Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 6 mars 2023 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait renvoyé.
Par un jugement n° 2302435 du 20 juillet 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 9 août 2023, M. D..., représenté par Me Issa, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 20 juillet 2023 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 6 mars 2023 pris à son encontre par le préfet du Haut-Rhin ;
3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour.
Il soutient que :
S'agissant de la décision de refus de titre de séjour :
- elle a été prise par une autorité incompétente ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision quant à sa situation personnelle ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît le droit d'être entendu garanti par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen de situation personnelle ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision quant à sa situation personnelle ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est illégale en raison de l'absence de perspectives raisonnables d'éloignement vers l'Albanie.
Par un mémoire en défense enregistré le 6 octobre 2023, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré :
- de ce que M. D... n'a soulevé pour contester la décision de refus de titre de séjour qu'un moyen tiré de l'illégalité interne. Si, devant la cour, il soutient en outre que cette décision est entachée d'un défaut de motivation, ce moyen, qui n'est pas d'ordre public, fondé sur une cause juridique distincte, constitue une demande nouvelle irrecevable en appel ;
- de ce que M. D... n'a soulevé pour contester la décision portant obligation de quitter le territoire français qu'un moyen tiré de l'illégalité interne. Si, devant la cour, il soutient en outre que cette décision est entachée d'un défaut de motivation et méconnaît le droit d'être entendu, ces moyens, qui ne sont pas d'ordre public, fondés sur une cause juridique distincte, constituent des demandes nouvelles irrecevables en appel ;
- de ce que M. D... n'a soulevé pour contester la décision fixant le pays de destination qu'un moyen tiré de l'illégalité interne. Si, devant la cour, il soutient en outre que cette décision est entachée d'un défaut de motivation, ce moyen, qui n'est pas d'ordre public, fondé sur une cause juridique distincte, constitue une demande nouvelle irrecevable en appel.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 octobre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Michel, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... D..., ressortissant albanais né le 6 juillet 2004, est entré irrégulièrement en France le 24 juin 2019 selon ses déclarations. Alors mineur, il a été pris en charge par le service départemental de l'aide sociale à l'enfance. A sa majorité, il a sollicité son admission au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-22 et a obtenu une autorisation provisoire de séjour valable six mois. A la suite de sa demande du mois d'octobre 2022 tendant au renouvellement de cette autorisation provisoire, le préfet du Haut-Rhin, par un arrêté du 6 mars 2023, a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait renvoyé. M. D... relève appel du jugement du 20 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la décision de refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, la décision de refus de titre de séjour en litige a été signée par Mme F... E..., adjointe au chef du service de l'immigration et de l'intégration, chef du bureau de l'admission au séjour, qui disposait, en vertu d'un arrêté du préfet du Haut-Rhin du 12 janvier 2022, régulièrement publié au recueil des actes de la préfecture du 13 janvier 2022, d'une délégation à l'effet de signer l'acte en litige, en cas d'absence ou d'empêchement simultanés de M. H... G..., directeur de la réglementation, et de M. A... B..., chef du service de l'immigration et de l'intégration. En l'espèce, il n'est pas établi ni d'ailleurs allégué que M. G... et M. B... n'auraient pas été absents ou empêchés et la circonstance que la décision contestée ne précise pas qu'elle a été prise en raison d'une absence ou d'un empêchement n'est pas de nature à établir que ces conditions n'étaient pas remplies. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision en litige doit être écarté.
3. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier de première instance que devant le tribunal administratif de Strasbourg, M. D... n'a soulevé pour contester la décision de refus de séjour qu'un moyen tiré de l'illégalité interne de cette décision. Si, devant la cour, il soutient en outre que cette décision est entachée d'un défaut de motivation, ce moyen, qui n'est pas d'ordre public, procède d'une cause juridique distincte, et constitue dès lors une demande nouvelle, qui est irrecevable en appel.
4. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Haut-Rhin n'aurait pas procédé à un examen de la situation personnelle de M. D... préalablement à l'édiction de la décision de refus de séjour en litige.
5. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou s'il entre dans les prévisions de l'article L. 421-35, l'étranger qui a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance ou à un tiers digne de confiance au plus tard le jour de ses seize ans se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Cette carte est délivrée sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation qui lui a été prescrite, de la nature des liens de l'étranger avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur son insertion dans la société française ".
6. Lorsqu'il examine une demande de titre de séjour de plein droit portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entre dans les prévisions de l'article L. 421-35 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public et qu'il a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance. Si ces conditions sont remplies, il ne peut alors refuser la délivrance du titre qu'en raison de la situation de l'intéressé appréciée de façon globale au regard du caractère réel et sérieux du suivi de sa formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française.
7. M. D... est entré en France à l'âge de quinze ans et a été pris en charge par le service départemental de l'aide sociale à l'enfance et sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Toutefois, il ressort des pièces du dossier et en particulier de la lettre établie le 29 mars 2023 par la conseillère principale d'éducation du lycée Louis Armand de Mulhouse, où il est scolarisé dans une formation correspondant au baccalauréat technologique " sciences et techniques de l'ingénieur et du développement durable ", et des bulletins scolaires produits, que les résultats de l'intéressé sont globalement insuffisants et que la scolarité de M. D... a été marquée par un très grand nombre d'absences injustifiées. Par ailleurs, M. D... n'est pas dépourvu de toute attache dans son pays d'origine, où résident notamment ses parents et sa sœur, ainsi qu'il l'a déclaré dans sa demande de titre de séjour. Dans ces conditions, et alors même que M. D... a travaillé en tant qu'employé polyvalent parallèlement à ses études, le moyen tiré de l'inexacte application des dispositions précitées de l'article L. 423-22 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précitées doit être écarté.
8. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
9. Il ressort des pièces du dossier que M. D... ne vit en France que depuis un peu plus de trois ans à la date du refus de titre de séjour en litige. Par ailleurs, l'intéressé, qui ne justifie pas avoir noué sur le territoire national de liens d'une particulière intensité, est célibataire, sans enfant à charge et conserve des attaches dans son pays d'origine. Par suite, la décision de refus de titre de séjour opposée à M. D... n'a pas porté à son droit au respect de vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
10. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier de première instance que devant le tribunal administratif de Strasbourg, M. D... n'a soulevé pour contester la décision portant obligation de quitter le territoire français qu'un moyen tiré de l'illégalité interne de cette décision. Si, devant la cour, il soutient en outre que cette décision est entachée d'un défaut de motivation et d'une méconnaissance du droit d'être entendu préalablement à l'édiction de la mesure d'éloignement, ces moyens, qui ne sont pas d'ordre public, procèdent d'une cause juridique distincte, et constituent dès lors des demandes nouvelles, qui sont irrecevables en appel.
11. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen de la situation personnelle de M. D....
12. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux précédemment exposés et en l'absence d'autre élément invoqué par le requérant, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que de l'erreur manifeste du préfet dans l'appréciation des conséquences de la décision contestée quant à la situation personnelle de M. D... ne peuvent qu'être écartés.
13. En quatrième lieu, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour. Lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire. Ainsi qu'il a été exposé au point 7 ci-dessus, M. D... ne remplit pas les conditions pour obtenir un titre de séjour de plein droit sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ne peut qu'être écarté.
Sur la décision fixant le pays de destination :
14. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier de première instance que devant le tribunal administratif de Strasbourg, M. D... n'a soulevé pour contester la décision fixant le pays de destination qu'un moyen tiré de l'illégalité interne de cette décision. Si, devant la cour, il soutient en outre que cette décision est entachée d'un défaut de motivation, ce moyen, qui n'est pas d'ordre public, procède d'une cause juridique distincte, et constitue dès lors une demande nouvelle, qui est irrecevable en appel.
15. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été indiqué ci-dessus, M. D... n'établit pas l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Dès lors, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision doit être écarté.
16. En troisième lieu, M. D... n'établit par aucun élément qu'il encourait des risques en cas de retour en Albanie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
17. En dernier lieu, le moyen tiré de l'illégalité de la décision fixant le pays de destination en raison de l'absence de perspectives raisonnables d'éloignement n'est assorti d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé.
18. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D..., à Me Issa et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.
Délibéré après l'audience du 19 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Wallerich, président de chambre,
- M. Michel, premier conseiller,
- Mme Peton, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 octobre 2024.
Le rapporteur,
Signé : A. MichelLe président,
Signé : M. Wallerich
La greffière,
Signé : S. Robinet
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
S. Robinet
2
N° 23NC02668