Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 8 juin 2018 par laquelle le directeur du centre de détention d'Ecrouves a ordonné son placement en régime contrôlé de détention.
Par un jugement n° 1901726 du 16 août 2021, le tribunal administratif de Nancy a annulé cette décision du 8 juin 2018 et mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser au conseil de M. D....
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 18 octobre 2021, le garde des sceaux, ministre de la justice, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 16 août 2021 ;
2°) de rejeter la demande de première instance de M. D....
Il soutient que :
- le tribunal a estimé à tort que les faits reprochés à M. D... n'étaient pas établis ;
- les autres moyens de la demande ne sont pas fondés.
La procédure a été communiquée à M. D... qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de procédure pénale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Barteaux, président,
- et les conclusions de M. Denizot, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Le garde des sceaux, ministre de la justice fait appel du jugement du 16 août 2021 par lequel le tribunal administratif de Nancy a annulé la décision du 8 juin 2018 par laquelle le directeur du centre de détention d'Ecrouves a placé M. D... en régime contrôlé de détention.
Sur le bien-fondé du moyen d'annulation retenu par le tribunal :
2. Pour annuler la décision du 8 juin 2018 plaçant M. D... en régime contrôlé de détention, le tribunal administratif de Nancy a estimé que les menaces et insultes, qu'il aurait proférées envers un surveillant pénitentiaire, n'étaient pas établies. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, en particulier du compte rendu d'incident, produit en appel par l'administration, que le 4 juin 2018, l'intéressé a effectivement commis ces faits envers un surveillant qui lui avait refusé l'accès à un autre niveau de la maison d'arrêt. Les seules dénégations de l'intéressé ne suffisent pas à remettre en cause ce compte rendu, établi par un surveillant pénitentiaire assermenté, dont le contenu fait foi jusqu'à la preuve contraire. Par suite, le garde des sceaux, ministre de la justice est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour ce motif, le tribunal administratif a annulé la décision en litige.
3. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D... devant le tribunal administratif.
Sur les autres moyens de première instance :
4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la décision contestée n'a pas été signée, contrairement à ce que fait valoir M. D..., par le lieutenant C..., qui s'est borné à la lui notifier, mais par le chef de détention, M. B.... L'administration a établi que, par un arrêté du 17 octobre 2017, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de Meurthe-et-Moselle n° 64 du 20 octobre suivant, l'intéressé a reçu une délégation du directeur du centre de détention d'Ecrouves à l'effet de signer les décisions relatives aux modalités de prise en charge individualisée des personnes détenues telles que celles en litige. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision en litige manque en fait et doit être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1.4.2 du règlement intérieur du centre de détention d'Écrouves : " Peuvent être affectées au régime contrôle de détention les personnes détenues qui, de par leur attitude et leur comportement (incivilité, indiscipline, manifestation d'agressivité, manque d'assiduité à une activité professionnelle etc), ne répondent plus momentanément, aux critères requis pour évoluer dans une détention basée sur un régime de confiance ".
6. Il est établi, ainsi qu'il a été exposé précédemment, par le compte rendu du 4 juin 2018, que M. D... a manifesté un comportement agressif à l'égard d'un surveillant pénitentiaire. Par suite, en plaçant pour ce motif, l'intéressé sous le régime contrôlé de détention, le directeur du centre de détention d'Ecrouves n'a pas méconnu les dispositions précitées du règlement intérieur.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 57-6-19 du code de procédure pénale, dans sa rédaction applicable au litige : " Le règlement intérieur de l'établissement, de même que ses éventuelles modifications, est transmis pour approbation au directeur interrégional. Il est adressé pour information au juge de l'application des peines, au président du tribunal de grande instance et au procureur de la République ". Aux termes de l'article D. 255 du code de procédure pénale, alors applicable : " Dans chaque établissement pénitentiaire un règlement intérieur détermine le contenu du régime propre à l'établissement. / Le règlement intérieur est établi par le chef d'établissement, en liaison notamment avec le service pénitentiaire d'insertion et de probation pour les domaines relevant de la compétence de ce service. Le règlement intérieur ainsi que toute modification apportée à ce document sont transmis pour approbation au directeur régional, après avoir été soumis pour avis au juge de l'application des peines. / Le règlement intérieur, ainsi que les modifications qui lui sont apportées, sont communiqués à la commission de surveillance ".
8. Si, dans le cadre de la contestation d'un acte réglementaire par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure prise pour son application ou dont il constitue la base légale, la légalité des règles fixées par cet acte réglementaire, la compétence de son auteur et l'existence d'un détournement de pouvoir peuvent être utilement critiquées, il n'en va pas de même des conditions d'édiction de cet acte, les vices de forme et de procédure dont il serait entaché ne pouvant être utilement invoqués que dans le cadre du recours pour excès de pouvoir dirigé contre l'acte réglementaire lui-même et introduit avant l'expiration du délai de recours contentieux.
9. M. D... fait valoir que la décision litigieuse est illégale pour avoir été prise sur le fondement d'un règlement intérieur lui-même illégal dès lors que cet acte n'a pas été soumis pour avis au juge d'application des peines, ni communiqué au directeur interrégional des services pénitentiaires et à la commission de surveillance.
10. Toutefois, d'une part, il ressort des pièces du dossier que le règlement intérieur du centre de détention d'Ecrouves a été transmis au directeur interrégional des services pénitentiaires qui l'a approuvé, en y apposant sa signature, le 6 août 2012. Dès lors, et en tout état de cause, cette branche du moyen manque en fait.
11. D'autre part, s'il n'est pas justifié que ce même règlement a été transmis pour avis au juge d'application des peines et à la commission de surveillance, comme l'exige l'article D. 255 du code de procédure pénale, alors en vigueur, il résulte de ce qui a été exposé au point 8 que ce vice de procédure ne peut être utilement invoqué que dans le cadre d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre l'acte réglementaire lui-même. Par suite, cette seconde branche du moyen est inopérante.
12. Par suite, le moyen tiré de l'exception d'illégalité du règlement intérieur du centre de détention d'Ecrouves doit être écarté.
13. En dernier lieu, il a été exposé au point 2 que, le 4 juin 2018, M. D... a adopté un comportement inadapté à l'égard d'un surveillant pénitentiaire qu'il a menacé verbalement et insulté. Une telle attitude révèle que l'intéressé ne répondait plus, momentanément, aux critères requis pour évoluer sous un régime de détention basé sur la confiance. Dans ces conditions, le directeur du centre de détention d'Ecrouves n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en se fondant sur ce comportement pour décider de placer M. D... sous le régime contrôlé de détention.
14. Il résulte de tout ce qui précède que le garde des sceaux, ministre de la justice est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a annulé la décision du 8 juin 2018. Il s'ensuit que la demande de première instance de M. D... doit être rejetée.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n°1901726 du tribunal administratif de Nancy du 16 août 2021 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Nancy est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au garde des sceaux, ministre de la justice.
Délibéré après l'audience du 8 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Ghisu-Deparis, présidente,
- M. Barteaux, président assesseur,
- Mme Roussaux, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 novembre 2024.
Le rapporteur,
Signé : S. Barteaux
La présidente,
Signé : V. Ghisu-DeparisLa greffière,
Signé : F. Dupuy
La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
F. Dupuy
N° 21NC02739 2