Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la décision du 26 février 2019 par laquelle le premier vice-président de la région Bourgogne-Franche-Comté a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie et de condamner la région Bourgogne-Franche-Comté à lui verser la somme de 30 000 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices qu'il a subis en raison des fautes commises par la région.
Par un jugement n° 1900742, 1901875 du 6 août 2020, le tribunal administratif de Besançon a annulé la décision du 26 février 2019, enjoint à la présidente de la région Bourgogne-Franche-Comté d'accorder à M. B... le bénéfice du congé pour invalidité temporaire imputable au service pour la période allant du 29 mai 2018 au 6 août 2020 et, pour la période postérieure au 6 août 2020, de procéder au réexamen de la situation de l'intéressé et de prendre une nouvelle décision sur sa situation professionnelle et a condamné la région Bourgogne-Franche-Comté à verser à M. B... la somme de 2 000 euros.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 5 octobre 2020 et 8 juin 2022, la région Bourgogne-Franche-Comté, représentée par Me Corneloup, demande à la cour dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif en tant qu'il a annulé l'arrêté du 26 février 2019, enjoint à la région d'accorder à M. B... le bénéfice du congé pour invalidité temporaire imputable au service pour la période allant du 29 mai 2018 au 6 août 2020 et mis à la charge de la région la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
2°) de rejeter la demande de première instance de M. B... ;
3°) de mettre à la charge de M. B... une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que le tribunal a commis une erreur de droit et une erreur d'appréciation dans la qualification juridique des faits en considérant que la pathologie de M. B... est causée par l'exercice de ses fonctions.
Par des mémoires en défense enregistrés les 24 décembre 2020 et 15 décembre 2023, M. B..., représentée par Me Woldanski, demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) de mettre à la charge de la région Bourgogne-Franche-Comté le versement d'une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la fonction publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Peton,
- les conclusions de Mme Bourguet-Chassagnon, rapporteure publique,
- et les observations de Me Metz pour la région Bourgogne-Franche-Comté.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., a été recruté par la région Bourgogne en 2012 en qualité d'agent technique territorial de première classe des établissements d'enseignement et a été reconnu travailleur handicapé à compter du 1er octobre 2014. Alors qu'il était affecté au lycée Follereau à Belfort, en qualité de peintre en bâtiment, il a été placé en congé de longue maladie, du 13 avril 2015 au 12 novembre 2017, en raison de douleurs lombo-sciatiques liées à la présence d'une hernie discale en L5-S1 inopérable. Le 4 octobre 2017, le comité médical a préconisé une reprise à temps partiel thérapeutique à 50 % sous réserve d'un poste aménagé. Le 13 novembre 2017, M. B... a repris un service à temps partiel thérapeutique à 50% en qualité d'agent d'entretien au sein du lycée d'enseignement général et technologique agricole Quelet à Valdoie. M. B... a de nouveau été placé en arrêt de travail à compter du 29 mai 2018 en raison d'une sténose foraminale et d'une cervicarthrose. M. B... a demandé que ces dernières pathologies soient reconnues comme une maladie professionnelle et a sollicité le bénéfice du congé pour invalidité temporaire imputable au service défini au I de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. Le 9 janvier 2019, la commission départementale de réforme a rendu un avis défavorable. Et le 26 février 2019, le président de la région Bourgogne-Franche-Comté a décidé de rejeter la demande d'imputabilité. La région relève appel du jugement du 6 août 2020 en tant que, par ce jugement, le tribunal administratif de Besançon a annulé la décision du 26 février 2019.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " I. Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contractée en service définis aux II, III et IV du présent article. Ces définitions ne sont pas applicables au régime de réparation de l'incapacité permanente du fonctionnaire. Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. La durée du congé est assimilée à une période de service effectif. L'autorité administrative peut, à tout moment, vérifier si l'état de santé du fonctionnaire nécessite son maintien en congé pour invalidité temporaire imputable au service. / (...) IV.- Est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ce tableau. / Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée par un tableau peut être reconnue imputable au service lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est directement causée par l'exercice des fonctions. / Peut également être reconnue imputable au service une maladie non désignée dans les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est essentiellement et directement causée par l'exercice des fonctions et qu'elle entraîne une incapacité permanente à un taux déterminé et évalué dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions qu'une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.
4. Par ailleurs, les tableaux de maladies professionnelles visées aux articles L. 461-1 du code de la sécurité sociale ne mentionnent pas la pathologie dont souffre M. B... qui ne peut, dès lors, être présumée imputable au service. Il appartient donc à l'agent de démontrer que l'affection est essentiellement et directement causée par l'exercice de ses fonctions.
5. Tout d'abord, il ressort des pièces du dossier que le 24 avril 2018, un médecin radiologue a réalisé un scanner cervical de M. B... à l'issue duquel il a diagnostiqué une cervicarthrose étagée débutante prédominant en C3-C4 et une sténose foraminale gauche. Préalablement à ce scanner, un examen scanographique cervical et lombaire réalisé le 24 juin 2015 par un autre médecin précisait, concernant les résultats à l'étage cervical : " respect de la hauteur des corps vertébraux et des espaces inter-somatiques, absence de canal cervical étroit constitutionnel, effacement de lordose physiologique, pas d'ostéophytose marginale et uncarthrose notable, pas de hernie discale, pas de rétrécissement foraminal ". A cet égard, un courrier d'un rhumatologue du 5 décembre 2019 et un certificat médical du 7 janvier 2020 précisent que l'examen réalisé en 2015 n'avait pas révélé d'anomalie particulière à l'étage cervical. Si la requérante soutient que M. B... souffrait de cervicalgies avant l'année 2018, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces douleurs étaient liées à la cervicarthrose diagnostiquée en 2018. Par ailleurs, il ne ressort d'aucun élément du dossier que l'intéressé, avant sa reprise, en novembre 2017, avait déjà développé, au cours de son congé de longue maladie, les pathologies diagnostiquées en avril 2018 ou que celles-ci auraient pour origine une faute personnelle ou seraient la conséquence d'une circonstance particulière la détachant du service.
6. Ensuite, une étude du poste de travail occupé par M. B... au lycée Quelet de Valdoie a été réalisée à la demande de la région, au cours du mois de septembre 2018, par une équipe pluridisciplinaire associant le médecin de prévention, le chargé de mission du service d'appui au maintien dans l'emploi des travailleurs handicapés, la responsable prévention, la chargée de protection statutaire à la direction des ressources humaines et la secrétaire générale du lycée. Il ressort de cette étude qu'en dépit des conclusions du médecin de prévention qui, lors de la visite médicale du 16 octobre 2017, avait prescrit une reprise du travail de l'intéressé à mi-temps thérapeutique sans geste répétitif des membres supérieurs, prescription renouvelée le 22 mai 2018, il a été demandé à M. B... de nettoyer tous les jours les sols, tableaux et tables de sept salles de classe, à la serpillère, puis de s'occuper de nettoyer l'espace extérieur du lycée en ramassant papiers et mégots au moyen d'un balai, sans pelle ni pince, conformément à la fiche de poste, référencée BFC 1735, relative au poste d'agent d'entretien au lycée Quelet à Valdoie. Cette fiche indique notamment que des gestes répétitifs et des contraintes posturales sont attachés à ce poste lorsqu'il n'est pas aménagé. Par ailleurs, le rapport du médecin rhumatologue réalisé pour le comité médical du 5 septembre 2018 précise que le poste occupé par M. B... est difficilement compatible avec les restrictions préconisées par le médecin de prévention. A la suite de la réalisation de l'étude du poste de travail, la présidente de la région Bourgogne-Franche-Comté a adressé au conseil de M. B... un courrier le 23 octobre 2018 indiquant que le poste de travail de l'agent est inadapté.
7. En conséquence, M B... doit être regardé comme apportant la preuve que sa maladie est essentiellement et directement causée par l'exercice de ses fonctions.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la région Bourgogne-Franche-Comté n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a fait droit aux conclusions aux fins d'annulation de la décision du 26 février 2019 et d'injonction présentées par M. B....
Sur les frais d'instance :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que la région Bourgogne-Franche-Comté demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la région une somme de 1 500 euros sur le fondement des mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la région Bourgogne-Franche-Comté est rejetée.
Article 2 : La région Bourgogne-Franche-Comté versera à M. B... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la région Bourgogne-Franche-Comté.
Délibéré après l'audience du 15 octobre, à laquelle siégeaient :
- M. Durup de Baleine, président de chambre,
- M. Barlerin, premier conseiller,
- Mme Peton, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 novembre 2024.
La rapporteure,
Signé : N. PetonLe président,
Signé : A. Durup de Baleine
Le greffier,
Signé : A. Betti
La République mande et ordonne au préfet de la région Bourgogne-Franche-Comté en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
A. Betti
N° 20NC02882 2