Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... E... B... et Mme D... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 12 juin 2023 par lesquels la préfète du Bas-Rhin leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de retour.
Par un jugement n°s 2304564, 2304565 du 25 août 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a annulé les décisions fixant le pays de destination en tant qu'elles fixent la République démocratique du Congo comme pays de renvoi et rejeté le surplus des demandes.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête enregistrée sous le n° 23NC03085 le 12 octobre 2023, Mme C..., représentée par Me Bohner, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions ;
2°) d'annuler l'arrêté du 12 juin 2023 ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir en lui délivrant dans l'intervalle une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros HT au bénéfice de son conseil en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur de droit dans l'application des dispositions du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et d'une erreur d'appréciation ;
- la décision est entachée d'un défaut de base légale et d'erreur de droit dès lors qu'elle a été prononcée en dehors du champ d'application de la directive retour et porte atteinte au principe du non refoulement des articles 33 de la convention de 1951 relative au statut des réfugiés et 18 et 19 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la décision méconnait son droit à une vie privée et familiale, l'intérêt supérieur de ses enfants et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences sur sa situation personnelle.
La requête a été communiquée à la préfète du Bas-Rhin qui n'a pas produit de mémoire en défense.
II. Par une requête enregistrée sous le n° 23NC03086 le 12 octobre 2023, M. B..., représenté par Me Bohner, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions ;
2°) d'annuler l'arrêté du 12 juin 2023 ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir en lui délivrant dans l'intervalle une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros HT au bénéfice de son conseil en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur de droit dans l'application des dispositions du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et d'une erreur d'appréciation ;
- la décision est entachée d'un défaut de base légale et d'erreur de droit dès lors qu'elle a été prononcée en dehors du champ d'application de la directive retour et porte atteinte au principe du non refoulement des articles 33 de la convention de 1951 relative au statut des réfugiés et 18 et 19 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la décision méconnait son droit à une vie privée et familiale, l'intérêt supérieur de ses enfants et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences sur sa situation personnelle.
La requête a été communiquée à la préfète du Bas-Rhin qui n'a pas produit de mémoire en défense.
M. B... et Mme C... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions du 14 septembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés ;
- la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Peton a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... et Mme C..., ressortissants congolais de la République démocratique du Congo, sont entrés en France en 2021. Ils ont présenté des demandes d'asile qui ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 15 juin 2022 dont les décisions ont été confirmées par la Cour nationale du droit d'asile le 20 mars 2023. A la suite de ces décisions, par des arrêtés du 12 juin 2023, la préfète du Bas-Rhin les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être reconduits. M. B... et Mme C... relèvent appel du jugement du 25 août 2023, par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg, après avoir annulé les décisions fixant le pays de destination eu égard à la protection obtenue en Grèce, a rejeté le surplus de leurs demandes.
2. Les requêtes susvisées n°s 23NC03085 et n° 23NC03086 présentées pour M. B... et Mme C... présentent à juger des questions identiques. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur la légalité des arrêtés du 12 juin 2023 :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) / 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° ; / (...)". Aux termes de l'article L. 621-1 de ce code : " Par dérogation au refus d'entrée à la frontière prévu à l'article L. 332-1, à la décision portant obligation de quitter le territoire français prévue à l'article L. 611-1 et à la mise en œuvre des décisions prises par un autre État prévue à l'article L. 615-1, l'étranger peut être remis, en application des conventions internationales ou du droit de l'Union européenne, aux autorités compétentes d'un autre État, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas prévus aux articles L. 621-2 à L. 621-7. ". Aux termes de l'article L. 621-2 du même code : " Peut faire l'objet d'une décision de remise aux autorités compétentes d'un État membre de l'Union européenne, de la République d'Islande, de la Principauté du Liechtenstein, du Royaume de Norvège ou de la Confédération suisse l'étranger qui, admis à entrer ou à séjourner sur le territoire de cet État, a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 311-1, L. 311-2 et L. 411-1, en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec cet État, en vigueur. ".
4. Il ressort des dispositions des articles L. 611-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relatives à l'obligation de quitter le territoire français, et des articles L. 621-1 et suivants du même code, relatives aux procédures de remise aux Etats membres de l'Union européenne (UE) ou parties à la convention d'application de l'accord de Schengen, que le champ d'application des mesures obligeant un étranger à quitter le territoire français et celui des mesures de remise d'un étranger à un autre Etat ne sont pas exclusifs l'un de l'autre et que le législateur n'a pas donné à l'une de ces procédures un caractère prioritaire par rapport à l'autre.
5. Il s'ensuit que, lorsque l'autorité administrative envisage une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger dont la situation entre dans le champ d'application de l'article L. 621-1, L. 621-2 ou L. 621-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle peut légalement soit le remettre aux autorités compétentes de l'Etat membre de l'Union européenne ou partie à la convention d'application de l'accord de Schengen d'où il provient, sur le fondement des articles L. 621-1 et suivants, soit l'obliger à quitter le territoire français sur le fondement de l'article L. 611-1. Ces dispositions ne font pas non plus obstacle à ce que l'administration engage l'une de ces procédures alors qu'elle avait préalablement engagé l'autre.
6. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date à laquelle la préfète du Bas-Rhin a pris une obligation de quitter le territoire français à l'encontre de M. B... et Mme C..., les autorités grecques s'étaient prononcées sur leurs demandes de protection internationale et leur avaient octroyé le statut de réfugié. Dans ces conditions eu égard à ce qui a été énoncé, M. B... et Mme C... doivent être regardés comme bénéficiant des droits conférés par les titres de séjour délivrés par les autorités grecques au titre du statut de réfugiés, et, contrairement à ce qu'ils soutiennent, ils n'étaient pas insusceptibles de faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. Toutefois, dès lors que leurs demandes d'asile en France ont été rejetées pour irrecevabilité, leur situation relevait du champ d'application des dispositions du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, les moyens tirés de ce que les décisions en litige sont entachées d'erreur de droit, d'erreur d'appréciation et de défaut de base légale doivent être écartés.
7. En deuxième lieu, les moyens tirés du principe de non refoulement des réfugiés et du droit fondamental de l'asile prévus par l'article 33 de la Convention de Genève et les articles 18 et 19 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne sont sans incidence à l'encontre d'une décision qui ne fixe pas, en elle-même, le pays de destination de la mesure d'éloignement.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
9. Il ressort des pièces du dossier que M. B... et Mme C... sont entrés irrégulièrement en France en 2021, après un séjour de plusieurs années en Grèce. Ils ne peuvent se prévaloir de l'existence en France de liens personnels et familiaux stables et anciens alors notamment qu'ils vivent seuls et isolés, sans ressources pérennes ni logement stable. Compte tenu de la durée et des conditions de leur séjour en France, M. B... et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que les décisions portant obligation de quitter le territoire français portent au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elles ont été prises, et ont ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par ailleurs, il n'existe aucun obstacle à ce que leurs enfants les accompagnent, hors de France, notamment en Grèce. Par suite le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
11. Le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, il y a lieu de rejeter les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par M. B... et Mme C....
Sur les frais liés à l'instance :
12. Les dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme à ce titre.
D E C I D E :
Article 1er : Les requêtes de M. B... et Mme C... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E... B..., à Mme D..., au ministre de l'intérieur et à Me Bohner.
Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.
Délibéré après l'audience du 15 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Durup de Baleine, président de chambre,
- M. Barlerin, premier conseiller,
- Mme Peton, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 novembre 2024.
La rapporteure,
Signé : N. PetonLe président,
Signé : A. Durup de Baleine
Le greffier,
Signé : A. Betti
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
A. Betti
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N° 23NC03085, 23NC03086