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05/11/2024 | FRANCE | N°21NC01159

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 4ème chambre, 05 novembre 2024, 21NC01159


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société F2M a demandé au tribunal administratif de Besançon, d'une part, d'annuler la décision par laquelle le maire de Besançon a implicitement rejeté sa demande du 17 janvier 2018 tendant à la mise en œuvre de ses pouvoirs de police à l'encontre du bar " La Fontaine " et, d'autre part, d'enjoindre au maire de Besançon de prendre toute mesure nécessaire aux fins de faire cesser l'atteinte à la tranquillité publique.



Par un jugement n° 1900222

du 25 février 2021, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.





Procédure ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société F2M a demandé au tribunal administratif de Besançon, d'une part, d'annuler la décision par laquelle le maire de Besançon a implicitement rejeté sa demande du 17 janvier 2018 tendant à la mise en œuvre de ses pouvoirs de police à l'encontre du bar " La Fontaine " et, d'autre part, d'enjoindre au maire de Besançon de prendre toute mesure nécessaire aux fins de faire cesser l'atteinte à la tranquillité publique.

Par un jugement n° 1900222 du 25 février 2021, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 22 avril 2021, 25, 26 et 29 janvier 2024, la société F2M, représentée par Me Landbeck, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1900222 du 25 février 2021 du tribunal administratif de Besançon ;

2°) d'annuler la décision par laquelle le maire de Besançon a implicitement rejeté sa demande du 17 janvier 2018 tendant à la mise en œuvre de ses pouvoirs de police à l'encontre du bar " La Fontaine " ;

3°) d'enjoindre au maire de Besançon de prendre toute mesure nécessaire aux fins de faire cesser l'atteinte à la tranquillité publique ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Besançon une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont limité leur office à la seule question des nuisances sonores ; son courrier du 17 janvier 2018 demandait au maire de procéder également à un rappel à la loi tant au niveau des horaires que des modalités d'application de l'ouverture de ce bar ;

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré qu'il appartenait au requérant de prouver la réalité des nuisances liées à l'exploitation du bar " La Fontaine " et ont rejeté sa demande au motif de l'absence de relevé acoustique ou de tout autre élément de mesure sonore alors qu'il appartenait à l'autorité municipale de constater les nuisances sans qu'il soit besoin de procéder à des mesures acoustiques ;

- les premiers juges ont commis une erreur de droit en retenant que le maire aurait pris des mesures appropriées au motif qu'il aurait radié l'établissement " La Fontaine " de la charte de la vie nocturne alors que cette radiation est postérieure à la décision de refus implicite litigieuse et que cette radiation ne fait, au contraire, que révéler l'existence de nuisances et la carence du maire ;

- en ne prenant aucune mesure à l'encontre du bar " La Fontaine " qui troublait, par ses nuisances sonores, la tranquillité publique et ne respectait pas la réglementation applicable au bruit, le maire de Besançon a méconnu ses pouvoirs de police qu'il détient des articles L. 2212-1 et L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales et de l'article R. 1334-31 du code de la santé publique :

. d'une part, elle apporte la preuve de la réalité des nuisances subies ;

. d'autre part, la carence du maire est établie car il n'est pas intervenu alors qu'il y avait, au-delà des nuisances sonores, également des attroupements.

Par des mémoires en défense enregistrés les 24 janvier 2022, 22 février 2024 et 22 mars 2024, la commune de Besançon, représentée par la Selarl Parme Avocats conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la société F2M à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- le jugement du tribunal administratif de Besançon n'est pas entaché d'irrégularité ; la requérante ne saurait sérieusement reprocher au tribunal de s'être limité à l'examen des nuisances sonores dès lors que sa demande de première instance tendait à ce qu'il soit enjoint à la commune de prendre toute mesure nécessaire pour mettre fin aux nuisances sonores ;

- la requérante échoue à caractériser tant l'existence d'un trouble grave à l'ordre public que l'inefficacité des mesures prises, conformément aux deux conditions dégagées par le Conseil d'Etat en matière de protection de la tranquillité publique dans sa décision n° 80775 du 8 juillet 1992 ;

- elle n'apporte aucun élément attestant de l'inaction fautive du maire alors que ses services ont assuré une surveillance constante du bar " La Fontaine " afin de répondre aux signalements des riverains et de remédier aux infractions constatées ; dès le 8 novembre 2017, ses services ont reçu le gérant du bar et ont poursuivi la surveillance de l'établissement ;

- le bar " La Fontaine " a été radié de la charte de la vie nocturne à la suite du comité technique de suivi de la charte de la vie nocturne du 15 mars 2019.

Un mémoire de production de pièces a été produit par la requérante le 26 septembre 2024 mais n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Roussaux , première conseillère,

- les conclusions de M. Denizot, rapporteur public,

- et les observations de M. A..., gérant de l'hôtel " Vauban " exploité par la société F2M.

Une note en délibéré de la société F2M a été enregistrée le 14 octobre 2024 et n'a pas été communiquée.

Considérant ce qui suit :

1. Le 17 janvier 2018, la société F2M, qui exploite l'hôtel " Vauban " à Besançon, a demandé au maire de Besançon de mettre en œuvre ses pouvoirs de police à l'encontre du bar " La Fontaine ", situé en face de l'hôtel, afin d'assurer la tranquillité publique. Cette demande a été implicitement rejetée par le maire de Besançon. La société F2M a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler cette décision implicite de rejet et d'enjoindre au maire de Besançon de prendre toute mesure nécessaire aux fins de faire cesser l'atteinte à la tranquillité publique. La société F2M relève appel du jugement n° 1900222 du 25 février 2021 du tribunal administratif de Besançon qui a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement litigieux attaqué :

2. En premier lieu, il ressort de la demande de première instance que la requérante a fait valoir la méconnaissance de l'article R. 1334-31 du code de la santé publique, des stipulations de la charte de la vie nocturne, des articles L. 2212-1 et L. 2212-2 (2°) du code général des collectivités territoriales, des arrêtés du préfet du Doubs des 19 avril 2005 et 21 octobre 2016 et de l'arrêté municipal du 6 août 2013 relatif aux bruits et comportements de nature à troubler la tranquillité publique pour en conclure, en des termes très généraux, que le maire n'a pas pris les mesures nécessaires pour limiter ces nuisances sonores. Par suite, et alors que les premiers juges ne sont jamais tenus de répondre à tous les arguments au soutien d'un moyen, ces derniers, qui ont par ailleurs fait mention dans le jugement litigieux des droits de terrasse et d'un risque pour la sécurité publique en raison de la proximité de la ligne de tramway, n'ont pas omis de répondre au moyen soulevé devant lui par la requérante et tiré de la réalité des troubles à la tranquillité publique.

3. En deuxième lieu, hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. La société F2M ne peut donc utilement se prévaloir d'une erreur de droit qu'auraient commis les premiers juges pour demander l'annulation du jugement attaqué.

Sur le bien-fondé du jugement litigieux :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales : " Le maire est chargé, sous le contrôle administratif du représentant de l'Etat dans le département, de la police municipale, de la police rurale et de l'exécution des actes de l'Etat qui y sont relatifs ". Aux termes des dispositions de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : (...) 2° Le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique telles que les rixes et disputes accompagnées d'ameutement dans les rues, le tumulte excité dans les lieux d'assemblée publique, les attroupements, les bruits, y compris les bruits de voisinage, les rassemblements nocturnes qui troublent le repos des habitants et tous actes de nature à compromettre la tranquillité publique (...) ". Aux termes de l'article R. 1336-5 du code de la santé publique, qui s'est substitué à l'article R. 1334-31 cité par la requérante :" Aucun bruit particulier ne doit, par sa durée, sa répétition ou son intensité, porter atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l'homme, dans un lieu public ou privé, qu'une personne en soit elle-même à l'origine ou que ce soit par l'intermédiaire d'une personne, d'une chose dont elle a la garde ou d'un animal placé sous sa responsabilité ".

5. Il appartient au maire, en vertu des dispositions citées ci-dessus du code général des collectivités territoriales et du code de la santé publique, de prendre les mesures appropriées pour empêcher ou faire cesser, sur le territoire de sa commune, les bruits excessifs de nature à troubler le repos des habitants.

6. La légalité d'une décision administrative s'apprécie à la date à laquelle elle a été prise.

7. Il ressort des pièces du dossier que pour la période antérieure au 18 mars 2018, date de naissance de la décision implicite de rejet à la suite de la demande formulée par la requérante le 17 janvier 2018 auprès de la commune de Besançon, le maire a, par un courrier du 28 novembre 2017 adressé à la gérante du bar " La Fontaine ", demandé à ce que soit respectée la règlementation relative à l'emprise de sa terrasse, alerté la gérante sur les plaintes de riverains concernant les nuisances sonores de sa clientèle ainsi que sur les problèmes de sécurité ayant été portés à sa connaissance. Le maire concluait que de telles circonstances nécessitaient que la gérante prenne des mesures appropriées pour ne pas " nuire à son environnement proche ", qu'il lui appartenait de tout mettre en œuvre pour faire cesser les troubles. Enfin, le maire lui a rappelé qu'elle encourait le risque de radiation de son établissement à la charte de la vie nocturne en cas de non-respect de la réglementation en vigueur et de ses engagements. Il résulte de ce qui précède qu'alerté, concomitamment à la réclamation de la requérante, par les nuisances du bar " La Fontaine " le maire de la commune de Besançon est intervenu en adressant à sa gérante un courrier. Il ne ressort pas des pièces du dossier que cette mesure n'était pas appropriée aux troubles constatés. Par ailleurs, au titre de la période du 29 novembre 2017 au 18 mars 2018, seuls 5 appels ont été émis en direction du 17 par le gérant de l'hôtel et deux d'entre eux seulement ont entrainé le passage d'une patrouille de police. Au regard du peu d'incidents démontrés entre la demande de la requérante et la date de la décision implicite de rejet, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en refusant de prendre une mesure de police pendant cette période, l'autorité municipale se serait abstenue illégalement de prendre une mesure de police appropriée. Dans ces conditions, en l'état des pièces du dossier, la requérante ne démontre pas, à la date de la décision contestée, une carence du maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police visant à faire cesser les troubles à l'ordre public.

8. Il résulte de ce qui précède que la société F2M n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'injonction doivent, par voie de conséquence, être également rejetées.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Besançon, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la société F2M, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société F2M la somme demandée par la commune de Besançon, au même titre.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société F2M est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Besançon présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société F2M et à la commune de Besançon.

Copie en sera adressé au préfet du Doubs.

Délibéré après l'audience du 8 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente,

- M. Barteaux, président assesseur,

- Mme Roussaux, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 novembre 2024.

La rapporteure,

Signé : S. Roussaux La présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : F. Dupuy

La République mande et ordonne au préfet du Doubs en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

F. Dupuy

2

N° 21NC01159


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC01159
Date de la décision : 05/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: M. DENIZOT
Avocat(s) : SELARL PARME

Origine de la décision
Date de l'import : 10/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-05;21nc01159 ?
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