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15/11/2024 | FRANCE | N°22NC02974

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 2ème chambre, 15 novembre 2024, 22NC02974


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société par actions simplifiée (SAS) Technic Industries a demandé au tribunal administratif de Nancy de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015 et des suppléments d'impôt sur les sociétés établis au titre des années 2013, 2014 et 2015.



Par un jugement n° 1903263 du 22 septembre 2022, le trib

unal administratif de Nancy a rejeté la demande.



Procédure devant la cour :



Par une req...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Technic Industries a demandé au tribunal administratif de Nancy de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015 et des suppléments d'impôt sur les sociétés établis au titre des années 2013, 2014 et 2015.

Par un jugement n° 1903263 du 22 septembre 2022, le tribunal administratif de Nancy a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 novembre 2022 et un mémoire enregistré le 26 septembre 2024, la SAS Technic Industries, représentée par Me Castelli, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le rapprochement de taxe sur la valeur ajoutée effectué en dernier lieu pour toute la période vérifiée fait ressortir un excédent de taxe sur la valeur ajoutée collectée déclarée de 51 991 euros et non pas une insuffisance de 63 777 euros comme persiste à le soutenir l'administration ;

- les frais de bar dont l'administration refuse en dernier lieu la déduction sont de la même nature et ont été exposés dans les mêmes établissements que les dépenses dont le service a finalement admis le caractère professionnel, ces frais étant exposés à des fins de prospection de la clientèle ;

- les prestations effectuées par la société ESG, au travers de M. Gillet, sont exclusivement de nature commerciale sans rapport avec ses fonctions de dirigeant social, conformément à la convention d'assistance signée entre les deux sociétés ; au demeurant, la proportion de prestations de direction que croit déceler l'administration et qu'elle fixe à 37 % des heures effectuées par M. Gillet, ne repose sur aucun élément objectif ; en tout état de cause, en admettant que la société ESG a facturé une partie de prestations de direction générale, celles-ci n'en seraient pas moins déductibles en ce que le recours à de telles prestations ne saurait constituer un acte anormal de gestion compte tenu de leur réalité et des contreparties reçues et en ce que le droit de société ne s'oppose pas à ce qu'une société par actions simplifiée sous-traite à une autre ses fonctions de direction générale.

Par un mémoire en défense enregistré le 20 février 2023 et des mémoires enregistrés le 20 septembre 2024, non communiqué, et 8 octobre 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Agnel ;

- les conclusions de Mme Mosser, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Castelli, représentant la société Technic Industries.

Une note en délibéré, enregistrée le 18 octobre 2024, a été présentée pour la SAS Technic Industries.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Technic Industries, ayant pour activité la commercialisation de dispositifs d'éclairage électrique, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité ayant concerné la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015. Par proposition de rectification du 22 novembre 2016, l'administration fiscale a porté à sa connaissance qu'elle envisageait de procéder, selon la procédure contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ainsi qu'à des rehaussements de ses bénéfices imposables à l'impôt sur les sociétés. Ces rectifications ont été refusées par la société et ont été partiellement maintenues par lettres du 8 février 2017, 2 mai 2017 suite à une entrevue avec le supérieur hiérarchique et par lettre du 24 juillet 2017. La commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires a rendu un avis partiellement favorable aux rectifications en matière d'impôt sur les sociétés et s'est déclarée incompétente pour le surplus. Les impositions supplémentaires ont été mises en recouvrement le 31 mai 2018 et la réclamation préalable de la société a été rejetée le 9 septembre 2019. La SAS Technic Industries relève appel du jugement du 22 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, de ces impositions supplémentaires.

Sur le bien-fondé des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée :

2. Aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. -Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ". Aux termes de l'article 269 du même code : " 1 Le fait générateur de la taxe se produit :/ a) Au moment où la livraison, l'acquisition intracommunautaire du bien ou la prestation de services est effectué (...) / 2. La taxe est exigible :/ a) Pour les livraisons et les achats visés au a du 1 et pour les opérations mentionnées aux b et d du même 1, lors de la réalisation du fait générateur (...) / c) Pour les prestations de services autres que celles visées au b bis, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur option du redevable, d'après les débits ". Aux termes de l'article 287 du même code : " 1. Tout redevable de la taxe sur la valeur ajoutée identifié conformément aux dispositions combinées des articles 286 ter et 286 ter A est tenu de remettre au service des impôts dont il dépend et dans le délai fixé par arrêté une déclaration conforme au modèle prescrit par l'administration. / 2. Les redevables soumis au régime réel normal d'imposition déposent mensuellement la déclaration visée au 1 indiquant, d'une part, le montant total des opérations réalisées, d'autre part, le détail des opérations taxables. La taxe exigible est acquittée tous les mois ".

3. Il résulte de l'instruction que le service vérificateur a effectué un rapprochement entre la taxe sur la valeur ajoutée collectée portée par la société requérante sur ses déclarations mensuelles de chiffre d'affaires et celle enregistrée dans sa comptabilité. L'insuffisance de taxe sur la valeur ajoutée collectée déclarée par la société requérante a été arrêtée en dernier lieu par le service à 63 777 euros en tenant compte des observations de la redevable concernant l'exigibilité des prestations de locations ainsi que des régularisations effectuées par elle ce qui a conduit au demeurant le service à prononcer un dégrèvement d'office de 55 650 euros concernant l'année 2014. Compte tenu de ces éléments et de ce qu'il n'est pas contesté que la redevable se trouvait systématiquement en situation d'insuffisance de déclaration de taxe, occasionnant de fréquentes régularisations, l'administration doit être regardée comme ayant rapporté la preuve, qui lui incombe, du bien-fondé du rappel de taxe sur la valeur ajoutée laissé à la charge de la société Technic Industries. En produisant en cours d'instance un état de rapprochement des chiffres d'affaires comptabilisés et déclarés, présenté comme ayant été établi en dernier lieu par son comptable, ainsi que, devant cette cour, des pièces présentées comme constituant les fichiers des écritures comptables des années vérifiées, la société requérante ne renverse pas les éléments de preuve réunis par l'administration.

Sur le bien-fondé des rehaussements des bénéfices imposables à l'impôt sur les sociétés :

En ce qui concerne les frais de représentation :

4. Il y a lieu d'écarter les moyens invoqués par la société requérante à l'encontre des rehaussements de ses bénéfices laissés à sa charge concernant des frais dits de " bars à champagne " par les mêmes motifs que ceux retenus à juste titre par les premiers juges.

En ce qui concerne les prestations facturées par la société ESG :

5. En vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion normale. Constitue un acte anormal de gestion l'acte par lequel une entreprise décide de s'appauvrir à des fins étrangères à son intérêt. Il appartient, en règle générale, à l'administration, qui n'a pas à se prononcer sur l'opportunité des choix de gestion opérés par une entreprise, d'établir les faits sur lesquels elle se fonde pour invoquer ce caractère anormal.

6. La conclusion par une société d'une convention de prestations de services avec une autre société pour la réalisation, par le dirigeant de la première, de missions relevant des fonctions inhérentes à celles qui lui sont normalement dévolues ne relève pas d'une gestion commerciale anormale si cette société établit que ses organes sociaux compétents ont entendu en réalité, par le versement des honoraires correspondant à ces prestations, rémunérer indirectement le dirigeant et qu'ainsi ce versement n'est pas dépourvu pour elle de contrepartie, le choix d'un mode de rémunération indirect ne caractérisant pas en lui-même un appauvrissement à des fins étrangères à son intérêt.

7. Il résulte de l'instruction que la société Technic Industries a déduit de ses bénéfices imposables des années 2013 à 2015 les sommes facturées par une société ESG, laquelle détient l'intégralité de son capital, en vertu d'une convention d'assistance signée entre les deux sociétés le 4 janvier 2008 et renouvelée chaque année par des avenants successifs. Au terme de cette convention la société ESG s'est engagée à fournir à sa filiale des prestations d'assistance et de conseil dans les domaines financier et comptable, commercial et celui des ressources humaines. En vertu de l'article 2 de ce contrat, la société ESG était libre du choix du personnel devant être affecté à l'accomplissement des missions faisant l'objet de la convention. En application de l'article 3 de cette même convention la rémunération de la société ESG était calculée sur la base du coût de revient de ses prestations augmenté d'une marge de 12 %, cette marge ayant été fixée à 5 % au titre des années 2013 et 2014 et à 10 % au titre de l'année 2015. Il ressort de la proposition de rectification que la société ESG a facturé en exécution de cette convention des frais de mise à disposition de personnels au profit de Technic Industries pour des montants de l'ordre de 780 000 euros toutes taxes comprises (TTC) par an au cours de la période vérifiée, les personnes mise à disposition ayant les qualifications de responsables multimédia, assistants de gestion, commerciaux, responsables régionaux, comptables, attachés de communication et président et directeur général. Il n'est pas contesté que parmi ces prestations de mise à disposition de personnels, la société ESG a facturé les sommes hors taxes (HT) de 144 079 euros en 2013, 159 935 euros en 2014 et 149 377 euros en 2015 correspondant à la mise à disposition de M. Gillet, président de la SA ESG mais également président de la SAS Technic Industries. Il n'est pas contesté que M. Gillet n'a pas perçu de rémunération de la part de la SAS Technic Industries au cours de la période litigieuse en sa qualité de président de cette société. L'administration, estimant que le paiement de ces sommes à la société ESG ne relevait pas d'une gestion commerciale normale les a réintégrées dans les bénéfices imposables de la société Technic Industries. A la suite de l'avis de la commission des impôts directs du 14 novembre 2017, l'administration a accepté de limiter le montant des réintégrations à 37 % des sommes litigieuses, représentant selon elle la proportion des tâches effectuées par M. Gillet correspondant à ses seules fonctions de dirigeant de la société requérante.

8. Les fonctions attribuées à M. Gillet en sa qualité de dirigeant de droit de la SAS Technic Industries sont définies par l'article 17 de ses statuts, selon lequel " la société est représentée, dirigée et administrée par un président " qui " dirige la société et la représente à l'égard des tiers (...) est investi de tous les pouvoirs nécessaires pour agir en toutes circonstances " en son nom. Compte tenu de ces stipulations, les opérations relatives à la gestion administrative et financière, à la stratégie et la gestion commerciale ainsi qu'à la gestion des ressources humaines, sont indissociables de la direction d'une société commerciale et sont inhérentes aux fonctions de dirigeant social de M. Gillet à la tête de la société Technic Industries. S'il est allégué, pour la première fois en appel et plusieurs années après les faits, que par la convention du 4 janvier 2008, renouvelée par avenants au cours de la période litigieuse, la société Technic Industries, par le paiement à la société ESG des honoraires correspondant à l'accomplissement par M. Gillet des tâches inhérentes à ses fonctions de président, aurait entendu le rémunérer indirectement, elle ne produit aucun acte par lequel ses organes sociaux compétents auraient pris une telle décision, l'approbation annuelle des comptes en assemblée générale ordinaire ne pouvant en tenir lieu. La société requérante ayant ainsi pris l'acte de gestion de ne pas rémunérer son président, le fait pour elle de payer à la société ESG des honoraires pour la mise à disposition de M. Gillet afin que celui-ci exécute les tâches qu'il était tenu de toute manière d'effectuer gratuitement, compte tenu de son mandat de président, ne saurait relever, en dépit de ce que la réalité des tâches effectuées par l'intéressé n'est pas contestée, d'une gestion commerciale normale en l'absence de toute contrepartie. Si la société requérante soutient que la proportion de 63 % de tâches techniques facturées admises en déduction par l'administration et de 37 % de tâches facturées relevant exclusivement de fonctions de dirigeant, réintégrées dans les bénéfices, n'est pas justifiée par le service, il résulte de ce qui vient d'être dit que toutes les tâches facturées par la société ESG en vertu de la convention d'assistance étaient indissociables de son mandat de dirigeant social. Dès lors, elle n'est pas fondée à se plaindre de ce que l'administration n'a réintégré qu'une partie des sommes facturées à ce titre. Enfin, la circonstance que la législation des sociétés ne s'opposerait pas à ce qu'une société sous-traite à titre onéreux auprès d'une autre société les fonctions de président, en l'admettant établie, serait sans influence sur l'application des règles rappelées au point 6 ci-dessus en vue de la détermination des bénéfices imposables à l'impôt sur les sociétés. Par suite, c'est à juste titre, sans s'immiscer dans sa gestion, que l'administration a refusé la déduction des sommes litigieuses des bénéfices imposables de la SAS Technic Industries.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Technic Industries n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SAS Technic Industries est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Technic Industries et au ministre du budget et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 17 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président de chambre,

M. Agnel, président assesseur,

Mme Stenger, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 novembre 2024.

Le rapporteur,

Signé : M. AgnelLe président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre du budget et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

N° 22NC02974

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC02974
Date de la décision : 15/11/2024
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Marc AGNEL
Rapporteur public ?: Mme MOSSER
Avocat(s) : CASTELLI NICOLAS

Origine de la décision
Date de l'import : 24/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-15;22nc02974 ?
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