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31/10/2024 | FRANCE | N°24NC00251

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 1ère chambre, 31 octobre 2024, 24NC00251


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 12 juin 2023 par lequel la préfète du Bas-Rhin a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.



Par un jugement n° 2304783 du 6 novembre 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.



Procédure devan

t la cour :



Par une requête enregistrée le 1er février 2024, M. A... B..., représenté par Me Mehl, deman...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 12 juin 2023 par lequel la préfète du Bas-Rhin a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2304783 du 6 novembre 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 1er février 2024, M. A... B..., représenté par Me Mehl, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 6 novembre 2023 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 12 juin 2023 pris à son encontre par la préfète du Bas-Rhin ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer une carte de séjour, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

S'agissant de la décision de refus de titre de séjour :

- elle a été prise au terme d'une procédure irrégulière au regard du délai d'instruction de son dossier ;

- eu égard au délai d'instruction de sa demande de titre de séjour, le préfet ne saurait être regardé comme ayant procédé à un examen réel et complet de sa situation ;

- cette décision est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que depuis sa majorité, il a davantage résidé en France que dans son pays d'origine ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de l'accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail ;

- la préfète du Bas-Rhin a commis une erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour, privant de base légale cette mesure d'éloignement ;

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été communiquée à la préfète du Bas-Rhin le 18 juin 2024, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

M. A... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 février 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail ;

- le protocole relatif à la gestion concertée des migrations entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République tunisienne signé à Tunis le 28 avril 2008 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Michel, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant tunisien né en 1996, est entré en France le 1er janvier 2017 selon ses déclarations. Il a présenté, le 26 novembre 2021, une demande de titre de séjour salarié. Par un arrêté du 12 juin 2023, la préfète du Bas-Rhin a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays destination. M. A... B... relève appel du jugement du 6 novembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la décision de refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, la circonstance que la préfète du Bas-Rhin a statué de manière expresse sur la demande de titre de séjour de M. A... B... plus de quatre mois après le dépôt de sa demande de titre de séjour, au terme duquel une décision implicite de rejet est née, est sans incidence sur la légalité de la décision contestée.

3. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier qu'au cours de l'instruction de sa demande de titre de séjour, M. A... B..., qui a communiqué ses fiches de paies au titre de l'année 2022 en réponse à une demande des services de la préfecture du 29 avril 2022, a également transmis à la préfecture, de sa propre initiative, les pièces qu'il estimait être utile pour l'instruction de sa demande en particulier par courrier du 19 avril 2023. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision de refus de séjour en litige du 12 juin 2023 a été prise au terme d'une instruction de nature à révéler un défaut d'examen de sa situation.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 : " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent Accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an et renouvelable et portant la mention ''salarié'' (...) ". Le protocole relatif à la gestion concertée des migrations entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne, signé le 28 avril 2008 stipule, à son point 2.3.3, que " le titre de séjour portant la mention ''salarié'', prévu par le premier alinéa de l'article 3 de l'accord du 17 mars 1988 modifié est délivré à un ressortissant tunisien en vue de l'exercice, sur l'ensemble du territoire français, de l'un des métiers énumérés sur la liste figurant à l'Annexe I du présent protocole, sur présentation d'un contrat de travail visé par l'autorité française compétente sans que soit prise en compte la situation de l'emploi ". Aux termes de l'article L. 5221-5 du code du travail : " Un étranger autorisé à séjourner en France ne peut exercer une activité professionnelle salariée en France sans avoir obtenu au préalable l'autorisation de travail mentionnée au 2° de l'article L. 5221-2 (...) ". Et selon l'article R. 5221-11 du même code : " La demande d'autorisation de travail (...) est faite par l'employeur (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de sa demande de titre de séjour présentée sur le fondement des stipulations précitées de l'article 3 de l'accord franco-tunisien, M. A... B... n'a produit aucune demande d'autorisation de travail ou de formulaire pouvant en tenir lieu de la part de son employeur. Par suite, et alors que la production d'un contrat de travail signé ne saurait, en elle-même, permettre de regarder l'administration comme se trouvant saisie d'une demande d'autorisation de travail de l'employeur, c'est sans commettre d'erreur de droit dans l'application des stipulations précitées que par la décision en litige le préfet a rejeté la demande de titre de séjour sans instruire une demande d'autorisation de travail.

6. En quatrième lieu, si l'accord franco-tunisien ne prévoit pas de modalités d'admission exceptionnelle au séjour telles que celles contenues à l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les ressortissants tunisiens ne peuvent donc se prévaloir, ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un titre de séjour à un ressortissant tunisien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.

7. M. A... B... se prévaut de sa durée de présence en France de six années à la date de la décision en litige, de l'exercice d'une activité salariée depuis 2019, d'abord au sein de la société Clima-Chauff en qualité d'aide installateur en génie climatique, puis, à compter du début de l'année 2023, au sein de la société Qualit'A en qualité de Monteur Climatisation Electricité ainsi que de formations qualifiantes. Toutefois, le requérant, célibataire et sans enfant à charge, n'établit pas avoir noué des liens privés d'une particulière intensité en France et ne justifie pas par les éléments dont il se prévaut d'une insertion dans la société française qui caractériseraient des motifs exceptionnels. Par suite, la préfète du Bas-Rhin n'a pas commis une erreur manifeste d'appréciation dans la mise en œuvre de son pouvoir de régularisation.

8. En cinquième lieu, au titre de l'examen de la vie privée et familiale de M. A... B... au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la préfète du Bas-Rhin n'a commis ni erreur de fait ni erreur manifeste d'appréciation en estimant que M. A... B..., né le 12 mars 1966 et entré en France le 1er janvier 2017, avait vécu à la date de la décision de refus de séjour en litige la majeure partie de sa vie dans son pays d'origine.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. Ainsi qu'il a été indiqué ci-dessus, M. A... B... n'établit pas l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour. Dès lors, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français est privée de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour doit être écarté.

Sur la décision fixant le pays de destination :

10. Pour les motifs indiqués au point 7 ci-dessus et alors, par ailleurs, que M. A... B... n'établit pas ni n'allègue qu'il ne pourrait pas reprendre une activité professionnelle en Tunisie, les moyens tirés d'une méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision en litige quant à sa situation personnelle doivent être écartés.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... B..., à Me Mehl et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 10 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Wallerich, président,

- Mme Guidi, présidente assesseure,

- M. Michel, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 31 octobre 2024.

Le rapporteur,

Signé : A. MichelLe président,

Signé : M. Wallerich

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

V. Firmery

2

N° 24NC00251


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24NC00251
Date de la décision : 31/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: M. Alexis MICHEL
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : MEHL

Origine de la décision
Date de l'import : 10/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-31;24nc00251 ?
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