a modifié la fiche descriptive de ses infirmités et rejeté sa demande d'augmentation du taux d'invalidité découlant de l'aggravation de son état de santé.
En application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018, le tribunal des pensions de Strasbourg a transmis, pour attribution, au tribunal administratif de Strasbourg la demande de M. A....
Par un jugement n° 2000788 du 26 janvier 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 29 août 2018 en tant qu'elle a procédé à la modification de son infirmité reconnue comme telle en 2002 et en tant qu'elle a rejeté sa demande d'aggravation, et a fixé le degré d'invalidité de la seconde infirmité " arthrose lombaire, limitation douloureuse du bassin, bascule du bassin vers la droite, lombalgie irradiant des membres inférieurs " au taux de 30 % à compter du 13 décembre 2016 et a mis à la charge de l'Etat le versement à M. A... d'une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés le 16 mars 2021, le 2 juillet 2021 et le 7 octobre 2021, la ministre des armées demande à la cour :
1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 26 janvier 2021 ;
2°) de rejeter la demande de M. A... devant le tribunal administratif de Strasbourg.
Elle soutient que :
- la pathologie d'arthrose lombaire de M. A... étant sans lien avec sa blessure reçue en service, elle ne peut être prise en compte au titre des dispositions de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- la demande de M. A... relative à l'arthrose lombaire a été rejetée par un arrêté du 28 mars 1995 pour défaut de preuve, de présomption et sans relation médicale avec les infirmités pensionnées, décision qui n'a pas été contestée par l'intéressé ;
- la fiche descriptive des infirmités établie le 27 mai 2002 en exécution du jugement du tribunal des pensions de Strasbourg, confirmé par l'arrêt de la cour régionale des pensions de Strasbourg, indique par erreur pour l'infirmité n° 2132 " arthrose lombaire, limitation douloureuse du bassin, bascule du bassin vers la droite, hyperlordose et arthrose plus marquée à droite " ;
- la modification du libellé de cette infirmité par " lombalgies secondaires à une dysharmonie de la marche avec scoliose modérée " reprend le libellé de l'infirmité accordée par les décisions des juridictions des pensions ;
- en vertu des dispositions de l'article L. 154-4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerres, les pensions peuvent être révisées lorsqu'une erreur matérielle de liquidation a été commise ;
- la décision de rejet du 7 avril 2003 notifiée à M. A... comporte un libellé correct pour l'infirmité en cause, que l'intéressé n'a pas contesté.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 7 juin 2021 et le 21 juillet 2021, M. B... A..., représenté par la SELARL Gentit et Coltat, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement du tribunal des pensions de Strasbourg et l'arrêt de la cour régionale des pensions de Strasbourg le confirmant, qui ont autorité de la chose jugée, ont estimé que son arthrose lombaire était directement imputable au service ;
- la détermination de l'infirmité n° 2132 comme " arthrose lombaire, limitation douloureuse du bassin, bascule du bassin vers la droite, hyperlordose et arthrose plus marquée à droite " résulte de ces décisions de justice ;
- la ministre ne démontre pas que sa pathologie d'arthrose lombaire ne découle pas de l'aggravation de la lombalgie initialement reconnue ;
- la réalité de l'aggravation de l'arthrose lombaire et son imputabilité au service ont été retenues par les médecins de l'administration lors de l'instruction de sa demande ;
- l'arrêté du 28 mars 1995 et la décision du 19 janvier 1998, remplacés par l'arrêté du 27 mai 2002, ne peuvent fonder les prétentions de l'administration ;
- la décision du 7 avril 2003, qui ne lui est pas opposable, faute de lui avoir été notifiée, ne peut remettre en cause les décisions des juridictions des pensions et modifier l'arrêté du 27 mai 2002 ;
- cette décision n'est pas au fondement de la décision du 29 août 2018 en litige ;
- la ministre ne pouvait légalement retirer l'arrêté du 27 mai 2002 au regard des dispositions de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration et sans méconnaître le principe du contradictoire ;
- la modification de l'énoncé de l'infirmité ne résulte pas d'une initiative prise selon la procédure prévue par le I de l'article L. 154-4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et ne constitue pas une erreur matérielle de liquidation au sens de ces dispositions.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Michel, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A... bénéficie depuis le 27 mai 2002 d'une pension militaire d'invalidité concédée à titre définitif au taux global de 65 % pour l'infirmité n° 1 " séquelles de fracture du Dupuytren du cou-de-pied gauche avec diastasis et fracture itérative, discrète raideur hyperlaxité latérale, appui podal incertain, douleurs névritiques transfixiantes du pied " pour un taux de 50 % et l'infirmité n° 2 " arthrose lombaire, limitation douloureuse du bassin, bascule du bassin vers la droite, hyperlordose et arthrose plus marquée à droite " au taux de " 20 % + 5 ". Le 13 décembre 2016, M. A... a sollicité la révision de sa pension d'invalidité pour aggravation de sa seconde infirmité. Par une décision du 29 août 2018, la ministre des armées a rejeté sa demande. Par un jugement du 26 janvier 2021, dont la ministre des armées relève appel, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 29 août 2018 en tant qu'elle a procédé à la modification de l'infirmité n° 2 reconnue comme telle en 2002 et en tant qu'elle a rejeté la demande d'aggravation de M. A... et a fixé le degré d'invalidité de la seconde infirmité au taux de 30 % à compter du 13 décembre 2016.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Par la décision du 29 août 2018 en litige, la ministre des armées a refusé de faire droit à la demande d'aggravation de M. A... au titre de l'infirmité n° 2 comme relevant d'une cause étrangère au service et en a modifié l'énoncé en l'intitulant " lombalgies secondaires à une dysharmonie à la marche avec scoliose modérée ".
En ce qui concerne l'infirmité n° 2 :
3. Aux termes de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, en vigueur à la date de la demande de révision de la pension de M. A... : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 points par rapport au pourcentage antérieur. / Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. / La pension définitive révisée est concédée à titre définitif ".
4. Il résulte de l'instruction que par un arrêté du 27 mai 2002, l'administration a accordé à M. A... un droit à pension au titre de l'infirmité " arthrose lombaire, limitation douloureuse du bassin, bascule du bassin vers la droite, hyperlordose et arthrose plus marquée à droite ", au taux de " 20 % + 5 ". Cet arrêté a été pris en exécution du jugement du 19 juin 2000 du tribunal des pensions du Bas-Rhin, confirmé par un arrêt du 13 mars 2002 de la cour régionale des pensions de Colmar devenu définitif. Par ces décisions, les juridictions ont considéré que l'arthrose lombaire et l'hyperlordose dont souffre M. A... étaient une aggravation de son infirmité initiale de lombalgie secondaire à une dysharmonie de la marche avec scoliose modérée.
5. En premier lieu, pour contester l'absence de lien avec le service de l'arthrose lombaire de M. A..., le ministre des armées se prévaut du caractère définitif de la décision du 28 mars 1995 rejetant la demande de pension de M. A... pour cette pathologie. Toutefois, il résulte de l'instruction que cette décision est antérieure à l'arrêté du 27 mai 2002 accordant à M. A... un nouveau taux de pension prenant en compte l'arthrose lombaire en exécution des décisions précitées des juridictions des pensions. Par ailleurs, la ministre des armées ne saurait davantage utilement se prévaloir de sa décision de rejet du 19 janvier 1998 qui a été infirmée par ces juridictions ni de sa décision du 7 avril 2003 par laquelle elle a seulement rejeté la demande de pension de M. A... pour une " gonarthrose droite " au seul motif d'un degré d'invalidité inférieur à 10 %, sans par ailleurs se prononcer sur l'arthrose lombaire de M. A....
6. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que la ministre ne fait état d'aucun élément médical de nature à remettre en cause le lien avec le service de l'arthrose lombaire de M. A... reconnue par les juridictions des pensions et ne conteste pas sérieusement que l'aggravation de cette pathologie pour l'infirmité pensionnée par l'arrêté du 27 mai 2002 doit être évaluée à un taux de 30 %, ainsi d'ailleurs que l'a estimé le Dr. Sosinski, médecin chargé des pensions militaires d'invalidité, dans son avis du 26 avril 2018.
En ce qui concerne la modification de l'énoncé de l'infirmité n° 2 :
7. Aux termes de l'article L. 154-4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, dans sa version applicable au litige : " I. - Les pensions définitives ou temporaires attribuées au titre du présent code peuvent être révisées dans les cas suivants : / 1° Lorsqu'une erreur matérielle de liquidation a été commise ; / 2° Lorsque les énonciations des actes ou des pièces au vu desquels l'arrêté de concession a été pris sont reconnues inexactes, ou bien en ce qui concerne le grade ou les circonstances du décès, ou bien en ce qui concerne l'état des services, ou bien en ce qui concerne l'état civil ou la situation de famille, ou bien en ce qui concerne le droit au bénéfice d'un statut légal générateur de droits. / Dans tous les cas, la révision a lieu sans condition de délai, dans les mêmes formes que la concession, sur l'initiative du ministre chargé du budget ou du ministre chargé des anciens combattants et victimes de guerre ou à la demande des parties, par voie administrative si la décision qui a alloué la pension définitive ou temporaire ne faisait pas suite à une procédure contentieuse. / Dans le cas contraire, la demande en révision est portée devant la juridiction qui avait rendu la décision attaquée. Elle en est saisie dans les formes indiquées au livre VII (...) ".
8. Il résulte de l'instruction que la modification de l'intitulé de l'infirmité n° 2 par la décision en litige du 29 août 2018 a constitué le soutien au rejet de la demande présentée par M. A... au titre de l'aggravation de sa pathologie d'arthrose lombaire pour absence de lien avec le service, alors, qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, cette pathologie relève de l'infirmité pensionnée. Par suite, contrairement à ce que fait valoir la ministre, la modification de l'énoncé de l'intitulé de l'infirmité n° 2 par la décision de rejet en litige ne saurait être regardée comme la correction d'une erreur matérielle de liquidation au sens des dispositions précitées du 1° du I de l'article L. 154-4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre.
9. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre des armées n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé sa décision du 29 août 2018 en tant qu'elle a procédé à la modification de son infirmité reconnue comme telle en 2002 et en tant qu'elle a rejeté sa demande d'aggravation, et a fixé le taux d'invalidité de la seconde infirmité " arthrose lombaire, limitation douloureuse du bassin, bascule du bassin vers la droite, lombalgie irradiant des membres inférieurs " au taux de 30 % à compter du 13 décembre 2016.
Sur les frais liés à l'instance :
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, le versement à M. A... d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête du ministre des armées est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à M. A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des armées et des anciens combattants et à M. B... A....
Délibéré après l'audience du 7 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Wallerich, président de chambre,
- Mme Guidi, présidente-assesseure,
- M. Michel, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 novembre 2024.
Le rapporteur,
Signé : A. MichelLe président,
Signé : M. Wallerich
La greffière,
Signé : F. Dupuy
La République mande et ordonne au ministre des armées et des anciens combattants en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
E. Delors
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N° 21NC00779