Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision implicite du 20 février 2019 par laquelle le président de l'Eurométropole de Metz a refusé de lui verser la prime de service et de rendement (PSR) et l'indemnité spécifique de service (ISS) et de condamner la collectivité à lui verser à titre rétroactif l'intégralité des montants correspondants.
Par un jugement n° 1902698 du 26 février 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cette décision et a enjoint au président de l'Eurométropole de Metz de réexaminer la situation de l'intéressé pour la période du 1er janvier 2014 au 1er janvier 2018 et de fixer la modulation individuelle de son indemnité spécifique de service eu égard à sa manière de servir, en application des dispositions de la délibération du 26 avril 2004, en procédant au versement de la prime en litige avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception de sa demande préalable.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 3 mai 2021, le président de l'Eurométropole de Metz, représenté par Me Olszak, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 26 février 2021 du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) de rejeter la requête de M. B... ainsi que les conclusions du mémoire en intervention volontaire présenté par le syndicat CFDT ;
3°) de mettre à la charge de M. B... une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le refus opposé par l'Eurométropole de Metz est justifié dès lors que la PSR sollicitée était dépourvue de base légale depuis le 17 décembre 2009 et, qu'en tout état de cause, l'ISS et la PSR ont effectivement été versées à l'agent sur la période du 1er janvier 2014 au 1er janvier 2018 ;
- subsidiairement, aucune des deux indemnités ne pouvait être versée à l'agent après le 1er janvier 2015, dès lors que la notation à laquelle ce versement était subordonné avait été supprimée ;
- la créance est, en tout état de cause, prescrite pour la période antérieure au 1er janvier 2014 ;
- la décision implicite de rejet n'avait pas à être motivée et l'agent n'a pas demandé la communication de ses motifs ;
- l'agent ne peut affirmer que le président de l'Eurométropole a décidé seul des conditions de modulation des primes en litige ;
- la délibération du 26 avril 2004 fixait avec une précision suffisante la nature et les conditions d'attribution de ces primes ;
- l'agent n'avait aucun droit au versement de ces primes en raison de son seul grade, ni à un taux déterminé, il a effectivement bénéficié de ces primes dans la période restant en cause et le président de l'Eurométropole n'était pas tenu de fixer par une décision expresse les taux des primes versées à l'agent.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 juillet 2021, M. B..., représenté par Me Levy, conclut au rejet de la requête et à la condamnation de l'Eurométropole de Metz à lui verser une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les premiers juges n'ont pas commis d'erreur d'appréciation ;
- la délibération du 26 avril 2004 impose à la collectivité le versement des primes qui y sont prévues ; un coefficient individuel égal à zéro ne peut être appliqué ;
- la somme allouée ne correspond pas aux montants prévus par la délibération et aucun élément relatif à la modulation desdites primes ne lui a été transmis ;
- les modalités de mise en œuvre du régime indemnitaire n'ont pas été définies de façon suffisamment précise dans la délibération et le président de l'Eurométropole a commis une erreur de droit en appliquant dans ces conditions des critères de modulation des primes ;
- il n'est pas établi que la mention " prime mensuelle " corresponde aux deux primes réclamées, ni qu'un coefficient individuel de prime ait été appliqué ;
- la circonstance qu'à compter de l'année 2015 l'entretien professionnel ait remplacé la notation administrative ne fait pas obstacle au versement des primes sollicitées ;
- le budget de la collectivité prévoyait des sommes, qui n'ont pas été intégralement consommées, pour le versement des primes et, en tout état de cause, l'absence de crédits ne peut faire obstacle à ce versement ;
- l'absence d'attribution de ces primes est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation eu égard à sa manière de servir.
Par un mémoire, enregistré le 26 octobre 2021, le syndicat CFDT Interco Moselle, représenté par Me Lévy, intervenant au soutien des conclusions de M. B..., conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'il justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour intervenir.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics ;
- le décret n° 72-18 du 5 janvier 1972 relatif aux primes de service et de rendement allouées aux fonctionnaires des corps techniques du ministère de l'équipement et du logement ;
- le décret n° 91-875 du 6 septembre 1991 pris pour l'application du premier alinéa de l'article 88 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
- le décret n° 2003-799 du 25 août 2003 relatif à l'indemnité spécifique de service allouée aux ingénieurs des ponts, des eaux et des forêts et aux fonctionnaires des corps techniques de l'équipement ;
- le décret n° 2009-1558 du 15 décembre 2009 relatif à la prime de service et de rendement allouée à certains fonctionnaires relevant du ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bauer,
- les conclusions de M. Marchal, rapporteur public,
- et les observations de Me Hamm pour l'Eurométropole de Metz et de Me Levy pour M. B... et le syndicat CFDT Interco Moselle.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., technicien principal affecté à l'Eurométropole de Metz, a, par un courrier daté du 19 décembre 2018, sollicité le versement rétroactif de la prime de service et de rendement (PSR) et de l'indemnité spécifique de service (ISS) instituées par la délibération du conseil de la communauté d'agglomération de Metz Métropole du 26 avril 2004 relative au régime indemnitaire des agents de la collectivité. Sa demande a été implicitement rejetée. M. B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg l'annulation de cette décision implicite de rejet et la condamnation de l'Eurométropole de Metz à lui verser, à titre rétroactif, l'intégralité des montants correspondants. Par un jugement du 26 février 2021, dont l'Eurométropole de Metz relève appel, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision implicite de rejet susmentionnée et a enjoint au président de l'Eurométropole de Metz de réexaminer la situation de l'intéressé pour la période du 1er janvier 2014 au 1er janvier 2018 et de fixer la modulation individuelle de son indemnité spécifique de service eu égard à sa manière de servir, en application des dispositions de la délibération du 26 avril 2004, en procédant au versement de la prime en litige avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception de sa demande préalable.
Sur l'intervention du syndicat CFDT Interco Moselle :
2. Eu égard à son objet statutaire, le syndicat CFDT Interco Moselle justifie d'un intérêt suffisant pour s'associer aux conclusions de l'intimé tendant au maintien du jugement attaqué. Son intervention est ainsi recevable.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :
3. Aux termes de l'article 88 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, dans sa rédaction applicable au litige : " Les organes délibérants des collectivités territoriales et de leurs établissements publics fixent les régimes indemnitaires, dans la limite de ceux dont bénéficient les différents services de l'Etat (...) ". Aux termes de l'article 1er du décret n° 91-875 du 6 septembre 1991 pris pour l'application de ces dispositions, dans sa rédaction applicable au litige : " Le régime indemnitaire fixé par les assemblées délibérantes des collectivités territoriales et les conseils d'administration des établissements publics locaux pour les différentes catégories de fonctionnaires territoriaux ne doit pas être plus favorable que celui dont bénéficient les fonctionnaires de l'Etat exerçant des fonctions équivalentes (...) ". Aux termes de l'article 2 du même décret : " L'assemblée délibérante de la collectivité (...) fixe, dans les limites prévues à l'article 1er, la nature, les conditions d'attribution et le taux moyen des indemnités applicables aux fonctionnaires de ces collectivités ou établissements (...) L'autorité investie du pouvoir de nomination détermine, dans cette limite, le taux individuel applicable à chaque fonctionnaire ".
4. Il résulte de ces dispositions qu'il revient à l'assemblée délibérante de chaque collectivité territoriale de fixer elle-même la nature, les conditions d'attribution et le taux moyen des indemnités bénéficiant aux fonctionnaires de la collectivité, sans que le régime ainsi institué puisse être plus favorable que celui dont bénéficient les fonctionnaires de l'Etat d'un grade et d'un corps équivalents au grade et au cadre d'emplois de ces fonctionnaires territoriaux et sans que la collectivité soit tenue de faire bénéficier ses fonctionnaires de régimes indemnitaires identiques à ceux des fonctionnaires de l'Etat. Il lui est notamment loisible de subordonner le bénéfice d'un régime indemnitaire à des conditions plus restrictives que celles qui sont applicables aux fonctionnaires de l'Etat. Le respect du principe d'égalité entre les agents publics ne s'oppose pas à l'institution de distinctions, dans le régime indemnitaire dont ils bénéficient, fondées sur des différences dans les conditions d'exercice de leurs fonctions ou sur les nécessités du bon fonctionnement du service auquel ils appartiennent. Il résulte par ailleurs de ces dispositions que, lorsque l'assemblée délibérante d'une collectivité territoriale a décidé le versement, au profit de ses agents, de primes ou indemnités dans les conditions et limites applicables aux régimes indemnitaires définis pour les agents de l'Etat, il appartient à l'autorité investie du pouvoir de nomination de déterminer le taux individuel applicable à chaque fonctionnaire en fonction de sa manière de servir. Le montant de la prime de service et de rendement et de l'indemnité spécifique de service doit ainsi être individualisé et le président d'un établissement public de coopération intercommunale ne saurait en conséquence fixer un taux unique ou identique pour l'ensemble de ses agents, sans procéder à un examen particulier de leurs situations respectives.
5. Par une délibération du 26 avril 2004, le conseil de la communauté d'agglomération de Metz Métropole a instauré, pour l'ensemble des agents de cette collectivité, un régime indemnitaire de grade et de fonction comprenant, d'une part, une prime mensuelle fixée par référence à un montant par grade et modulée individuellement selon une évaluation portée sur la valeur professionnelle des agents au travers de la notation administrative et, d'autre part, une prime de fonction attribuée aux agents occupant un poste identifié dans l'organigramme fonctionnel des services comme comportant des responsabilités ou sujétions particulières selon cinq niveaux, en indiquant la nature et les montants de référence de ces primes dans des tableaux présentés en annexe. Par la même délibération, ce conseil a autorisé le président de la communauté d'agglomération à fixer individuellement les montants des primes et a ordonné les inscriptions budgétaires correspondantes. Ce régime indemnitaire a pris fin avec l'entrée en vigueur le 1er janvier 2018 du régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (RIFSEEP), mis en place à l'Eurométropole de Metz par une délibération du 16 octobre 2017.
6. Il n'est pas contesté qu'en sa qualité de technicien supérieur principal, M. B... pouvait uniquement prétendre à deux indemnités distinctes composant sa prime mensuelle : la prime de service et de rendement (PSR) et l'indemnité spécifique de service (ISS), toutes deux mises en place pour les fonctionnaires des corps techniques du ministère de l'équipement et du logement par décrets respectifs des 5 janvier 1972 et 25 août 2003. L'entrée en vigueur du décret n°2009-1558 du 15 décembre 2009, qui a abrogé le décret du 5 janvier 1972 et a modifié les conditions d'attribution de la prime de service et de rendement, eu égard à la nouvelle dénomination et aux nouvelles compétences du ministère chargé de l'équipement, n'a eu ni pour objet ni pour effet de supprimer cette prime. Dès lors rien ne s'opposait à ce que la collectivité maintienne son régime indemnitaire analysé ci-dessus à condition que les taux annuels prévus ne soient pas supérieurs à ceux résultant du nouveau texte applicable aux fonctionnaires de l'Etat, ce qui n'est pas allégué. Enfin, l'Eurométropole de Metz ne saurait soutenir qu'elle était tenue de refuser le versement de ces primes à son agent après le 1er janvier 2015, à la suite de l'abrogation à cette date du système de notation administrative, la circonstance que l'évaluation portée sur la valeur professionnelle des agents de la collectivité s'effectue désormais dans le cadre d'un entretien professionnel étant sans incidence sur le droit des intéressés à percevoir les indemnités susmentionnées.
7. Aux termes de l'annexe 1 de la délibération du 26 avril 2004, le taux moyen annuel de la PSR pouvant être versée à un technicien supérieur principal s'élève à 1 127,66 euros, et le taux moyen annuel de l'ISS à 5 493,12 euros, soit un montant mensuel moyen de 551,73 euros.
8. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté du 8 avril 2014, le président de Metz Métropole a fixé le montant brut de la prime mensuelle de M. B... à 434,78 euros à compter du 1er janvier 2013, l'article 2 de cet arrêté prévoyant que le montant de la prime mensuelle est modulable individuellement selon les fonctions occupées et l'évaluation annuelle et qu'il pourra être revalorisé conformément à la règlementation en vigueur. Aucune disposition législative ou réglementaire n'impose de notifier le taux individuel accordé, chaque année, à un agent et il ressort des pièces du dossier que, pendant la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2017, échappant, ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal, à la prescription quadriennale opposée par la collectivité, M. B... a bénéficié du versement d'une prime mensuelle d'un montant d'ailleurs légèrement supérieur, et variant de 444,78 euros à 454,78 euros, dont il n'est pas sérieusement contesté qu'elle correspond bien à l'application du régime indemnitaire décrit ci-dessus. Il ressort toutefois des pièces du dossier que ce montant n'a quasiment pas varié pendant la période considérée. Dans ces conditions et alors que la collectivité ne justifie pas avoir procédé chaque année à un entretien d'évaluation permettant d'apprécier la valeur individuelle de l'agent, elle ne peut être regardée comme ayant procédé annuellement, comme il lui incombe, à la détermination d'un taux de prime personnalisé pour l'intéressé.
9. Il résulte de tout ce qui précède que le président de l'Eurométropole de Metz est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé sa décision implicite de refus de versement des primes en litige pour la période antérieure au 1er janvier 2014 et pour celle postérieure au 31 décembre 2017.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
10. Eu égard à ce qui précède, c'est à bon droit que le tribunal administratif a enjoint au président de la collectivité de procéder au réexamen de la situation personnelle de M. B... pour la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2017 et de fixer la modulation individuelle de son indemnité spécifique de service eu égard à sa manière de servir, en application des dispositions de la délibération du 26 avril 2004, en procédant au versement de toute somme ainsi due avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception de sa demande préalable.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. B..., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que demande l'Eurométropole de Metz au titre des frais qu'elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens.
12. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Eurométropole de Metz la somme que demande M. B... au titre des frais qu'il a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : L'intervention du syndicat CFDT Interco Moselle est admise.
Article 2 : Le jugement n° 1902698 du 26 février 2021 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé en tant qu'il a annulé la décision implicite de refus de versement de la prime de service et de rendement (PSR) et de l'indemnité spécifique de service (ISS) pour la période antérieure au 1er janvier 2014 et pour la période postérieure au 31 décembre 2017.
Article 3 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Strasbourg est rejetée en tant qu'elle porte sur la période antérieure au 1er janvier 2014 et sur la période postérieure au 31 décembre 2017.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête présentée par l'Eurométropole de Metz est rejeté.
Article 5 : Les conclusions présentées par M. B... relatives à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au président de l'Eurométropole de Metz, à M. A... B... et au syndicat CFDT Interco Moselle.
Délibéré après l'audience du 12 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Wurtz, président,
- Mme Bauer, présidente-assesseure,
- M. Meisse, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 octobre 2024.
La rapporteure,
Signé : S. BAUER Le président,
Signé : Ch. WURTZ Le greffier,
Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au préfet de la Moselle en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
F. LORRAIN
N° 21NC01296 2