Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... C... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 20 janvier 2023 par lequel la préfète des Vosges a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2301138 du 17 août 2023, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 15 septembre 2023, Mme B..., représentée par Me Masson, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre à la préfète des Vosges de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions, et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, dans le délai de quinze jours et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, ou, dans l'hypothèse où l'aide juridictionnelle ne lui serait pas accordée, de mettre cette somme à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté en litige est entaché d'incompétence de son signataire ;
S'agissant du refus de séjour :
- la décision en litige est entachée d'insuffisance de motivation ;
- elle est entachée de défaut d'examen ;
- elle est entachée d'erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article
L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article
L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale compte tenu de l'illégalité de la décision lui refusant le renouvellement de son titre de séjour ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
S'agissant de la légalité de la décision fixant le pays de destination :
- la décision en litige est illégale compte tenu de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ;
- elle est entachée d'insuffisance de motivation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 septembre 2023, la préfète des Vosges conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- la requête, qui ne présente pas de motivation distincte de celle de première instance, est irrecevable ;
- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 12 octobre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Brodier a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante russe née en 1970, est entrée sur le territoire français en juillet 2021, selon ses déclarations, munie d'un visa de court séjour Schengen d'une durée de quatre-vingt-dix jours. Le 12 décembre 2022, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour " vie privée et familiale ". Par un arrêté du 20 janvier 2023, la préfète des Vosges a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme B... relève appel du jugement du 17 août 2023 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la compétence de l'auteur de l'arrêté :
2. Par un arrêté du 24 octobre 2022, la préfète des Vosges a donné délégation à M. David Percheron, secrétaire général de la préfecture, à l'effet de signer tous actes, arrêtés et décisions relevant des attributions de l'Etat dans le département des Vosges, y compris en matière de police des étrangers. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté en litige serait entaché d'incompétence de son signataire.
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
4. Il ressort de la décision en litige, par laquelle la préfète des Vosges refuse de délivrer un titre de séjour à Mme B... sur le fondement des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'elle comporte l'ensemble des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. La requérante, qui n'établit pas s'être prévalue de la présence de son fils sur le territoire français, n'est pas fondée à contester l'absence de référence à celui-ci dans la décision. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision en litige manque en fait et doit être écarté.
5. En deuxième lieu, il ressort des termes mêmes de la décision en litige que la préfète des Vosges a procédé à l'examen particulier de la demande de titre de séjour " vie privée et familiale " formée par Mme B.... Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen sérieux doit être écarté.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui s'est substitué aux dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du même code au 1er mai 2021 : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".
7. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... établit entretenir une relation avec un ressortissant français depuis septembre 2021. Si elle a conclu un pacte civil de solidarité avec lui le 2 décembre 2022 et est intégrée dans la famille de son compagnon, dans la région de Bordeaux, en Charente-Maritime et dans les Vosges, leur relation demeure récente à la date de la décision en litige. Mme B... justifie par ailleurs de sa volonté d'intégration par l'apprentissage de la langue française. Elle dispose enfin de la présence en France de son fils, qui est âgé de 29 ans et a créé sa propre cellule familiale en Gironde. Toutefois, la requérante ne résidait sur le territoire français que depuis dix-huit mois à la date de la décision en litige. Dans ces conditions, elle n'établit pas qu'elle avait désormais ancré, à la date de la décision en litige, l'essentiel de sa vie privée et familiale en France. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que la décision en litige méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ".
9. Les éléments de sa vie privée dont Mme B... se prévaut sur le territoire français ne constituent pas des circonstances humanitaires ni des motifs exceptionnels au sens de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'en refusant de la régulariser sur le fondement de cet article, la préfète des Vosges aurait entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
10. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français serait illégale compte tenu de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour.
11. En deuxième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
12. Pour les mêmes motifs qu'énoncés au point 7 ci-dessus, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision en litige méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
13. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de destination serait illégale compte tenu de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.
14. En deuxième lieu, il ressort des termes mêmes de la décision en litige qu'elle comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation ne peut qu'être écarté.
15. En dernier lieu, aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
16. En se bornant à indiquer que la Russie se trouve en guerre, la requérante ne contredit pas le motif de la décision en litige tiré de ce qu'elle ne fait état d'aucun élément permettant d'établir qu'elle courrait personnellement des risques de tortures, de peines ou de traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que la décision en litige serait entachée d'erreur de droit ou d'erreur d'appréciation au regard des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
17. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 janvier 2023. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris les conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... B..., à Me Masson et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète des Vosges.
Délibéré après l'audience du 17 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président,
M. Agnel, président-assesseur,
Mme Brodier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 novembre 2024.
La rapporteure,
Signé : H. Brodier Le président,
Signé : J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
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No 23NC02915