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21/11/2024 | FRANCE | N°22NC02249

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 3ème chambre, 21 novembre 2024, 22NC02249


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. et Mme D... ont demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 10 août 2020 par lequel le maire de la commune de Gérardmer a délivré à Mme F... un permis d'aménager un lotissement de 8 lots à bâtir ainsi que le rejet implicite de son recours gracieux contre cette décision.



Par un jugement n° 2100293 du 28 juin 2022, le tribunal administratif de Nancy, après avoir écarté les autres moyens soulevés, a considéré que le permis d

'aménager était entaché d'un vice d'incompétence de son signataire et a sursis à statuer sur la légalité ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D... ont demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 10 août 2020 par lequel le maire de la commune de Gérardmer a délivré à Mme F... un permis d'aménager un lotissement de 8 lots à bâtir ainsi que le rejet implicite de son recours gracieux contre cette décision.

Par un jugement n° 2100293 du 28 juin 2022, le tribunal administratif de Nancy, après avoir écarté les autres moyens soulevés, a considéré que le permis d'aménager était entaché d'un vice d'incompétence de son signataire et a sursis à statuer sur la légalité du permis de construire jusqu'à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, aux fins de permettre la régularisation de ce vice, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme.

La commune de Gérardmer a produit au tribunal un arrêté portant permis d'aménager rectificatif délivré le 11 juillet 2022.

M. et Mme D... ont demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler cet arrêté.

Par un jugement n° 2100293 du 3 novembre 2022, le tribunal administratif de Nancy, après avoir considéré que le vice relevé avait été régularisé, a rejeté la demande de M. et Mme D....

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 26 août 2022 sous le n° 22NC02249 et des mémoires complémentaires, enregistrés le 26 juin 2024 et le 26 juillet 2024, M. et Mme D..., représentés par Me Le Pallabre, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 28 juin 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 10 août 2020 portant permis d'aménager un lotissement ;

3°) de mettre à la charge solidaire de la commune de Gérardmer et de Mme F... une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- leur intérêt à agir est établi ;

- le jugement est irrégulier dès lors qu'il n'est pas établi que la minute comporte les signatures exigées par l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- le jugement est insuffisamment motivé dès lors que le tribunal n'a pas répondu aux moyens tirés de l'incomplétude du dossier de demande de permis d'aménager faute de justification du parti d'urbanisme retenu pour assurer l'insertion du projet de lotissement dans un environnement naturel et préservé d'une part, de précisions quant aux caractéristiques précises de la voie de desserte du projet d'autre part ;

- le dossier de demande de permis d'aménager est insuffisant et ne permettait pas d'apprécier l'insertion du projet de lotissement par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages ; ces insuffisances sont de nature à avoir faussé l'appréciation portée par la collectivité sur la conformité du projet au règlement du plan local d'urbanisme (PLU) et au code de l'urbanisme ;

- le permis méconnait les articles 3UB du règlement du PLU et R. 111-2 du code de l'urbanisme dès lors que les caractéristiques de la voie de desserte du lotissement, le chemin du Cresson, présentent des risques pour la sécurité des usagers et que l'augmentation du trafic générée par le lotissement ne pourra pas être absorbée sans difficulté ;

- le permis méconnaît l'article 11UB du règlement du PLU ; le projet s'inscrit dans un environnement qui présente un intérêt paysager et environnemental indéniable, caractérisé par la présence d'un habitat diffus de faible densité adapté au caractère naturel des lieux ;

- le permis méconnaît l'article 12UB du règlement du PLU ; la disposition et la composition des lots rend impossible le respect des obligations de stationnement directement sur chaque parcelle ;

- le permis méconnaît l'article 13UB du règlement du PLU dès lors que les lots présentent tous une superficie supérieure à 6 ares et ne comportent aucun aménagement paysager ;

- le permis méconnaît l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme ; c'est à tort que le tribunal a considéré que le lotissement litigieux jouxterait un groupe de constructions au sens de la loi Montagne, qu'il serait desservi par l'ensemble des réseaux et qu'il ne s'insèrerait pas dans une zone d'urbanisation diffuse en raison de la présence à l'ouest de deux bâtiments artisanaux.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 9 juin 2023 et le 4 juillet 2024, la commune de Gérardmer, représentée par Me Zoubeidi-Defert, conclut au rejet de la requête et à la condamnation solidaire des requérants au versement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les requérants n'ont pas de qualité à agir contre le permis d'aménager alors que des permis de construire ont été délivrés et que les recours contentieux introduits contre eux ont été rejetés pour deux d'entre eux pour défaut d'intérêt à agir et les autres au fond ;

- la minute du jugement est signée de sorte que le moyen tiré de l'irrégularité du jugement pour ce motif manque en fait ;

- le dossier de demande n'était pas insuffisant et permettait d'apprécier l'insertion du projet de lotissement par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, en méconnaissance des dispositions des articles R. 441-2 et R. 441-3 du code de l'urbanisme ;

- l'article 3UB du PLU ne concerne pas les caractéristiques des voies existantes mais les conditions de raccordement ; les mesures prises depuis le site internet Géoportail démontrent que le chemin est en réalité assez large ;

- l'article 11UB du PLU n'a pas été méconnu ; le dossier de demande ne permet pas d'affirmer que les constructions à intervenir ne lui seront pas conformes ;

- l'article 12UB du PLU n'a pas été méconnu ; les normes de stationnement seront respectées lors de la délivrance des permis de construire ;

- l'article 13UB du PLU n'a pas été méconnu ; la conformité à ces dispositions sera appréciée au moment de la demande de permis de construire ;

- en ce qui concerne la méconnaissance de l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme, il convient de prendre en compte l'ensemble du secteur, qui comprend 37 constructions et est desservi par les divers réseaux ; le projet est situé dans une " dent creuse " entre le groupe des maisons d'habitation et celui des locaux commerciaux et artisanaux ; il s'inclut bien dans cet ensemble dont il n'est séparé ni par un espace naturel, ni par une limite ; les indices que sont les voies et réseaux permettent de considérer que le projet se situe en continuité de l'urbanisation.

Par des mémoires, enregistrés le 8 juin 2023 et le 18 juillet 2024, Mme F..., représentée par Me Fouray, conclut au rejet de la requête et à la condamnation des requérants à lui verser une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la signature n'est requise que pour la minute du jugement, non pour le jugement notifié ;

- le jugement est suffisamment motivé ; le tribunal a bien répondu aux moyens tirés de l'incomplétude du dossier de demande de permis d'aménager et des caractéristiques de la voie de desserte ;

- l'insuffisance du dossier de demande de permis d'aménager ne l'entache d'illégalité que dans la mesure où les omissions, inexactitudes ou insuffisances ont été de nature à fausser l'appréciation de l'administration sur la conformité du projet à la règlementation ; sur la méconnaissance alléguée de l'article 3UB du PLU, en tout état de cause la largeur du chemin du Cresson mesurée par le commissaire de justice est supérieure à celle exigée par le PLU ; par ailleurs, les calculs approximatifs, et présentés comme tels par les requérants, quant à la largeur du chemin, n'établissent en rien son insuffisance en tant que voie d'accès ; le chemin du Cresson dessert une entreprise industrielle employant plus de 50 salariés et est également emprunté par des poids lourds ; le trafic généré par les 8 lots du projet n'aura qu'une incidence minime sur la circulation automobile ;

- le respect des règles des articles 11UB, 12UB et 13UB doit être vérifié au moment des demandes de permis de construire, lesquels ont d'ailleurs déjà été délivrés et effectivement contestés par les requérants ; aucune des caractéristiques du permis d'aménager ne fait obstacle au respect de ces dispositions lors de la réalisation des projets de construction.

II. Par une requête, enregistrée le 16 décembre 2022 sous le n° 22NC03165 et un mémoire complémentaire, enregistré le 11 juillet 2023, M. et Mme D..., représentés par Me Le Pallabre, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 3 novembre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 10 août 2020 portant permis d'aménager un lotissement ;

3°) de mettre à la charge solidaire de la commune de Gérardmer et de Mme F... une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement est irrégulier dès lors qu'il n'est pas établi que la minute comporte les signatures exigées par l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- le vice tiré de l'incompétence du signataire du permis d'aménager n'est pas régularisé ; l'arrêté de délégation pour être exécutoire doit, dans la version de l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales applicable du 9 août 2015 au 1er juillet 2022, avoir été régulièrement publié ou affiché et transmis à la préfecture ; les nouvelles dispositions de l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales relatives à la publicité des actes sous la forme électronique sur le site internet de la commune ne sont applicables qu'aux actes émis à compter de son entrée en vigueur, soit le 1er juillet 2022 ;

- le dossier de demande de permis d'aménager est insuffisant et ne permettait pas d'apprécier l'insertion du projet de lotissement par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, en méconnaissance des dispositions des articles R. 441-2 et R. 441-3 du code de l'urbanisme ;

- le permis méconnait les articles 3UB du règlement du PLU et R. 111-2 du code de l'urbanisme ;

- le permis méconnaît les articles 11UB, 12UB et 13UB du règlement du PLU ;

- le permis méconnaît l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme.

Par un mémoire, enregistré le 8 juin 2023, Mme F..., représentée par Me Fouray, conclut au rejet de la requête et à la condamnation des requérants à lui verser une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés pour les mêmes motifs que dans la requête n° 22NC02249.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 juin 2023, la commune de Gérardmer, représentée par Me Zoubeidi-Defert, conclut au rejet de la requête et à la condamnation solidaire des requérants au versement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la minute du jugement est signée de sorte que le moyen tiré de l'irrégularité du jugement pour ce motif manque en fait ;

- c'est à bon droit que le tribunal a estimé que le vice d'incompétence avait été régularisé ; l'arrêté de délégation de fonctions du 7 juillet 2020 a été transmis à la préfecture le 8 juillet 2020 et publié au recueil des actes administratifs dans son édition du mois de septembre 2020 ;

- les autres moyens soulevés ne sont pas fondés pour les mêmes motifs que dans la requête n° 22NC02249.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bauer,

- les conclusions de M. Marchal, rapporteur public,

- et les observations de Me Le Pallabre pour M. et Mme D... et H... pour Mme F....

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 10 août 2020, le maire de la commune de Gérardmer a accordé à Mme F... un permis d'aménager un lotissement de huit lots à bâtir destinés à des maisons d'habitation sur un terrain situé chemin du Cresson, au lieudit " Le Pré Chaussotte ", et cadastré section F n° 1980. M. et Mme D..., voisins immédiats, ont sollicité l'annulation de cet arrêté. Par un jugement du 28 juin 2022, le tribunal administratif de Nancy a, sur le fondement de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, sursis à statuer dans l'attente de la notification d'un permis d'aménager modificatif régularisant le vice tiré de l'incompétence du signataire de l'acte initial et écarté les autres moyens des requérants. La commune de Gérardmer a fait parvenir au tribunal un arrêté du 11 juillet 2022 portant permis d'aménager rectificatif. Par un jugement du 3 novembre 2022, le tribunal administratif de Nancy a considéré que ce permis rectificatif avait régularisé le vice entachant le permis d'aménager initial et a ainsi rejeté la requête des époux D.... Par les présentes requêtes, qu'il y a lieu de joindre, ces derniers relèvent appel de ces deux jugements et doivent être regardés comme demandant l'annulation des permis d'aménager délivrés les 10 août 2020 et 11 juillet 2022.

Sur les conclusions à fin d'annulation du jugement du 28 juin 2022 :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

2. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ". Il résulte de ces dispositions que seule la minute du jugement est signée, à l'exclusion de l'ampliation délivrée aux parties. En l'espèce, la minute signée est conservée au dossier du tribunal et a été transmise à la cour. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à se prévaloir d'une irrégularité du jugement attaqué sur ce point.

3. En second lieu, il ressort des termes du jugement attaqué que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à chacun des arguments soulevés par les requérants, ont suffisamment répondu au moyen tiré de l'incomplétude du dossier de demande de permis d'aménager faute de justification du parti d'urbanisme retenu et de l'insertion environnementale. Les requérants ne peuvent utilement soutenir qu'ils n'ont pas répondu à un argument, qui n'était pas invoqué devant eux, tiré de ce que le dossier serait incomplet faute de préciser les caractéristiques de la voie de desserte du terrain d'assiette du projet de lotissement. Enfin, les premiers juges ont suffisamment répondu au moyen relatif à la méconnaissance alléguée de l'article 3UB du règlement du plan local d'urbanisme (PLU).

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :

4. En premier lieu, aux termes de l'article R. 441-2 du code de l'urbanisme : " Sont joints à la demande de permis d'aménager : / a) Un plan permettant de connaître la situation du terrain à l'intérieur de la commune ; / b) Le projet d'aménagement comprenant les pièces mentionnées aux articles R. 441-3 et R. 441-4 ". Aux termes de l'article R. 441-3 de ce code : " " Le projet d'aménagement comprend une notice précisant : / (...) 2° Les partis retenus pour assurer l'insertion du projet dans son environnement et la prise en compte des paysages, faisant apparaître, en fonction des caractéristiques du projet : / a) L'aménagement du terrain, en indiquant ce qui est modifié ou supprimé ; / b) La composition et l'organisation du projet, la prise en compte des constructions ou paysages avoisinants, le traitement minéral et végétal des voies et espaces publics et collectifs et les solutions retenues pour le stationnement des véhicules ; / c) L'organisation et l'aménagement des accès au projet ; / d) Le traitement des parties du terrain situées en limite du projet ; / e) Les équipements à usage collectif et notamment ceux liés à la collecte des déchets ". L'article R. 444-4 du code de l'urbanisme dispose que : " Le projet d'aménagement comprend également : 1° Un plan de l'état actuel du terrain à aménager et de ses abords faisant apparaître les constructions et les plantations existantes, les équipements publics qui desservent le terrain, ainsi que, dans le cas où la demande ne concerne pas la totalité de l'unité foncière, la partie de celle-ci qui n'est pas incluse dans le projet d'aménagement ; 2° Un plan coté dans les trois dimensions faisant apparaître la composition d'ensemble du projet et les plantations à conserver ou à créer. ". Enfin, aux termes de l'article R. 441-8-2 du même code : " Aucune autre information ou pièce ne peut être exigée par l'autorité compétente ".

5. La circonstance que le dossier de demande de permis d'aménager serait incomplet ou que des pièces seraient insuffisantes, imprécises ou inexactes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis accordé que dans le cas où ces omissions, inexactitudes ou insuffisances ont été de nature à fausser l'appréciation de l'administration sur la conformité du projet à la réglementation.

6. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier de demande de permis d'aménager que ce dernier comporte l'ensemble des éléments exigés par les dispositions précitées. En particulier, la notice descriptive présente la situation géographique de la parcelle dans la commune et de ses abords. Si elle ne mentionne pas spécifiquement la proximité de la forêt classée en ZNIEFF et Natura 2000, non plus que la présence d'un plan d'eau et du lac de Gérardmer à faible distance, tant l'extrait cadastral et le plan de situation produits que les différentes photos IGN retraçant la chronologie de l'aménagement du secteur permettaient d'apprécier le cadre environnemental du projet et les constructions avoisinantes, alors au demeurant qu'il ne saurait être sérieusement soutenu que le maire ait pu ignorer ces éléments remarquables du patrimoine naturel de sa commune. Eu égard à son ampleur modeste, le projet d'aménagement envisagé, à savoir l'aménagement de 8 lots, l'amenée des réseaux de viabilisation ainsi que la création d'une voie nouvelle pour leur desserte, est de même suffisamment décrit dans le programme et le plan des travaux joints au dossier, dont ressort le parti retenu pour assurer son insertion dans l'environnement. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que le permis litigieux aurait été délivré au vu d'un dossier insuffisant ou incomplet, en méconnaissance des dispositions précitées du code de l'urbanisme, doit être écarté.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3UB du PLU de la commune de Gérardmer : " Accès / Les autorisations d'occuper et d'utiliser le sol peuvent être refusées si les accès présentent un risque pour la sécurité des usagers des voies publiques ou pour celle des personnes utilisant ces accès. Cette sécurité doit être appréciée compte tenu, notamment, de la position des accès, de leur configuration ainsi que de la nature et de l'intensité du trafic. / Le nombre des accès sur les voies publiques et leur localisation peut être limité dans l'intérêt de la sécurité. / Aucun accès à une construction destinée à l'habitation ne devra avoir une largeur inférieure à 3 mètres (...) / Voirie / Les dimensions, formes et caractéristiques techniques des voies nouvelles doivent être adaptées aux usages qu'elles supportent ou aux opérations qu'elles doivent desservir (...) / Toute voie nouvelle ouverte à la circulation automobile est soumise aux conditions suivantes : largeur minimale de la chaussée de 6 mètres pour les voies à double sens ; largeur minimale de la chaussée de 3,5 mètres pour les voies à sens unique ". Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. "

8. S'il ressort du constat d'huissier diligenté par les requérants, dont son auteur admet lui-même le caractère imprécis, que la largeur du chemin du Cresson desservant la parcelle en cause est, au droit de cette parcelle, comprise entre 3,10 mètres et 3,60 mètres. M. et Mme D... ne démontrent pas que les caractéristiques de ce chemin le rendraient impropre à supporter le trafic supplémentaire généré par les huit maisons individuelles prévues par le permis d'aménager. Par ailleurs, s'agissant de la voirie intérieure du projet, le permis d'aménager prévoit la création d'une voie à sens unique et donc devant présenter une largeur de 3,5 mètres et non de 6 mètres au regard des dispositions précitées, respectées au cas d'espèce puisque la notice descriptive prévoit une largeur de 4 mètres, un trottoir de 1 mètre ainsi qu'un accotement de 1 mètre. Il s'ensuit que les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 3UB du règlement du PLU et de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme doivent être écartés.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article 11UB du règlement du plan local d'urbanisme de la commune : " Aspect extérieur : / Dans toute la zone : / Le projet peut être refusé ou n'être raccordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ". Aux termes de l'article 12UB du PLU relatif au stationnement des véhicules : " dispositions générales / le stationnement des véhicules correspondant aux besoins des constructions et installations doit être assuré en dehors du domaine public, sur des emplacements aménagés sur le terrain. / La superficie minimale à prendre en compte pour le stationnement d'un véhicule est de 25 m² y compris les accès. Elle est ramenée à 15 m² lorsque la place de stationnement est directement accessible depuis la voie publique ou située dans une construction principale ou une annexe. / (...) Pour les constructions destinées à l'habitation, le nombre de places de stationnement situées dans la construction principale ou dans une annexe doit être supérieur ou égale au nombre de places aménagées hors construction. / Normes de stationnement / Les normes de stationnement applicables sont celles qui sont définies au titre I ". En vertu du I relatif aux dispositions générales du PLU, le nombre de places doit être de deux pour une construction à usage d'habitation dont la surface de plancher est inférieure ou égale à 80 mètres carrés et d'une place supplémentaire par tranche entamée de 50 mètres carrés. Enfin, aux termes de l'article 13UB du PLU consacré aux espaces libres et plantations et espaces boisés classés : " Pour toute unité foncière de plus de 6 ares, 50 % au moins de la superficie des terrains doivent être plantés et aménagés en espaces verts. Au plus 50 % des surfaces des toitures végétalisées et des stationnements enherbés peuvent être pris en compte pour le calcul de cette superficie. / (...) ".

10. Les lotissements, qui constituent des opérations d'aménagement ayant pour but l'implantation de constructions, doivent respecter les règles tendant à la maîtrise de l'occupation des sols édictées par le code de l'urbanisme ou les documents locaux d'urbanisme, même s'ils n'ont pour objet ou pour effet, à un stade où il n'existe pas encore de projet concret de construction, que de permettre le détachement d'un lot d'une unité foncière. Il appartient, en conséquence, à l'autorité compétente de refuser le permis d'aménager sollicité ou de s'opposer à la déclaration préalable notamment lorsque, compte tenu de ses caractéristiques telles qu'elles ressortent des pièces du dossier qui lui est soumis, un projet de lotissement permet l'implantation de constructions dont la compatibilité avec les règles d'urbanisme ne pourra être ultérieurement assurée lors de la délivrance des autorisations d'urbanisme requises.

11. En l'espèce, ainsi qu'il a été dit, le permis d'aménager litigieux n'a pour objet que de déterminer la superficie des différents lots et de permettre leur viabilisation et la création d'une voie intérieure au futur lotissement pour la desserte des différents lots. Aucun élément du dossier ne permet à ce stade de vérifier la conformité des futures constructions aux dispositions précitées du PLU, ni de considérer que leur respect, qui sera apprécié au moment du dépôt des permis de construire correspondants, ne pourra être assuré. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles 11UB, 12UB et 13UB du règlement du PLU doit être écarté.

12. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 122-1 du code de l'urbanisme : " Les conditions d'utilisation et de protection de l'espace montagnard sont fixées par le présent chapitre qui s'applique dans les zones de montagne définies à l'article 3 de la loi du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne ". Aux termes de l'article L. 122-2 de ce code : " Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute personne publique ou privée pour (...) la création de lotissements (...) ". Aux termes de l'article L. 122-5 du même code : " L'urbanisation est réalisée en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants, sous réserve de l'adaptation, du changement de destination, de la réfection ou de l'extension limitée des constructions existantes, ainsi que de la construction d'annexes, de taille limitée, à ces constructions, et de la réalisation d'installations ou d'équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées ". Aux termes de l'article L. 122-5-1 de ce code : " Le principe de continuité s'apprécie au regard des caractéristiques locales de l'habitat traditionnel, des constructions implantées et de l'existence de voies et réseaux ".

13. D'une part, il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative chargée de se prononcer sur une demande d'autorisation d'occupation ou d'utilisation du sol mentionnée à l'article L. 122-2 du code de l'urbanisme de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de la conformité du projet aux dispositions du code de l'urbanisme particulières à la montagne.

14. D'autre part, il résulte des dispositions de l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme que l'urbanisation en zone de montagne, sans être autorisée en zone d'urbanisation diffuse, peut être réalisée non seulement en continuité avec les bourgs, villages et hameaux existants, mais également en continuité avec les groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants et qu'est ainsi possible l'édification de constructions nouvelles en continuité d'un groupe de constructions traditionnelles ou d'un groupe d'habitations qui, ne s'inscrivant pas dans les traditions locales, ne pourrait être regardé comme un hameau. L'existence d'un tel groupe suppose plusieurs constructions qui, eu égard notamment à leurs caractéristiques, à leur implantation les unes par rapport aux autres et à l'existence de voies et de réseaux, peuvent être perçues comme appartenant à un même ensemble.

15. Le projet de lotissement litigieux se situe dans une zone de la commune qui est séparée du centre-ville par le lac de Gérardmer. Il est bordé par la forêt au Sud-Ouest et au Nord, de l'autre côté du chemin du Cresson, par un plan d'eau et il se situe à proximité de quelques habitations à l'Est et de deux bâtiments industriels et artisanaux à l'Ouest, lesquels ne peuvent être regardés comme formant un bourg ou un village. Si, contrairement à l'argumentation de la commune, ni les deux bâtiments industriels et artisanaux, en tout état de cause séparés du projet par un petit espace boisé, ni les habitations situées de l'autre côté du plan d'eau ne peuvent être prises en compte pour caractériser un groupe d'habitations existant, les habitations, dotées d'annexes, situées à proximité immédiate du projet de lotissement, au nombre de 8, réparties de part et d'autre du chemin du Cresson, distantes entre elles d'une dizaine à une trentaine de mètres, présentant des architectures similaires et dont il ressort des pièces du dossier qu'elles sont desservies par les réseaux, notamment d'eau potable et d'électricité, constituent un tel groupe au sens des dispositions précitées. Il n'est par ailleurs pas contesté que le futur lotissement, qui jouxte ce groupe d'habitations existant et dont il n'est séparé par aucun obstacle naturel, sera ainsi réalisé en continuité de cet ensemble, alors au demeurant que le secteur en cause, tant sous l'empire de l'ancien plan d'occupation des sols que du PLU actuel, est ouvert à l'urbanisation, cette dernière étant néanmoins strictement limitée dans ses possibilités d'extension, des parcelles limitrophes au projet en cause étant classées en zone naturelle. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme doit par suite être écarté.

16. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée en défense, M. et Mme D... ne sont pas fondés soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a écarté les moyens soulevés, à l'exception du moyen tiré de l'incompétence du signataire du permis contesté.

Sur les conclusions à fin d'annulation du jugement du 3 novembre 2022 :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

17. Aux termes des dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ". Il résulte de ces dispositions que seule la minute du jugement est signée, à l'exclusion de l'ampliation délivrée aux parties. En l'espèce, la minute signée est conservée au dossier du tribunal et a été transmise à la cour. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à se prévaloir d'une irrégularité du jugement attaqué sur ce point.

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :

S'agissant de la régularisation du vice relevé par le jugement avant-dire droit :

18. Aux termes de l'article L. 422-1 du code de l'urbanisme : " L'autorité compétente pour délivrer le permis de construire, d'aménager ou de démolir et pour se prononcer sur un projet faisant l'objet d'une déclaration préalable est : a) Le maire, au nom de la commune, dans les communes qui se sont dotées d'un plan local d'urbanisme (...) ". L'article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales prévoit que : " Le maire est seul chargé de l'administration, mais il peut, sous sa surveillance et sa responsabilité, déléguer par arrêté une partie de ses fonctions à un ou plusieurs de ses adjoints et à des membres du conseil municipal (...) ".

19. Par un arrêté du 11 juillet 2022, le maire de la commune de Gérardmer a produit au tribunal un permis d'aménager rectificatif signé par son adjoint, M. B... A..., titulaire d'une délégation de fonctions en matière " de permis de construire, certificats d'urbanisme et autres autorisations d'occupation du sol " consentie par décision du 7 juillet 2020. Aux termes de l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa version applicable à la date d'édiction de cette délégation : " Les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé à leur publication ou affichage ou à leur notification aux intéressés ainsi qu'à leur transmission au représentant de l'Etat dans le département ou à son délégué dans l'arrondissement (...) La publication ou l'affichage des actes mentionnés au premier alinéa sont assurés sous forme papier (...) ".

20. Il ressort des pièces du dossier, d'une part, que l'arrêté portant délégation de fonctions du 7 juillet 2020 a fait l'objet d'une transmission au sous-préfet de l'arrondissement le 8 juillet 2020 et, d'autre part, qu'il a été publié au recueil des actes administratifs de la commune n° 3-2020 portant sur la période du 1er juillet au 30 septembre 2020, lequel a été mis à la disposition du public à compter du 18 novembre 2020, ainsi que cela résulte d'un communiqué du 18 novembre 2020 transmis à la presse et à la radio locales. Ainsi, c'est à bon droit que le tribunal a considéré que la délégation de fonctions du 7 juillet 2020 revêtait un caractère exécutoire à la date de signature du permis rectificatif le 11 juillet 2022 et, ainsi, que le vice d'incompétence relevé par le jugement avant-dire droit avait été régularisé.

S'agissant des autres moyens soulevés :

21. A compter de la décision par laquelle le juge recourt à l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, seuls des moyens dirigés contre la mesure de régularisation notifiée, le cas échéant, au juge peuvent être invoqués devant ce dernier. A ce titre, les parties peuvent, à l'appui de la contestation de l'acte de régularisation, invoquer des vices qui lui sont propres et soutenir qu'il n'a pas pour effet de régulariser le vice que le juge a constaté dans sa décision avant-dire droit. Elles ne peuvent en revanche soulever aucun autre moyen, qu'il s'agisse d'un moyen déjà écarté par la décision avant-dire droit ou de moyens nouveaux, à l'exception de ceux qui seraient fondés sur des éléments révélés par la procédure de régularisation.

22. Il s'ensuit que les moyens soulevés dans leur requête initiale et déjà écartés par le jugement du 28 juin 2022 sont irrecevables.

23. Il résulte de tout ce qui précède que les époux D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy, estimant que le vice relevé avait été régularisé par le permis rectificatif délivré le 11 juillet 2022, a rejeté leur demande d'annulation des arrêtés portant permis d'aménager initial et rectificatif délivrés à Mme F....

Sur les frais d'instance :

24. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter l'ensemble des conclusions présentées par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes susvisées présentées par M. et Mme D... sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par la commune de Gérardmer sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par Mme F... sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... D..., à Mme E... D..., à Mme C... F... et à la commune de Gérardmer.

Délibéré après l'audience du 24 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Wurtz, président,

- Mme Bauer, présidente-assesseure,

- M. Meisse, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2024.

La rapporteure,

Signé : S. BAUER Le président,

Signé : Ch. WURTZ Le greffier,

Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne à la préfète des Vosges en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

F. LORRAIN

N° 22NC02249, 22NC03165 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC02249
Date de la décision : 21/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: Mme Sandra BAUER
Rapporteur public ?: M. MARCHAL
Avocat(s) : SARL ALEO

Origine de la décision
Date de l'import : 24/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-21;22nc02249 ?
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