Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... et Mme D... C... ont demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler les arrêtés du 28 février 2022 par lesquels le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de leur délivrer des titres de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2201390 - 2201391 du 20 septembre 2022, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 18 mai 2023, M. C... et Mme C..., représentés par Me Martin, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2201390 - 2201391 du tribunal administratif de Nancy du 20 septembre 2022 ;
2°) d'annuler les arrêtés du 28 février 2022 par lesquels le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de leur délivrer des titres de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de leur délivrer des cartes de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou une autorisation provisoire de séjour, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer leur situation et, dans l'attente, de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours, le tout dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au bénéfice de leur conseil en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- le tribunal a commis une erreur d'appréciation en estimant que le défaut de prise en charge médicale de leur fils n'aurait pas de conséquences d'une exceptionnelle gravité pour lui ;
- c'est à tort que le tribunal a estimé que leur fils pouvait bénéficier d'une prise en charge adaptée dans son pays d'origine ;
- c'est à tort que le tribunal a estimé que les décisions portant refus de séjour ne sont pas entachées d'erreur manifeste d'appréciation ni ne méconnaissent pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les arrêtés ont été pris par une autorité incompétente ;
sur les décisions portant refus de titre de séjour :
- elles méconnaissent les dispositions de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elles méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elles méconnaissent l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- elles sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;
sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français :
- elles devront être annulées par voie de conséquence de l'illégalité des décisions portant refus de délivrance de titres de séjour ;
- elles méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elles méconnaissent l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- elles sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juillet 2023, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme C... ne sont pas fondés.
M. et Mme C... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 mars 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Lusset, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme C..., ressortissants géorgiens, déclarent être entrés en France le 29 novembre 2019 avec leur fils de quatre ans. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par des décisions du 12 février 2020 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmées par la Cour nationale du droit d'asile le 27 mai 2020. Le 28 février 2020, M. C... a demandé la délivrance d'un titre de séjour en raison de son état de santé. Par un arrêté du 1er mars 2021, le préfet de Meurthe-et-Moselle a rejeté cette demande et a fait obligation à l'intéressé de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Par un jugement du 1er juin 2021, le tribunal administratif de Nancy a annulé l'obligation de quitter le territoire français et a enjoint au préfet de réexaminer la situation de M. C.... Après s'être vu remettre une autorisation provisoire de séjour, M. et Mme C... ont déposé un dossier médical pour leur fils B.... Par des arrêtés du 28 février 2022, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé d'admettre au séjour M. et Mme C..., en qualité de parents d'enfant malade, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination. Les requérants relèvent appel du jugement n° 2201390 - 2201391 du 20 septembre 2022 du tribunal administratif de Nancy qui a rejeté leur demande tendant à l'annulation des arrêtés du 28 février 2022.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel.
3. Il s'ensuit que M. et Mme C... ne peuvent utilement se prévaloir de ce que le tribunal a commis une erreur d'appréciation en estimant que le défaut de prise en charge médicale de leur fils n'aurait pas de conséquences d'une exceptionnelle gravité ou que celui-ci pourrait bénéficier d'une prise en charge adaptée dans son pays d'origine, et de ce qu'il a également commis une erreur manifeste d'appréciation et méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la compétence de l'auteur des actes :
4. M. et Mme C... reprennent en appel le moyen qu'ils avaient invoqué en première instance tiré de l'incompétence de l'auteur des arrêtés contestés sans apporter d'élément nouveau ni critiquer utilement le motif de rejet qui leur a été opposé par les premiers juges. Il y a lieu, par conséquent, d'écarter ce moyen par adoption du motif retenu au point 2 du jugement contesté.
En ce qui concerne les décisions portant refus de titres de séjour :
5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions prévues à l'article L. 425-9, ou l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, se voient délivrer, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, une autorisation provisoire de séjour d'une durée maximale de six mois. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. Elle est renouvelée pendant toute la durée de la prise en charge médicale de l'étranger mineur, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites. Elle est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues à l'article L. 425-9 ". Aux termes de l'article L. 425-9 du même code : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / (...) ". Aux termes de l'article R. 425-11 du même code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / (...) ".
6. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
7. Il ressort des pièces des dossiers que le collège médical de l'OFII a émis un avis, le 16 juillet 2021, selon lequel l'état de santé de l'enfant B..., qui souffre d'un syndrome autistique sévère, nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Si M. et Mme C... produisent plusieurs certificats médicaux justifiant que l'état de santé de B... nécessite des soins ainsi qu'un programme scolaire et un logement adaptés, ces documents ne comportent toutefois aucune indication sur les conséquences d'un défaut de prise en charge et ne permettent ainsi pas de remettre en cause l'avis du collège médical de l'OFII. Ce seul motif était de nature à justifier les refus de titre de séjour en litige sans qu'il soit besoin d'apprécier l'accessibilité aux soins. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les décisions litigieuses méconnaissent les dispositions de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
9. Il ressort des pièces des dossiers que M. et Mme C... sont entrés en France en novembre 2019, moins de deux ans et demi avant la date des arrêtés attaqués. Il est constant qu'ils ne se prévalent d'aucun lien familial en France, alors qu'il ne ressort pas des pièces des dossiers qu'ils seraient dépourvus de toute attache familiale dans leur pays d'origine. Les éléments qu'ils présentent ne permettent pas d'établir qu'ils seraient particulièrement intégrés en France, professionnellement ou socialement. En outre, les requérants ne justifient pas que l'état de santé de leur enfant ne pourrait être pris en charge dans leur pays d'origine, dans la mesure où il ressort des pièces des dossiers que l'affection dont il souffre a été correctement diagnostiquée en Géorgie, où leur enfant bénéficiait d'une prise en charge médicale à raison de vingt heures par mois dans un centre spécifique et d'une heure par semaine sur le plan orthophonique. Si les requérants soutiennent que l'offre de prise en charge de l'autisme est limitée en Géorgie et que la prise en charge pluridisciplinaire proposée en France est de meilleure qualité, cette circonstance n'est, en tant que telle, pas de nature à leur conférer un droit au séjour en France. Enfin, les documents produits ne sont pas de nature à établir que l'enfant ne pourrait pas poursuivre une scolarité adaptée à ses troubles en Géorgie, dans une structure spécialisée. Dans ces conditions, même s'il n'est pas contesté que les intéressés apprennent le français, participent à des activités bénévoles et ont noué des relations amicales sur le territoire français, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet, en leur refusant le séjour, aurait porté une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de leur vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation ne peut qu'être écarté.
10. En dernier lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
11. Les décisions litigieuses n'ont ni pour objet ni pour effet de séparer B... de ses parents, la cellule familiale ayant vocation à se reconstituer en Géorgie. En outre, il n'est pas établi, ainsi qu'il a été dit, que le fils des requérants ne pourrait pas bénéficier d'une prise en charge adaptée à ses troubles dans ce pays. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français :
12. En premier lieu, il résulte de ce qui précède qu'il n'est pas établi que les décisions de refus de séjour seraient illégales. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à en exciper l'illégalité à l'encontre des décisions portant obligation de quitter le territoire français.
13. En second lieu, pour les mêmes motifs qu'exposés précédemment, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et de ce que les décisions litigieuses sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
14. Il résulte de tout ce qui précède, que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande tendant à l'annulation des arrêtés du préfet de Meurthe-et-Moselle du 28 février 2022. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être également rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et Mme D... C..., au ministre de l'intérieur et à Me Martin.
Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.
Délibéré après l'audience du 17 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Ghisu-Deparis, présidente,
- M. Barteaux, président assesseur,
- M. Lusset, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 octobre 2024.
Le rapporteur,
Signé : A. LussetLa présidente,
Signé : V. Ghisu-Deparis
La greffière,
Signé : F. Dupuy
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
F. Dupuy
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N° 23NC01553