Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 2 novembre 2021 par laquelle le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour.
Par un jugement n° 2200307 du 18 octobre 2022, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 5 juillet 2023, M. A..., représenté par Me Chaïb, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cette décision ;
3°) d'enjoindre à la préfète de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à travailler dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
S'agissant de la régularité du jugement attaqué :
- les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de ce qu'un titre de séjour aurait dû lui être accordé compte tenu de ses solides garanties d'intégration et de ses efforts, en dépit même de l'absence de formation professionnalisante depuis six mois ;
S'agissant de la légalité de la décision de refus de séjour :
- la décision en litige est entachée d'incompétence de son signataire ;
- en déclarant ses actes d'état civil non probants, le préfet a méconnu son obligation de bonne foi et son obligation implicite de loyauté ;
- il n'a pas été mis en mesure, avant que la décision en litige n'intervienne, de présenter ses observations sur l'absence de double légalisation de ses actes d'état civil, en méconnaissance du droit d'être entendu ;
- la décision en litige est entachée d'un vice de procédure, faute pour le préfet d'avoir sollicité qu'il communique des documents d'état civil légalisés ;
- le préfet ne renverse pas la présomption de validité qui s'attache à ses actes d'état civil, lesquels ont été régularisés ;
- la décision en litige est entachée d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'erreur d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 juillet 2023, la préfète de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 17 juillet 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 22 août 2023.
Un mémoire, présenté pour M. A..., a été enregistré le 21 août 2024, postérieurement à la clôture d'instruction et n'a pas été communiqué.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 mai 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le traité sur l'Union européenne ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Brodier,
- les observations de Me Lemonier, substituant Me Chaib, avocate de M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant pakistanais déclarant être né le 12 mai 2003, est entré irrégulièrement sur le territoire français le 29 octobre 2019 selon ses déclarations, à l'âge de 16 ans. Il a été confié à l'aide sociale à l'enfance du département de Meurthe-et-Moselle par une ordonnance de placement provisoire du 31 octobre 2019. Le 9 avril 2021, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Par une décision du 2 novembre 2021, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de faire droit à sa demande. M. A... relève appel du jugement du 18 octobre 2022 par laquelle le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort du jugement attaqué que les premiers juges ont, pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, considéré que la circonstance que M. A... ne justifiait pas de six mois de formation qualifiante suffisait à justifier le refus du préfet de lui délivrer le titre de séjour sollicité. Ils ont par ailleurs écarté comme étant inopérant le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 435-1 du même code. Enfin, ils ont tenu compte des efforts d'insertion du requérant et de sa scolarité pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que les premiers juges auraient omis d'examiner le moyen tiré de ce que sa situation personnelle permettait la délivrance d'un titre de séjour, alors même qu'il ne remplissait pas la condition tenant au suivi depuis au moins six mois d'une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, prévue à l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
En ce qui concerne la compétence du signataire de la décision :
3. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de Meurthe-et-Moselle a, par un arrêté du 8 août 2022, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du même jour, donné délégation à M. Julien Le Goff, secrétaire général de la préfecture, à l'effet de signer tous les arrêtés et décisions relevant des attributions de l'Etat dans le département. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision en litige manque en fait et doit être écarté.
En ce qui concerne l'admission exceptionnelle sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :
4. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ".
5. Il ressort de la décision en litige que le préfet de Meurthe-et-Moselle a uniquement refusé à M. A... la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et qu'il n'a pas prononcé de refus de régularisation sur le fondement de l'article L. 435-1 du même code.
6. D'une part, ainsi que les premiers juges l'ont également retenu, il ne ressort pas de la demande de titre de séjour formée par M. A... le 9 avril 2021 qu'il aurait entendu solliciter la délivrance d'un titre de séjour sur un autre fondement que l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'en s'abstenant de statuer sur une telle demande, le préfet de Meurthe-et-Moselle aurait entaché sa décision d'erreur de droit.
7. D'autre part, compte tenu de ce qui a été dit au point 5 ci-dessus, le moyen tiré de ce que la décision en litige méconnaîtrait les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté comme étant inopérant.
En ce qui concerne l'admission exceptionnelle sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :
8. Aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ".
9. Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée.
10. Pour refuser de délivrer à M. A... un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de Meurthe-et-Moselle a retenu, d'une part, que les documents d'état civil produits à l'appui de sa demande n'étaient pas recevables devant l'autorité administrative française et, d'autre part, qu'il ne justifiait pas des six mois de formation professionnelle qualifiante requis. Par ailleurs, il ressort du jugement attaqué que les premiers juges ont estimé qu'aucun élément avancé par le préfet ne permettait de remettre en cause la force probante de l'acte de naissance et du certificat pour enfants produits par M. A... qui devait ainsi être tenu comme établissant avoir été confié à l'aide sociale à l'enfance entre ses seize et ses dix-huit ans. En revanche, ils ont considéré que le préfet de Meurthe-et-Moselle aurait pris la même décision à l'encontre du requérant s'il n'avait retenu que le second motif relatif à la formation qualifiante.
11. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier qu'après avoir obtenu son diplôme d'études en langue française de niveau A2 en juin 2021, M. A... s'est inscrit, au titre de l'année 2021/2022, en première année de CAP " monteur installations sanitaires ". Il en résulte que, lorsqu'il a formé sa demande de titre de séjour, le requérant n'était pas encore inscrit dans une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle tandis qu'à la date de la décision en litige, il ne suivait cette formation que depuis deux mois. Le préfet de Meurthe-et-Moselle pouvait ainsi, pour ce seul motif et sans entacher sa décision d'erreur manifeste d'appréciation, refuser de délivrer à l'intéressé le titre de séjour sollicité.
12. En second lieu, ainsi qu'il vient d'être dit, le préfet de Meurthe-et-Moselle aurait pris la même décision à l'encontre de M. A... s'il ne s'était fondé que sur la circonstance que celui-ci ne remplissait pas la condition tenant à la durée de suivi d'une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle. Ainsi, il n'y a pas lieu d'examiner les moyens soulevés par le requérant et dirigés contre le motif de la décision en litige tenant à l'absence de justification de son état civil. Par suite, doivent être écartés les moyens tirés de ce que le préfet aurait méconnu son obligation de bonne foi et de loyauté dans l'instruction de sa demande, de ce qu'il n'a pas été mis en mesure de présenter ses observations sur l'absence de double légalisation de ses actes d'état civil, en méconnaissance du droit d'être entendu, de ce que la décision en litige est entachée d'un vice de procédure, faute pour le préfet d'avoir sollicité qu'il communique des documents d'état civil légalisés et enfin de ce que le préfet n'a pas renversé la présomption de validité qui s'attache à ses actes d'état civil, lesquels ont été régularisés depuis.
En ce qui concerne la situation personnelle de M. A... en France :
13. En premier lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
14. M. A..., entré mineur, résidait depuis seulement deux ans sur le territoire français à la date de la décision en litige. Il y est dépourvu d'attaches familiales. Il ressort des pièces du dossier que, dès qu'il a pu être scolarisé en unité pédagogique d'enseignement pour élèves allophones, il s'est impliqué dans l'apprentissage notamment du français et qu'il a obtenu son diplôme de d'études en langue française, niveau A2. Devenu majeur en mai 2021, il a bénéficié d'un contrat jeune majeur avec le département de Meurthe-et-Moselle et s'est engagé, au titre de l'année 2021/2022, en première année de certificat d'aptitude professionnelle " monteur en installations sanitaires ". Il est établi qu'il s'est investi avec sérieux dans sa scolarité et qu'il avait le soutien de ses professeurs. Toutefois, ces éléments de sa situation personnelle ne suffisent pas à le faire regarder comme ayant, à la date de la décision en litige, désormais ancré en France l'essentiel de sa vie privée. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le refus de séjour qui lui a été opposé méconnaît les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
15. En second lieu, en dépit des efforts fournis par M. A... pour s'engager notamment dans un parcours de formation professionnelle et de ses capacités d'insertion sociale, attestées notamment par la cheffe du service du dispositif qui le prend en charge, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision en litige serait, à la date à laquelle elle est intervenue, entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 2 novembre 2021. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Chaïb et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète de Meurthe-et-Moselle.
Délibéré après l'audience du 5 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, présidente,
M. Agnel, président-assesseur,
Mme Brodier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 septembre 2024.
La rapporteure,
Signé : H. Brodier Le président,
Signé : J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
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N° 23NC02174