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21/11/2024 | FRANCE | N°21NC02420

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 3ème chambre, 21 novembre 2024, 21NC02420


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 20 avril 2020 par lequel le président de l'Ecole supérieure d'art de Lorraine l'a exclu de ses fonctions pour une durée de quinze jours, d'enjoindre à l'Ecole supérieure d'art de Lorraine de reconstituer sa carrière et de lui verser notamment le salaire qu'il n'a pas perçu du fait de son exclusion temporaire de fonctions et de condamner l'Ecole supérieure d'art de Lorraine à lui verser la

somme de 10 000 euros en réparation des préjudices qu'il a subis.



Par un jug...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 20 avril 2020 par lequel le président de l'Ecole supérieure d'art de Lorraine l'a exclu de ses fonctions pour une durée de quinze jours, d'enjoindre à l'Ecole supérieure d'art de Lorraine de reconstituer sa carrière et de lui verser notamment le salaire qu'il n'a pas perçu du fait de son exclusion temporaire de fonctions et de condamner l'Ecole supérieure d'art de Lorraine à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation des préjudices qu'il a subis.

Par un jugement n° 2003655 du 21 juin 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 30 août 2021, 1er décembre 2021, 23 septembre 2022 et le 1er août 2023, M. A..., représenté par Me Lehmann, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 21 juin 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 20 avril 2020 par lequel le président de l'Ecole supérieure d'art de Lorraine l'a exclu de ses fonctions pour une durée de quinze jours ;

3°) de mettre à la charge de l'Ecole supérieure d'art de Lorraine la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier en l'absence de qualité pour agir du représentant de l'école ;

- il n'est pas justifié de la qualité pour agir de l'école en appel ;

- la procédure disciplinaire devant le conseil de discipline est irrégulière ;

- la décision de sanction est insuffisamment motivée ;

- elle est motivée par des faits de 2016 qui n'ont pas été portés à sa connaissance et n'ont pas été évoqués devant le conseil de discipline ;

- les faits de 2016 sont prescrits ;

- la matérialité des faits reprochés n'est pas établie ;

- la sanction infligée est hors de proportion et inadaptée à la nature des faits reprochés ;

- elle est entachée d'erreur de droit dès lors que les faits qui lui sont reprochés relèvent de l'insuffisance professionnelle ;

- il est victime de harcèlement moral ;

- la décision de sanction méconnaît les dispositions de l'article L. 133-3 du code de la fonction publique ;

- elle est entachée d'un détournement de pouvoir.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 21 juillet 2022 et le 17 mai 2023, l'Ecole supérieure d'art de Lorraine, représentée par Me Vallejo, conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. A... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires territoriaux ;

- le décret n° 2012-437 du 29 mars 2012 portant statut particulier du cadre d'emplois des assistants territoriaux d'enseignement artistique ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Berthou,

- les conclusions de M. Marchal, rapporteur public,

- et les observations de Gravier représentant M. A... et de Me Tezenas du Montcel représentant l'Ecole supérieure d'art de Lorraine.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., assistant territorial d'enseignement artistique à l'Ecole supérieure d'art de Lorraine (ESAL) pour une charge d'enseignement de 20 heures hebdomadaires, a été recruté par contrat en 1992 et titularisé le 1er décembre 1998. Le président de l'ESAL l'a informé par une lettre du 17 décembre 2019 de l'engagement d'une procédure disciplinaire à son encontre. Le conseil de discipline, siégeant le 9 mars 2020, a rendu un avis défavorable à toute sanction. Le président de l'ESAL l'a, par un arrêté du 20 avril 2020, exclu pour une durée de quinze jours. M. A... demande l'annulation du jugement du 21 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande dirigée contre cet arrêté.

Sur la recevabilité des écritures en défense devant la cour :

2. La présentation d'une action par un des mandataires mentionnés à l'article R. 431-2 du code de justice administratif ne dispense pas la cour administrative d'appel, non plus que le tribunal administratif de s'assurer, le cas échéant, lorsque la partie en cause est une personne morale, que le représentant de cette personne morale justifie de sa qualité pour engager cette action. Une telle vérification n'est toutefois pas normalement nécessaire lorsque la personne morale requérante est dotée, par des dispositions législatives ou réglementaires, de représentants légaux ayant de plein droit qualité pour agir en justice en son nom.

3. Aux termes de l'article R. 1431-13 du code général des collectivités territoriales : " Le directeur assure la direction de l'établissement public de coopération culturelle ou environnementale. / A ce titre : (...) g) Il représente l'établissement en justice et dans tous les actes de la vie civile (...) ". Il résulte de ces dispositions que la directrice de l'ESAL a de plein droit qualité pour agir en justice au nom de l'école. Les mémoires en défense sont signés par un avocat et mentionnent qu'ils sont présentés pour l'ESAL, représentée par son représentant légal. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la qualité pour agir de l'ESAL ne serait pas établie en appel. La fin de non-recevoir opposée aux mémoires en défense doit donc être écartée.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la recevabilité des écritures en défense en première instance :

4. Il ressort des pièces du dossier de première instance que les mémoires en défense sont signés par un avocat et mentionnent qu'ils sont présentés pour l'ESAL, représentée par son représentant légal. Dès lors, M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a regardé ces mémoires comme recevables sans inviter leur auteur à les régulariser.

En ce qui concerne la légalité externe de l'arrêté du 20 avril 2020 :

5. En premier lieu, aux termes de l'article 8 du décret du 18 septembre 1989 : " Le report de l'affaire peut être demandé par le fonctionnaire poursuivi ou par l'autorité territoriale : il est décidé à la majorité des membres présents. Le fonctionnaire et l'autorité territoriale ne peuvent demander qu'un seul report. ". Aux termes de son article 9 : " Lorsque le conseil de discipline examine l'affaire au fond, son président porte à la connaissance des membres du conseil, en début de séance, les conditions dans lesquelles le fonctionnaire poursuivi et, le cas échéant, son ou ses conseils ont exercé leur droit à recevoir communication intégrale du dossier individuel et des documents annexés. Le rapport établi par l'autorité territoriale et les observations écrites éventuellement présentées par le fonctionnaire sont lus en séance. ".

6. Il ressort des pièces du dossier que, si la demande de report formulée en amont par M. A... n'a pas été examinée dès l'ouverture de la séance du conseil de discipline du 9 mars 2020, elle a donné lieu à un vote après la lecture du rapport disciplinaire de l'établissement et un échange, portant uniquement sur cette demande, au cours duquel le conseil de M. A... a pu rappeler les motifs de santé motivant la demande et l'administration donner son point de vue. Les membres du conseil de discipline ont ainsi pu délibérer et procéder au vote sur ce point, hors la présence des parties, en disposant de l'ensemble des éléments nécessaires à leur appréciation, sans qu'il puisse être considéré que la décision de refuser le report aurait de fait été prise par le seul président. La circonstance que la séance avait alors déjà duré quelques dizaines de minutes est à cet égard sans incidence. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du vote sur la demande de report doit, en tout état de cause, être écarté.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 du décret du 18 septembre 1989 : " Le fonctionnaire poursuivi est convoqué par le président du conseil de discipline, quinze jours avant la date de la réunion, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. / Il peut présenter devant le conseil de discipline des observations écrites ou orales, citer des témoins et se faire assister par un ou plusieurs conseils de son choix. ". Aux termes de l'article 7 de ce décret : " L'autorité territoriale est convoquée dans les formes prévues à l'article 6. Elle dispose des mêmes droits que le fonctionnaire poursuivi ".

8. Ni les articles 6, 7 et 8 du décret du 18 septembre 1989, ni aucune autre disposition ou principe n'imposent à l'administration d'informer le fonctionnaire poursuivi, préalablement à la séance du conseil de discipline, de son intention de faire entendre des témoins ou de l'identité de ceux-ci. Il appartient au conseil de discipline de décider s'il y a lieu de procéder à l'audition de témoins. Il ne peut toutefois, sans méconnaître les droits de la défense et le caractère contradictoire de la procédure, entendre les témoins le jour même de la séance sans avoir mis en mesure le fonctionnaire poursuivi d'assister à leur audition. En l'absence du fonctionnaire ou de son représentant, le conseil de discipline ne peut auditionner de témoin que si l'agent a été préalablement avisé de cette audition et a renoncé de lui-même à assister à la séance du conseil de discipline ou n'a justifié d'aucun motif légitime imposant le report de celle-ci.

9. Il ressort des pièces du dossier que, si l'ESAL n'a pas fait part à M. A..., préalablement à la séance du conseil de discipline du 9 mars 2020, de son intention d'y citer un témoin et que l'agent poursuivi n'était pas personnellement présent au conseil de discipline, il y était toutefois représenté par deux personnes de son choix qui ont ainsi pu prendre connaissance du témoignage et y apporter toutes les observations utiles. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la citation du témoin doit être écarté.

10. En troisième lieu, aux termes de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 alors en vigueur : " Le pouvoir disciplinaire appartient à l'autorité investie du pouvoir de nomination. (...) L'avis de cet organisme de même que la décision prononçant une sanction disciplinaire doivent être motivés ". Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 2° Infligent une sanction ; (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". Ces dispositions imposent à l'autorité qui prononce la sanction de préciser

elle-même, dans sa décision, les griefs qu'elle entend retenir à l'encontre de l'agent concerné, de telle sorte que ce dernier puisse, à la seule lecture de cette décision, connaître les motifs de la sanction qui le frappe.

11. L'administration, qui n'est pas tenue de suivre l'avis du conseil de discipline, n'a pas, pour répondre à son obligation de motivation, à expliquer les raisons pour lesquelles elle a décidé de ne pas suivre l'avis rendu par celui-ci. Par ailleurs, la décision attaquée comporte les considérations de droit sur lesquelles elle se fonde et énonce avec précision l'intégralité des griefs reprochés à M. A..., mettant ainsi l'intéressé en mesure de connaître les motifs de la sanction qui le frappe à la seule lecture de l'acte attaqué. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de ce dernier doit donc être écarté.

12. En quatrième lieu, M. A... soutient que la décision attaquée, qui mentionne, pour plusieurs griefs, des faits ayant commencé " fin 2016 ", serait ainsi motivée par des faits qui n'ont pas été portés à sa connaissance et n'ont pas été évoqués devant le conseil de discipline. Le rapport disciplinaire soumis au conseil de discipline évoque toutefois des faits de " fin 2016 ". Il est par ailleurs constant que l'administration avait d'elle-même adressé par voie postale début 2020 et à plusieurs reprises à l'intéressé son dossier individuel, comprenant ledit rapport, dont il n'a pas pu prendre connaissance pour la seule raison qu'il n'avait pas déclaré son déménagement à son employeur. Si dans son courrier du 12 mai 2020 adressé au président de l'ESAL, lequel est, en tout état de cause, postérieur à la décision attaquée, M. A... a demandé à pouvoir consulter son dossier et à prendre connaissance des éléments concernant l'année 2016, l'école lui a répondu favorablement à plusieurs reprises et notamment le 27 mai 2020 sur la possibilité de venir consulter son dossier. L'intéressé n'apporte aucun élément de nature à expliquer l'absence de suites données par lui. Il ne ressort enfin pas des pièces du dossier que l'administration se serait fondée sur des éléments qui n'auraient pas été portés à la connaissance du conseil de discipline, s'agissant notamment des manquements à l'obligation de neutralité qui figurent dans le rapport. Le moyen doit par suite être écarté comme manquant en fait.

En ce qui concerne la légalité interne de l'arrêté du 20 avril 2020 :

13. La décision contestée est motivée par le refus de M. A... d'accomplir les tâches confiées empêchant ainsi les étudiants d'utiliser, dans de bonnes conditions, le matériel de l'établissement, par ses modifications répétées des ordinateurs de la salle du traceur, par son comportement agressif et inadapté à l'encontre des étudiants de l'établissement et du personnel d'entretien, par son comportement et son refus de toute discussion avec la directrice et l'administrateur de l'ESAL le 3 octobre 2017, par son manquement à l'obligation de discrétion professionnelle vis-à-vis des étudiants de l'établissement et, notamment les critiques formulées sur le travail accompli par les enseignants et ses problèmes relationnels avec l'administration, et, enfin, par ses manquements à l'obligation de réserve sur les réseaux sociaux.

14. En premier lieu, M. A... conteste la matérialité de certains des faits ainsi retenus à son encontre. Il soutient que la plupart des signataires de la pétition le visant ont ainsi fait un acte de pure complaisance, que les témoignages des élèves ne sont pas suffisamment probants et que ceux des enseignants sont partiaux. Il ressort cependant des pièces du dossier que la pétition datée du 8 janvier 2018, qui met en cause de manière très claire le comportement de M. A... en le qualifiant notamment d'irrespectueux, haineux, saboteur et fermé à tout dialogue, a été signée par une centaine d'élèves de l'ESAL sans qu'aucun élément ne tende à établir que certains y auraient été contraints d'une quelconque manière. Les nombreux témoignages individuels recueillis par l'administration sont très circonstanciés et concordants. Ces éléments suffisent à établir la réalité du comportement agressif et inadapté de M. A... à l'encontre des étudiants et du personnel d'entretien ainsi que son manquement à l'obligation de discrétion professionnelle vis-à-vis d'eux par ses remises en cause explicites du corps enseignant. Les témoignages des enseignants, également précis et circonstanciés et dont la partialité ne ressort pas des pièces du dossier, établissent que M. A... a apposé un cadenas empêchant l'accès aux cartouches d'encre de l'atelier et modifié sans motif des paramètres des ordinateurs alors qu'il disposait, contrairement à ses allégations, des droits d'administrateur en sa qualité de responsable de l'atelier, ces actes ayant eu pour effet de remettre en cause l'aboutissement du travail des étudiants dans les délais prescrits par leurs enseignants et de les contraindre ainsi à mettre en place des moyens de contournement. La réalité des menaces qu'il aurait subies de la part de l'un de ses collègues ayant témoigné n'est en outre pas établie. Par ailleurs, l'ESAL produit un compte-rendu de l'évènement du 3 octobre 2017 relatant le refus de M. A... d'engager tout dialogue avec la directrice de l'école, son indélicatesse et son départ précipité de la salle où avait lieu l'échange, alors que le requérant n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause le comportement inadapté ainsi décrit à l'égard de l'équipe de direction. Il résulte de tout ce qui précède que la matérialité des faits reprochés par l'ESAL doit être regardée comme établie. Le moyen soulevé par M. A... doit donc être écarté.

15. En deuxième lieu, aux termes de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 alors en vigueur : " Le pouvoir disciplinaire appartient à l'autorité investie du pouvoir de nomination. / Aucune procédure disciplinaire ne peut être engagée au-delà d'un délai de trois ans à compter du jour où l'administration a eu une connaissance effective de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits passibles de sanction (...) ". Si l'administration ne donne aucune date précise de survenance des faits repris dans le rapport disciplinaire comme ayant été commis " fin 2016 ", il résulte de l'instruction qu'elle aurait pris la même décision si elle ne s'était pas fondée sur les motifs relatifs à ces faits, qu'il y a lieu, par suite, de neutraliser.

16. En troisième lieu, les faits ainsi retenus après la neutralisation opérée au point précédent caractérisent des fautes passibles de sanction disciplinaire, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que certains de ces manquements auraient pu concourir à révéler par ailleurs l'insuffisance professionnelle de l'intéressé. Par suite le moyen tiré de l'erreur de droit alléguée doit être écarté.

17. En quatrième lieu, aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 alors en vigueur : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la rémunération, la formation, l'évaluation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; (...) ".

18. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

19. En admettant que M. A... ait entendu soutenir que la sanction litigieuse a été prononcée dans le cadre d'un harcèlement moral le visant de la part de la direction de l'ESAL il n'explique pas en quoi les faits la motivant, en particulier ceux visant les élèves et le personnel d'entretien, pourraient s'analyser comme une expression légitime d'un refus de subir un tel harcèlement.

20. En tout état de cause, d'une part, la situation de malaise social au sein de l'établissement relevée dans le rapport d'évaluation du Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur au titre de l'année 2022-2023, qui suggère une évaluation des risques psychosociaux et encourage l'école à renouer le dialogue social, ne concerne pas directement l'intéressé et ne caractérise aucun fait susceptible de participer à un harcèlement moral à son égard. M. A... soutient également s'être vu opposer un refus de formation et n'en avoir suivi aucune en dix ans, sans toutefois apporter aucun élément de nature à démontrer qu'il aurait sollicité des formations professionnelles. Par ailleurs, les dispositions de l'article 3 du décret du 29 mars 2012 qui prévoient que les assistants territoriaux d'enseignement artistique sont placés, pour l'exercice de leurs fonctions, sous l'autorité du fonctionnaire chargé de la direction de l'établissement n'ont pas pour effet de les ranger sous l'autorité directe de ce fonctionnaire. L'encadrement de l'intéressé ne devait dès lors pas nécessairement être assuré par la directrice de l'établissement elle-même. Il ressort de plus des pièces du dossier que le supérieur hiérarchique direct de M. A..., M. C..., est clairement identifié, ne serait-ce que pour avoir réalisé son entretien professionnel au titre de l'année 2016.

21. D'autre part, alors que M. A... ne justifie aucunement de la nécessité d'une protection de l'équipe éducative contre les allégations des étudiants qui, ainsi qu'il a été dit, n'étaient pas mensongères, l'administration indique sans être contestée que, si la fiche de poste de M. A... n'a pas été révisée depuis 2009, c'est au motif qu'à l'exception de la mise en place d'un service de vidéo analogie déjà réalisée, ses missions n'ont pas évolué, que l'intéressé a bénéficié d'un entretien professionnel en 2017, que l'absence de réalisation d'un tel entretien en 2018 s'explique par le fait que l'intéressé était absent lors de la campagne d'entretiens pour des raisons de santé et que l'ouverture permanente de l'atelier a été rendue nécessaire par l'attitude même de l'intéressé et pour permettre aux étudiants de réaliser leurs travaux. L'administration démontre ainsi que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement.

22. Il résulte de ce qui précède que le harcèlement moral allégué n'est en tout état de cause pas établi. Les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983, reprises aux articles L. 133-2 et L. 133-3 du code général de la fonction publique, doivent donc être écartés.

23. En cinquième lieu, si M. A... soutient qu'il a effectué les publications sur les réseaux sociaux qui lui sont reprochées alors que son état psychologique était dégradé, il ne produit aucun élément de nature à établir la réalité d'un état de souffrance psychologique tel qu'il aurait abouti à une abolition ou à une altération de son discernement.

24. En sixième lieu, au regard des fautes ainsi commises et de tout ce qui précède, et alors même que l'intéressé n'a pas, au préalable, fait l'objet d'un avertissement, la sanction de l'exclusion temporaire pour une durée de quinze jours prononcée à l'encontre de M. A... par le président de l'ESAL est proportionnée.

25. En dernier lieu, au regard notamment des motifs figurant aux points 20, 21, 22 et 25, il n'est pas établi que l'arrêté contesté aurait été inspiré par un but étranger à celui de sanctionner le comportement fautif de M. A.... Le moyen tiré du détournement de pouvoir doit, par suite, être écarté.

26. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 avril 2020.

Sur les frais de l'instance :

27. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'ESAL, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par M. A... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... la somme demandée au même titre par l'ESAL.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par l'Ecole supérieure d'art de Lorraine sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à l'Ecole supérieure d'art de Lorraine.

Délibéré après l'audience du 24 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Wurtz, président,

- Mme Bauer, présidente-assesseure,

- M. Berthou, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2024.

Le rapporteur,

Signé : D. BERTHOULe président,

Signé : Ch. WURTZLe greffier,

Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

N° 21NC02420 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC02420
Date de la décision : 21/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. David BERTHOU
Rapporteur public ?: M. MARCHAL
Avocat(s) : SELAS OLSZAK LEVY

Origine de la décision
Date de l'import : 01/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-21;21nc02420 ?
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