Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme F... I... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 27 mars 2023 par lequel le Préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et l'a obligée à se présenter une fois par semaine auprès de la gendarmerie de Saint-Louis.
Par un jugement n° 2302893 du 13 juillet 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 27 mars 2023 et enjoint au préfet du Haut-Rhin de délivrer à Mme I... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête enregistrée le 11 août 2023 sous le n° 23NC02688, le Préfet du Haut-Rhin demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme I... devant le tribunal administratif de Strasbourg.
Il soutient que le tribunal a commis une erreur de fait en considérant que Mme I... est entrée régulièrement en France et qu'elle ne remplit pas les critères d'admission exceptionnelle au séjour.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 novembre 2023, Mme I..., représentée par Me Airiau, demande à la cour :
1°) de l'admettre provisoirement à l'aide juridictionnelle ;
2°) de rejeter la requête du Préfet du Haut-Rhin ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par le Préfet du Haut-Rhin ne sont pas fondés.
II. Par une requête, enregistrée le 11 août 2023 sous le n° 23NC02689, le Préfet du Haut-Rhin demande à la cour de prononcer, sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, le sursis à l'exécution du jugement n° 2302893 du tribunal administratif de Strasbourg du 13 juillet 2023.
Il soutient que le tribunal a commis une erreur de fait en considérant que Mme I... est entrée régulièrement en France et qu'elle ne remplit pas les critères d'admission exceptionnelle au séjour.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 novembre 2023, Mme I..., représentée par Me Airiau, demande à la cour :
1°) de l'admettre provisoirement à l'aide juridictionnelle ;
2°) de rejeter la requête du Préfet du Haut-Rhin ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par le Préfet du Haut-Rhin ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention d'application de l'accord de Schengen, signée le 19 juin 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Peton, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme I..., ressortissante marocaine née en 1974 et entrée en France en 2019, a sollicité son admission au séjour sur le fondement des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 27 mars 2023, le Préfet du Haut-Rhin a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite. Par un jugement du 13 juillet 2023 dont le Préfet du Haut-Rhin relève appel, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 27 mars 2023.
2. Les requêtes n°s 23NC02688 et 23NC02689, présentées par le Préfet du Haut-Rhin, sont dirigées contre un même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul jugement.
Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
3. Aux termes de l'article 20 de la loi susvisée du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence, sous réserve de l'appréciation des règles relatives aux commissions ou désignations d'office, l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président. L'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut également être accordée lorsque la procédure met en péril les conditions essentielles de vie de l'intéressé, notamment en cas d'exécution forcée emportant saisie de biens ou expulsion ". Aux termes de l'article 61 du décret du 28 décembre 2020 pris pour l'application de ces dispositions : " (...) L'admission provisoire est accordée par le président du bureau ou de la section ou le président de la juridiction saisie, soit sur une demande présentée sans forme par l'intéressé, soit d'office si celui-ci a présenté une demande d'aide juridictionnelle ou d'aide à l'intervention de l'avocat sur laquelle il n'a pas encore été statué ".
4. Il y a lieu d'admettre Mme I... au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire sur le fondement de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991.
Sur le motif d'annulation retenu par le jugement attaqué :
5. Aux termes de l'article 9 de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord ". L'article 3 du même accord stipule que : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " (...) ". Et aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1... ".
6. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui porte sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires qu'il mentionne, n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, au sens de l'article 9 de cet accord. Toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation à un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié.
7. L'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en ce qu'il permet l'admission exceptionnelle au séjour d'une ressortissante marocaine par la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", laisse à l'administration un large pouvoir pour apprécier si l'admission au séjour de cette ressortissante répond à des considérations humanitaires ou si elle se justifie au regard des motifs exceptionnels dont l'intéressée se prévaut.
8. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme I... est entrée sur le territoire espagnol le 22 juillet 2019, muni de son passeport marocain en cours de validité revêtu d'un visa de type C valable du 22 juillet au 5 août 2019 pour une durée de quinze jours qui lui avait été délivré le 27 juin 2019 par l'autorité consulaire allemande à Rabat. Elle était accompagnée de son fils A..., ressortissant marocain né en 2010, lui-même muni d'un passeport valide revêtu d'un visa identique. Toutefois, le passeport de Mme I... ne comporte aucun tampon d'entrée en France et il ne ressort pas des pièces du dossier, ni même n'est allégué, qu'au moment de cette entrée, en provenance directe de l'Espagne, Etat partie à la convention d'application de l'accord de Schengen, Mme I... aurait souscrit la déclaration obligatoire mentionnée à l'article 22 de cette convention et à l'article L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ensuite repris sur ce point depuis le 1er mai 2021 à l'article L. 621-3 de ce code, déclaration dont les modalités étaient alors fixées par les articles R. 211-32 et R. 211-32 du même, ensuite repris aux articles R. 621-2 et R. 621-3. La souscription de cette déclaration est une condition de la régularité de l'entrée en France de l'étranger soumis à l'obligation de visa et en provenance directe d'un Etat partie à cette convention qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire. Il en résulte que Mme I... ne justifie pas d'une entrée régulière sur le territoire français. En outre, la date de son entrée sur le territoire français n'est pas établie par les pièces du dossier.
9. En deuxième lieu, le séjour de Mme I... en France, remontant à l'été 2019, d'une durée d'environ trois ans et demi à la date de l'arrêté du 27 mars 2023, demeure récent, alors qu'elle est arrivée dans ce pays à l'âge de quarante-cinq ans, après avoir vécu de manière habituelle pendant quarante-cinq ans au Maroc. Elle s'est, en connaissance de cause, irrégulièrement maintenue sur le territoire français pendant plus de trois ans avant, au mois de décembre 2022, de demander la régularisation de sa situation de séjour et a détourné à des fins migratoires le visa de court séjour de type C qui lui avait été délivré par l'autorité consulaire allemande à Rabat en 2019. Elle ne justifie pas d'attaches familiales particulières importantes et anciennes en France avant son arrivée dans ce pays, alors que, divorcée de son ancien époux marocain, père de son fils B..., depuis un jugement de divorce marocain du 8 décembre 2020, elle est célibataire et que résident au Maroc ses trois frères ainsi que ses parents, chez lesquels elle a déclaré, lors de l'entretien en préfecture le 19 décembre 2022, être allé vivre avec son fils après avoir quitté le domicile conjugal en 2018. Ce jugement de divorce, homologué en 2021, fait mention d'une raison de discorde entre les époux et les certificats de médecins marocains du 4 septembre 2017 et du 20 février 2019 ne suffisent pas à établir les violences conjugales dont Mme I... allègue avoir fait l'objet. Si son fils A... est scolarisé en France, conformément à la loi et indépendamment de la situation de séjour de sa mère, il peut l'être au Maroc et il ressort du dossier qu'avant son arrivée en France avec sa mère, il était scolarisé au Maroc depuis le 1er juillet 2015 dans un établissement scolaire français à Kénitra. En dépit de la circonstance que Mme I... est titulaire d'un diplôme de technicien en électricité obtenu au Maroc en 1996, a suivi dans ce pays en 2018-2019 une formation d'éducatrice et y a occupé de janvier 2002 au 19 juillet 2019 un emploi dans une entreprise à Kénitra, elle ne justifie pas d'une insertion professionnelle particulière en France, où a elle seulement occupé pendant six mois, d'octobre 2022 à mars 2023, un emploi familial à temps partiel procurant de très modestes ressources, chez une personne née en 1939 l'hébergeant à Hunningue et présentée comme un ami de la famille, cet emploi familial étant sans rapport avec ce diplôme marocain et l'activité de conductrice de travaux dont Mme I... a déclaré qu'elle exerçait au Maroc. Mme I... ne justifie d'aucune circonstance qui la placerait dans l'impossibilité de poursuivre sa vie personnelle dans le pays dont elle est la ressortissante, où elle a vécu pendant quarante-cinq ans, occupé pendant plus de dix-sept an un emploi en rapport avec le diplôme obtenu dans ce pays en 1996, et où réside sa proche famille ainsi que le père de son fils, auquel le jugement de divorce, s'il confie la garde de l'enfant à la mère, sans faire mention d'une garde exclusive, réserve un droit de visite. Dès lors, compte tenu de la durée et des conditions de l'entrée et du séjour de Mme I... en France, quand bien même elle maîtrise la langue française et présente une promesse d'embauche en qualité d'électricienne, ce qui ne constitue pas un motif exceptionnel, il ne ressort pas du dossier que, dans l'exercice du large pouvoir d'appréciation qu'il tient de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Haut-Rhin aurait commis une erreur manifeste en estimant que l'admission exceptionnelle de Mme I... au séjour, par la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", ne répond pas à des considérations humanitaires et ne se justifie pas non plus par des motifs exceptionnels.
10. En troisième lieu, il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de Mme I..., le préfet du Haut-Rhin aurait, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant qu'il n'y avait pas lieu en opportunité de la faire bénéficier d'une mesure, de faveur, de régularisation par la délivrance d'une carte de séjour temporaire en qualité de salarié.
11. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Haut-Rhin est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler l'arrêté du 27 mars 2023 et lui enjoindre de délivrer à Mme I... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", le jugement attaqué a estimé qu'il avait commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de l'admettre au séjour dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire de régularisation.
12. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme I... devant le tribunal administratif de Strasbourg.
Sur les autres moyens de la demande de Mme I... :
13. En premier lieu, par un arrêté du 27 mars 2023 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le même jour, le préfet du Haut-Rhin a donné délégation à Mme G... E..., adjointe au chef du service de l'immigration et de l'intégration, en cas d'absence ou d'empêchement de M. K... J..., directeur de la réglementation et de M. C... D..., chef du service de l'immigration et de l'intégration, à l'effet de signer tous arrêtés et décisions relevant des attributions dévolues à ce service, à l'exception de certaines catégories d'actes au nombre desquelles ne figurent pas les décisions en litige. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. J... et M. D... n'auraient pas été absents ou empêchés à la date de signature de l'arrêté attaqué. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de Mme E..., signataire des décisions attaquées, doit être écarté.
14. En deuxième lieu, l'arrêté attaqué comporte l'énoncé, suffisamment précis et circonstancié, des considérations de droit et de fait constituant le fondement de la décision refusant l'admission au séjour de Mme I.... Il en résulte que le moyen tiré d'un défaut de motivation de cette décision doit être écarté.
15. En troisième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que le préfet du Haut-Rhin, méconnaissant l'étendue du pouvoir d'appréciation dont il est investi s'agissant d'apprécier s'il y a lieu de régulariser la situation de séjour d'une ressortissante marocaine ne justifiant pas d'une entrée régulière sur le territoire français puis s'y étant maintenue irrégulièrement, pendant plus de trois ans depuis la période déclarée de cette entrée, se serait abstenu d'examiner la situation particulière de Mme I... au regard de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions ne lui sont applicables qu'en tant qu'elles permettent l'admission exceptionnelle au séjour au titre de la vie privée et familiale. Il ressort en outre des termes mêmes de l'arrêté attaqué que le préfet a examiné s'il y avait lieu d'admettre l'intéressée au séjour au titre d'une activité salariée. Il suit de là que le moyen, qui n'a trait qu'au bien-fondé du refus d'admission au séjour, tiré de ce que le préfet n'aurait pas examiné la situation de Mme I... doit être écarté.
16. En quatrième lieu, le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne.
17. Toutefois, dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où la décision portant obligation de quitter le territoire français est prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, cette obligation découle nécessairement du refus de titre de séjour. Le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour.
18. Lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. A l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour.
19. Mme I..., qui n'ignorait pas séjourner irrégulièrement sur le territoire français, a demandé le 19 décembre 2022 la délivrance d'un titre de séjour en vue de régulariser sa situation de séjour. Elle a, à cette occasion, été conduite à préciser les motifs de cette demande, a bénéficié d'un entretien en préfecture du Haut-Rhin le 19 décembre 2022 et n'ignorait pas qu'en cas de refus, elle pourrait faire l'objet d'une mesure d'éloignement. Il en résulte que le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit être écarté.
20. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ". Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
21. Le séjour de Mme I... en France, remontant à l'été 2019, n'est pas ancien, alors qu'elle a préalablement vécu pendant quarante-cinq dans le pays dont elle est la ressortissante. Elle ne justifie pas de liens personnels, en particulier familiaux, particuliers, anciens, intenses et stables en France, alors qu'elle est célibataire, que ses parents et ses frères demeurent au Maroc et qu'il en va de même du père de son fils. Si elle a la charge de ce dernier, il en allait de même avant leur arrivée en France en 2019 et cet enfant, qui était déjà scolarisé depuis le 1er juillet 2015 dans un établissement scolaire français au Maroc, peut continuer sa scolarité dans ce pays, dont il a la nationalité, et peut accompagner sa mère au Maroc, de même qu'il l'avait accompagné en Espagne puis en France. En dépit du visa de court séjour avec lequel elle s'est rendue en Espagne puis en France, elle est demeurée dans ce dernier pays pendant plus de trois ans après l'échéance de la durée de validité de ce visa avant de solliciter la régularisation de sa situation de séjour. Par ailleurs, hébergée chez un tiers au bénéfice duquel elle exerce un emploi familial ne procurant que de très modestes ressources, elle ne justifie pas, compte tenu de la charge de son fils né en 2010, de ressources propres à permettre un séjour pérenne en France. Dès lors, compte tenu de la durée et des conditions de son séjour en France, Mme I... n'est pas fondée à soutenir qu'elle disposerait en France de liens personnels et familiaux tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus. Par suite, elle n'est pas fondée à prétendre que l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile lui ouvrait droit à la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". En outre, Mme I..., qui a exercé une activité professionnelle pendant au moins dix-sept ans au Maroc et qui a déclaré conserver des contacts réguliers avec les membres de sa famille demeurant dans ce pays, ne justifie pas de circonstances qui s'imposeraient à elle et la placeraient dans l'impossibilité de poursuivre sa vie personnelle dans le pays dont elle est la ressortissante. Dès lors, eu égard à la durée et aux conditions de son séjour en France comme aux effets d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, le préfet du Haut-Rhin, en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et en assortissant ce refus d'une obligation de quitter ce territoire dans un délai de trente jours, n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ont été prises ces décisions, qui ne méconnaissent en conséquence pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
22. Compte tenu de ce qui a été dit quant à la légalité de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, Mme I..., qui n'en excipe pas de l'illégalité dès lors qu'elle en demande l'annulation, pour excès de pouvoir, n'est pas fondée à soutenir que celle portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de ce refus.
23. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. ". Aux termes de l'article R. 611-1 du même code : " Pour constater l'état de santé de l'étranger mentionné au 9° de l'article L. 611-3, l'autorité administrative tient compte d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / (...) ". Aux termes de l'article R. 611-2 de ce code : " L'avis mentionné à l'article R. 611-1 est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu : / 1° D'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement l'étranger ou un médecin praticien hospitalier ; / 2° Des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / (...) ".
24. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la requérante aurait, quant à son état de santé et avant l'intervention de l'arrêté du 27 mars 2023, porté à la connaissance du préfet du Haut-Rhin des éléments suffisamment précis sur la nature et les troubles de santé dont elle serait affectée permettant d'estimer qu'elle serait susceptible de présenter un état de santé nécessitant une prise en charge médicale à défaut de laquelle il pourrait en résulter pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé au Maroc, elle ne pourrait y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Il en ressort, en revanche, qu'elle s'est bornée à présenter les certificats de médecins marocains du 2 septembre 2017 et du 20 février 2019, qui ne font pas état de la nécessité d'une prise en charge médicale particulière et qu'elle a demandé un titre de séjour sur le fondement des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mais non, en raison de son état de santé, sur celui de l'article L. 425-9 de ce code. Il en résulte que le préfet du Haut-Rhin n'avait pas l'obligation, avant de prendre l'arrêté du 27 mars 2023, de recueillir l'avis d'un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
25. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en décidant de faire obligation à Mme I... de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, le préfet du Haut-Rhin aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences d'une telle décision de retour sur la situation personnelle de l'intéressée.
26. Compte tenu de ce qui a été dit quant à la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, Mme I... n'est pas fondée à soutenir que celle fixant le pays de destination en cas d'éloignement d'office à l'issue du délai de départ volontaire est illégale en raison de l'illégalité de cette obligation.
27. Compte tenu de ce qui a été dit quant à la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, Mme I... n'est pas fondée à soutenir que l'obligation qui lui est faite par l'article 4 de l'arrêté attaqué de se présenter, pendant la durée du délai de départ volontaire, une fois par semaine auprès de la Gendarmerie nationale de Saint-Louis, est illégale en raison de l'illégalité de cette obligation.
28. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Haut-Rhin est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 27 mars 2023 et lui a enjoint de délivrer à Mme I... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Le présent arrêt rejetant les conclusions en annulation présentées par Mme I..., il ne saurait être fait droit à celles à fin d'injonction.
Sur les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement attaqué :
29. Le présent arrêt statue sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement du 13 juillet 2023 du tribunal administratif de Strasbourg. Il n'y a, par suite, plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête, enregistrée sous le n° 23NC02689, du Préfet du Haut-Rhin tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.
Sur les frais liés au litige :
30. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, le versement de sommes à ce titre.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête du Préfet du Haut-Rhin tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 13 juillet 2023.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg n° 2302893 du 13 juillet 2023 est annulé.
Article 3 : La demande présentée par Mme I... devant le tribunal administratif de Strasbourg et ses conclusions en appel au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... I..., à Me Airiau et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au Préfet du Haut-Rhin et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Colmar.
Délibéré après l'audience du 24 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Durup de Baleine, président de chambre,
- M. Barlerin, premier conseiller,
- Mme Peton, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 octobre 2024.
La rapporteure,
Signé : N. PetonLe président,
Signé : A. Durup de Baleine
Le greffier,
Signé : A. Betti
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
A. Betti
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N°s 23NC02688 - 23NC02689