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05/11/2024 | FRANCE | N°23NC02515

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 4ème chambre, 05 novembre 2024, 23NC02515


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 24 octobre 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2300025 du 25 avril 2023, le tribunal administratif de Nancy a rejeté cette demande.





Procédure devant la cou

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Par une requête, enregistrée le 31 juillet 2023, M. B..., représenté par Me Levi-Cyferman de la SCP Levi-...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 24 octobre 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2300025 du 25 avril 2023, le tribunal administratif de Nancy a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 31 juillet 2023, M. B..., représenté par Me Levi-Cyferman de la SCP Levi-Cyferman et Levi-Cyferman, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 25 avril 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 24 octobre 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour assorti d'une autorisation de travail et subsidiairement de réexaminer sa situation et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

sur la régularité du jugement :

- le tribunal n'a pas tenu compte des arguments invoqués pour démontrer l'insuffisante motivation de l'arrêté et a insuffisamment motivé son jugement ;

- le tribunal n'a pas suffisamment motivé son jugement sur les raisons pour lesquelles il a estimé qu'il ne justifiait de sa présence continue en France que depuis 2015 malgré les éléments qu'il avait produits ;

- c'est à tort que le tribunal a estimé qu'il ne justifiait pas de ses liens personnels en France pour écarter les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 6 de l'accord franco-algérien, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur d'appréciation commise par le préfet dans l'exercice de son pouvoir de régularisation ; si l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne s'applique pas aux ressortissants algériens et s'il ne remplit pas les conditions pour obtenir un titre de séjour salarié, au regard de son activité de coiffeur et des liens qu'il a tissés en France, le préfet pouvait le régulariser ;

sur l'arrêté contesté :

- il est entaché d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- il n'a pas pu présenter ses observations en méconnaissance de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- la compétence du signataire de l'arrêté n'est pas établie ;

- le préfet s'est estimé en situation de compétence liée en s'abstenant d'examiner s'il y avait lieu de prolonger le délai de départ volontaire en violation de l'article 7 de la directive n°2008/115/CE et de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision méconnaît l'article 41 de la charte des droits fondamentaux ;

- elle méconnait l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les paragraphes 1 et 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

- l'obligation de quitter le territoire français doit être annulée en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 novembre 2023, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 30 juin 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Barteaux a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant algérien, est entré en France en 2010, sous couvert d'un visa délivré par les autorités espagnoles valable du 14 au 29 octobre 2010. Le 23 juin 2022, l'intéressé a sollicité un titre de séjour. Par un arrêté du 24 octobre 2022, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 25 avril 2023, dont M. B... fait appel, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ne ressort ni des motifs du jugement attaqué, ni des pièces du dossier que le tribunal administratif n'aurait pas tenu compte des arguments invoqués par M. B... pour établir l'insuffisante motivation de l'arrêté contesté. La critique de l'appréciation que le tribunal administratif de Nancy a porté sur le caractère suffisant de la motivation de l'arrêté contesté relève du bien-fondé du jugement et est, donc, sans incidence sur sa régularité.

3. Les premiers juges, qui ne sont pas tenus de répondre à tous les arguments, ni de mentionner l'ensemble des pièces produites par le requérant, ont écarté par une motivation suffisante le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 1° de l'article 6 de l'accord franco-algérien prévoyant la délivrance de plein droit d'un certificat de résidence à l'étranger qui justifie résider depuis plus de dix ans en France.

4. Si le requérant critique l'appréciation portée sur les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 6 de l'accord franco-algérien, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur d'appréciation commise par le préfet dans l'exercice de son pouvoir de régularisation, un tel moyen, qui relève du bien-fondé du jugement, est sans incidence sur sa régularité.

Sur le bien-fondé du jugement :

5. En premier lieu, le requérant reprend les moyens tirés de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté, de l'insuffisance de motivation de l'arrêté, du défaut d'examen particulier, de la méconnaissance de la procédure contradictoire prévue à l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration et de la méconnaissance de son droit à être entendu garanti par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à juste titre par le tribunal administratif de Nancy aux points 2 à 7, 14 et 15 qui n'appellent aucune précision.

6. En deuxième lieu, la méconnaissance des articles L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut être utilement invoquée à l'encontre de l'arrêté en litige qui n'est pas applicable à la demande présentée par un ressortissant algérien dont la situation est régie par des stipulations équivalentes de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / 1) au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans (...) ".

8. M. B... soutient qu'il réside en France de manière continue depuis 2010. Toutefois, s'il a versé au dossier un billet de transport de Barcelone à Lyon pour 2010, une attestation de domiciliation établie en juin 2011, qui ne permet d'établir au mieux qu'une adresse postale, et une carte d'admission à l'aide médicale d'Etat pour 2011, ces éléments ne suffisent pas à justifier une présence continue depuis 2010. La production d'un avis d'imposition, d'une carte d'admission à l'aide médicale d'Etat, d'attestations de domiciliation pour l'année 2012 ainsi qu'une lettre de la caisse primaire d'assurance maladie pour l'année suivante ne suffisent pas davantage à établir sa présence habituelle sur le territoire français au cours de ces années, même si son passeport ne comporte aucun visa de sortie ou d'entrée. Il en est de même pour l'année 2014 pour laquelle, en dehors d'une déclaration de revenus, il ne produit qu'un compte rendu d'examen et une prescription médicale établis au cours du dernier trimestre de l'année. L'intéressé, par les pièces versées au dossier, démontre au mieux une présence continue depuis 2015. Par suite, en refusant de lui délivrer un certificat de résidence au motif qu'il ne justifiait pas d'une présence continue de plus de dix ans, le préfet de Meurthe-et-Moselle n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus. (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

10. M. B..., célibataire, âgé de trente-huit ans à la date de la décision en litige, n'établit pas une présence continue sur le territoire français depuis dix ans ainsi qu'il a été exposé précédemment. En outre, l'ancienneté de sa présence en France est la conséquence de l'inexécution de précédentes mesures d'éloignement qu'il n'a pas exécutées. S'il se prévaut de ses efforts d'intégration professionnelle, il ressort des pièces du dossier qu'il a créé illégalement, en 2016, un salon de coiffure en usant de faux papiers d'identité. Par ailleurs, si l'intéressé a produit de nombreuses attestations pour établir son insertion sociale, dont certaines justifient de l'existence de liens amicaux, il n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Algérie où résident encore ses parents, frères et sœurs avec lesquels il a toujours des contacts. S'il justifie d'une promesse d'embauche en qualité de coiffeur, établie quelque mois avant la décision contestée, celle-ci ne suffit pas à justifier d'une insertion professionnelle ancienne. Dans ces conditions, le préfet de Meurthe-et-Moselle n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a pris la décision attaquée et n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations du 5° de l'articles 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, ni celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le refus de certificat de résidence opposé à M. B... n'est pas entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.

11. En cinquième lieu, il ressort des motifs mêmes de l'arrêté contesté qu'après avoir examiné l'ensemble des éléments relatifs à la situation de M. B..., le préfet de Meurthe-et-Moselle a mentionné que l'intéressé ne répondait à aucune considération humanitaire, ni à des motifs exceptionnels justifiant son admission au séjour. Ainsi, et dès lors que les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne s'appliquent pas aux ressortissants algériens dont la situation est entièrement régie par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, le préfet a néanmoins, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, apprécié, l'opportunité d'une mesure de régularisation. Si M. B... se prévaut de son activité de coiffeur et des liens qu'il a tissés sur le territoire français, ces circonstances ne sauraient toutefois faire regarder le préfet comme ayant commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant son admission exceptionnelle au séjour au titre de son pouvoir de régularisation alors que cette activité a été illégalement exercée et qu'il n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine.

12. Il résulte de ce qui précède que le moyen soulevé à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français et tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour, ne peut qu'être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Il s'ensuit que ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie de l'arrêt sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.

Délibéré après l'audience du 8 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente,

- M. Barteaux, président assesseur,

- M. Lusset, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 novembre 2024.

Le rapporteur,

Signé : S. Barteaux

La présidente,

Signé : V. Ghisu-DeparisLa greffière,

Signé : F. Dupuy

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

F. Dupuy

N° 23NC02515 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC02515
Date de la décision : 05/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: M. Stéphane BARTEAUX
Rapporteur public ?: M. DENIZOT
Avocat(s) : ANNIE LEVI-CYFERMAN - LAURENT CYFERMAN

Origine de la décision
Date de l'import : 10/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-05;23nc02515 ?
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