Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 3 avril 2023 par lequel le préfet du Jura a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il serait renvoyé et a fixé des mesures d'astreintes.
Par un jugement n° 2300724 du 4 juillet 2023, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 31 juillet 2023, M. B..., représenté par la SELARL BS2A Bescou et Sabatier avocats associés, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 4 juillet 2023 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions du 3 avril 2023 par lesquelles le préfet du Jura a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il serait renvoyé et a fixé des mesures d'astreintes ;
3°) d'enjoindre au préfet du Jura de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour, sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
S'agissant de la régularité du jugement attaqué :
- le tribunal n'a pas répondu à son moyen tiré de l'absence d'examen préalable, réel et sérieux de sa situation, ensemble d'erreur de droit dans l'exercice par le préfet de son pouvoir de régularisation ;
S'agissant de la décision de refus de titre de séjour :
- le préfet n'a pas procédé à un examen préalable, réel et sérieux de sa situation au regard de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour dans son versant salarié ou à tout le moins a commis une erreur de droit ;
- cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
S'agissant de la décision fixant un délai de départ volontaire :
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour et de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour et de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
S'agissant de la décision fixant des mesures d'astreinte :
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour et de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation et méconnaît les stipulations des articles 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en le privant de son droit à exercer un recours.
Par un mémoire en défense enregistré le 2 octobre 2023, le préfet du Jura conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Michel, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant de nationalité tunisienne, né le 6 avril 1991, est entré en France le 28 septembre 2019 sous couvert d'un visa court séjour et s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français. Par un arrêté du 3 avril 2023, le préfet du Jura a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il serait renvoyé et a fixé des mesures d'astreinte. M. B... relève appel du jugement du 4 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort des pièces du dossier de première instance qu'à l'appui de sa demande d'annulation de la décision de refus de titre de séjour, M. B... a soulevé devant le tribunal administratif le moyen tiré du défaut d'examen particulier de sa situation ou à tout le moins d'une erreur de droit commise par le préfet du Jura dans l'exercice de son pouvoir de régularisation au titre des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans son versant salarié. Si le requérant soutient que le tribunal n'a pas répondu à ces moyens, il ressort toutefois du point 8 du jugement qu'en indiquant que ces dispositions ne pouvaient être utilement invoquées, les premiers juges doivent être regardés comme ayant nécessairement répondu à ces moyens fondés sur cet article en les écartant comme inopérants. Par conséquent, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement ne peut qu'être écarté.
Sur la décision de refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 : " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent Accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " ". Selon l'article 11 du même accord : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des Etrangers sur tous les points non traités par l'Accord ". Et, d'autre part, aux termes des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ".
4. L'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile fixe notamment les conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant tunisien souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-tunisien. Il s'ensuit que M. B... ne peut utilement se prévaloir de ce que le préfet n'aurait pas examiné sa demande de titre de séjour, sous l'angle salarié, au regard de ces dispositions, qui sont inapplicables à cet égard aux ressortissants tunisiens, ou qu'il en aurait fait une inexacte application.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L' étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Et, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
6. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., qui réside irrégulièrement en France depuis le mois de septembre 2019, est célibataire et sans enfant à charge. Par ailleurs, si le requérant fait état de divers emplois dans la restauration et comme opérateur de production dans la société Jura SRK, il ne saurait être regardé comme justifiant d'une insertion particulière dans la société française et n'est pas, en outre, dépourvu de toute attache dans son pays d'origine où il a vécu la majeure partie de sa vie. Par suite, dans les circonstances de l'espèce, la décision de refus de séjour en litige n'a pas porté au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté, ainsi qu'en tout état de cause, le moyen tiré de l'inexacte application des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. En troisième lieu, si l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ne prévoit pas des modalités d'admission exceptionnelle au séjour semblables à celles de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ces stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un titre de séjour à un ressortissant tunisien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit et il dispose à cette fin d'un pouvoir discrétionnaire pour apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.
8. M. B... se prévaut d'une promesse d'embauche et d'un contrat de travail à durée indéterminée, conclu le 1er février 2022, pour occuper des fonctions de pâtissier dans une boulangerie. Toutefois ces éléments ne sauraient être regardés comme caractérisant une circonstance exceptionnelle. En outre, M. B... ne réside sur le territoire français que depuis un peu plus de trois ans à la date de la décision en litige, est célibataire et sans enfant à charge et ne justifie pas d'attaches particulièrement intenses sur le territoire français. Dans ces conditions, le préfet n'a commis ni erreur de droit ni erreur manifeste d'appréciation en refusant de délivrer à M. B... un titre de séjour dans l'exercice de son pouvoir de régularisation.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
9. En premier lieu, ainsi qu'il a été indiqué ci-dessus, M. B... n'établit pas l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour. Dès lors, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision doit être écarté.
10. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6 et en l'absence d'autre élément invoqué par M. B..., le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
Sur les décisions fixant un délai de départ volontaire et le pays de destination :
11. M. B... n'établit pas l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour et de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Dès lors, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de ces décisions doit être écarté.
Sur la décision fixant des mesures d'astreinte :
12. En premier lieu, ainsi qu'il a été indiqué ci-dessus, M. B... n'établit pas l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour et de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Dès lors, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de ces décisions doit être écarté.
13. En deuxième lieu, en indiquant que M. B... devra justifier auprès du préfet du Jura de ses diligences dans la préparation de son départ, lui enjoignant de lui remettre ses documents d'identité et de voyages originaux et de justifier des modalités de transport de son voyage, le préfet du Jura a suffisamment motivé en fait les mesures d'astreinte prononcées.
14. En troisième lieu, si le requérant soutient que les mesures d'astreinte liées aux diligences à accomplir dans le cadre de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français font obstacle à l'exercice de son droit au recours et se trouvent pour ce motif entachées d'une erreur d'appréciation et méconnaissent les stipulations des articles 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le requérant n'assortit pas ces moyens de précision suffisante permettant d'en apprécier le bien-fondé.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I DE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Jura.
Délibéré après l'audience du 19 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Wallerich, président de chambre,
- M. Michel, premier conseiller,
- Mme Peton, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 octobre 2024.
Le rapporteur,
Signé : A. MichelLe président,
Signé : M. Wallerich
La greffière,
Signé : S. Robinet
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
S. Robinet
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N° 23NC02534