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21/11/2024 | FRANCE | N°23NC01415

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 3ème chambre, 21 novembre 2024, 23NC01415


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 13 septembre 2021 par lequel le maire de la commune de Gérardmer a délivré à M. et Mme E... un permis de construire une maison d'habitation sur le lot n° 6 du lotissement " Le Pré Chaussotte " situé chemin du Cresson.



Par un jugement n° 2103201 du 9 mars 2023, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande.



Procédure devant la cour :




Par une requête, enregistrée le 9 mai 2023, M. et Mme B..., représentés par Me Le Pallabre, demandent à ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 13 septembre 2021 par lequel le maire de la commune de Gérardmer a délivré à M. et Mme E... un permis de construire une maison d'habitation sur le lot n° 6 du lotissement " Le Pré Chaussotte " situé chemin du Cresson.

Par un jugement n° 2103201 du 9 mars 2023, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 mai 2023, M. et Mme B..., représentés par Me Le Pallabre, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 9 mars 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 13 septembre 2021 portant permis de construire ;

3°) de mettre à la charge solidaire de la commune de Gérardmer et de M. et Mme E... une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- il n'est pas établi que le jugement soit signé, en méconnaissance de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- leur intérêt à agir est patent ; ils ont la qualité de voisins immédiats du projet et bénéficient ainsi d'une présomption d'intérêt à agir dès lors qu'ils font état dans leur requête d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet ; le projet est séparé de leur propriété par un terrain non construit sur une distance de seulement 70 mètres et s'implante dans un secteur resté majoritairement à l'état naturel ; ils font par ailleurs état d'éléments suffisamment précis et étayés pour établir que le projet affectera directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de leur bien ; en effet il modifiera la vue dégagée dont ils bénéficient actuellement depuis leur propriété vers le paysage, notamment la végétation et le plan d'eau situé au Nord ; le projet créera également des vues directes sur leur propriété, dès lors que la façade Est du projet comportera deux ouvertures donnant directement sur leur maison ; une terrasse est également prévue en façade Sud dont l'usage sera susceptible de troubler l'intimité sur leur propriété ; les allées et venues des véhicules des occupants de la construction envisagée seront à l'origine de nuisances sonores inexistantes à ce jour sur la propriété des requérants ; le projet litigieux sera par ailleurs à l'origine d'une perte de valeur vénale de leur propriété ; enfin, la contestation des permis de construire délivrés sur l'emprise du lotissement du " pré Chaussotte " est également nécessaire à la préservation de leurs intérêts dans l'attente qu'il soit statué définitivement sur leur requête en annulation à l'encontre du permis d'aménager ;

Par un mémoire, enregistré le 30 octobre 2023, M. et Mme E..., représentés par Me Fouray, concluent au rejet de la requête et à la condamnation des requérants à leur verser une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir que :

- seule la minute du jugement est signée pour être conservée au dossier ;

- c'est à bon droit que le tribunal leur a dénié tout intérêt à agir, dès lors qu'ils n'ont pas la qualité de voisins immédiats ; leur propriété est séparée du projet en cause par un terrain de 70,37 mètres ; en tout état de cause, le projet de construction, par sa nature, sa localisation et sa hauteur, n'aura aucun impact sur les conditions de jouissance de leur bien ; il ne portera pas atteinte à la vue dégagée dont ils bénéficient ; les requérants se comportent comme s'ils se trouvaient dans un secteur non ouvert à l'urbanisation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 novembre 2023, la commune de Gérardmer, représentée par Me Zoubeidi-Defert, conclut au rejet de la requête et à la condamnation solidaire des requérants au versement d'une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la minute du jugement attaqué a bien été signée ;

- les requérants ne sont pas voisins immédiats du projet de construction, leur parcelle en étant séparée par les parcelles 3047 et 3052 ; au surplus, le projet sera situé à une altitude inférieure de 5,4 mètres par rapport à leur maison ; par ailleurs, le point le plus haut du projet sera à 10,68 mètres, de sorte que depuis la propriété des requérants, il ne sera possible d'apercevoir que 4,28 mètres de la construction projetée à une distance de 70 mètres ;

- les moyens soulevés devant le tribunal à l'appui de leurs conclusions à fin d'annulation ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bauer,

- les conclusions de M. Marchal, rapporteur public,

- et les observations de Me Le Pallabre pour M. et Mme B... et de F... pour M. et Mme E....

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 13 septembre 2021, le maire de la commune de Gérardmer a accordé à M. et Mme E... un permis de construire une maison d'habitation sur le lot n° 6 du lotissement " Le Pré Chaussotte " autorisé par permis d'aménager des 10 août 2020 et 11 juillet 2022. Cet arrêté a été contesté par les époux B.... Par un jugement du 9 mars 2023, dont les intéressés relèvent appel, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs conclusions à fin d'annulation du permis de construire litigieux, faute de justifier d'un intérêt à agir.

2. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'État, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.

4. Il ressort des pièces du dossier que la propriété des requérants est séparée de la parcelle en cause par un terrain non construit de 70 mètres et qu'ils n'ont ainsi pas la qualité de voisins immédiats du projet de construction litigieux. Compte-tenu de cette distance, il ne saurait être sérieusement allégué que le projet des époux E... aurait pour effet de masquer la vue dégagée dont les époux B... bénéficient depuis leur propriété sur le paysage naturel environnant, alors au demeurant que la parcelle dont s'agit est de longue date en zone urbanisable de la commune. Il ressort d'autre part des plans joints au dossier de demande de permis de construire que la terrasse projetée par les pétitionnaires se situera le long des façades Sud et Ouest de la maison et n'aura pas de vue directe sur la propriété de M. et Mme B.... Eu égard à leur taille réduite et à leur distance par rapport à leur habitation, les deux ouvertures de la façade Est ne sauraient troubler leur intimité. Enfin, eu égard de nouveau à la distance entre la propriété des requérants et le bâtiment en litige, le bruit que feraient les occupants de cette habitation n'est pas susceptible de leur créer un réel inconfort. Il s'ensuit qu'ils ne justifient pas que les atteintes alléguées soient de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de leur bien.

5. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs conclusions à fin d'annulation de l'arrêté portant permis de construire au motif qu'ils ne justifiaient pas de leur intérêt à agir.

Sur les frais d'instance :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. et Mme E... et de la commune de Gérardmer qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, la somme que les époux B... demandent au titre des frais liés au litige.

7. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de ces derniers le versement respectif d'une somme de 1 000 euros à M. et Mme E... et à la commune de Gérardmer en application de ces dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête susvisée présentée par M. et Mme B... est rejetée.

Article 2 : M. et Mme B... verseront à la commune de Gérardmer une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : M. et Mme B... verseront à M. et Mme E... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B..., à Mme C... B..., à M. A... E..., à Mme G... E... et à la commune de Gérardmer.

Délibéré après l'audience du 24 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Wurtz, président,

- Mme Bauer, présidente-assesseure,

- M. Meisse, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2024.

La rapporteure,

Signé : S. BAUER Le président,

Signé : Ch. WURTZ Le greffier,

Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne à la préfète des Vosges en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

F. LORRAIN

N° 23NC01415 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC01415
Date de la décision : 21/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: Mme Sandra BAUER
Rapporteur public ?: M. MARCHAL
Avocat(s) : SARL ALEO

Origine de la décision
Date de l'import : 24/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-21;23nc01415 ?
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