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23/07/2024 | FRANCE | N°24NC00569

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 3ème chambre, 23 juillet 2024, 24NC00569


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la délibération du jury du diplôme du 10 février 2023 en tant qu'elle refuse d'autoriser le redoublement de sa seconde année de master psychologie clinique, psychopathologie, psychologie de la santé, parcours psychopathologies et psychothérapies au sein de l'université de Reims Champagne-Ardenne, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé le 4 mai 2023.

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Par un jugement n° 2301666 du 1er mars 2024, le tribunal administratif

de Châlons-...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la délibération du jury du diplôme du 10 février 2023 en tant qu'elle refuse d'autoriser le redoublement de sa seconde année de master psychologie clinique, psychopathologie, psychologie de la santé, parcours psychopathologies et psychothérapies au sein de l'université de Reims Champagne-Ardenne, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé le 4 mai 2023.

Par un jugement n° 2301666 du 1er mars 2024, le tribunal administratif

de Châlons-en-Champagne a annulé la délibération du jury du diplôme du 10 février 2023, ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux formé le 4 mars 2023, a enjoint à ce jury d'autoriser temporairement Mme B... à redoubler sa seconde année de master dans un délai de quinze jours suivant la notification de ce jugement et sous astreinte de cent euros par jour de retard, enfin, a mis à la charge de l'université de Reims Champagne-Ardenne la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 mars 2024, l'université de Reims

Champagne-Ardenne, représentée par Me Dreyfus, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2301666 du tribunal administratif du 1er mars 2024 ;

2°) de rejeter la demande présentée en première instance par Mme B... ;

3°) de mettre à la charge de Mme B... la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement contesté est entaché d'irrégularité en raison de l'existence d'une contradiction entre ses motifs et son dispositif ;

- en effet, il existe une contradiction flagrante entre les motifs retenus pour l'annulation de la délibération attaquée, fondés sur l'autorité absolue de la chose jugée qui s'attache au jugement n° 2202628 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 3 février 2023, malgré l'appel formé contre celui-ci, et les mesures d'injonction qui, prononcées dans l'attente de l'issue de cet appel, ont un effet provisoire ;

- le jugement contesté est également entaché d'irrégularité en raison d'une omission à statuer de la part des premiers juges, dès lors que l'autorité absolue de la chose jugée ne pouvait pas servir de fondement à l'annulation prononcée et qu'il appartenait aux premiers juges de se prononcer sur l'ensemble des moyens soulevés ;

- les premiers juges ont méconnu leur office en enjoignant au jury du diplôme d'autoriser Mme B... à redoubler temporairement son année de master " dans l'attente qu'il soit statué sur l'appel formé par l'URCA contre le jugement du 3 février 2023 " ;

- les mesures provisoires étant l'apanage du juge des référés, il n'appartient pas au juge du fond de prononcer des mesures dont l'effet ne serait que temporaire ;

- l'injonction ainsi prononcée aboutit à créer une situation invraisemblable puisqu'elle implique que Mme B... s'inscrive à l'université en mars 2024 à une date où les inscriptions sont closes et l'année universitaire presque achevée et, en outre, expose l'intéressée, si elle venait à obtenir son diplôme, à ce que celui-ci soit annulé en cas d'annulation par la cour du jugement n° 2202628 du 3 février 2023 ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 avril 2024, Mme A... B..., représentée par Me Ambrosi, conclut :

1°) à titre principal,

- au rejet de la requête ;

- à l'annulation de l'article 2 du dispositif du jugement de première instance ;

- à ce qu'il soit enjoint au jury du diplôme de l'autoriser à redoubler sa seconde année de master à compter de la prochaine rentrée scolaire, dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir et sous astreinte de deux cents euros par jour de retard ;

2°) à titre subsidiaire,

- à l'annulation de la délibération du 10 février 2023, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé le 4 mai 2023 ;

- à ce qu'il soit enjoint au jury du diplôme de l'autoriser à redoubler sa seconde année de master à compter de la prochaine rentrée scolaire, dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir et sous astreinte de deux cents par jour de retard ;

3°) en tout état de cause, à la mise à la charge de l'université de Reims

Champagne-Ardenne d'une somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'injonction prononcée dans le jugement n° 2202628 du 3 février 2023 n'a pas le caractère d'une mesure provisoire puisqu'il est enjoint au jury du diplôme de l'autoriser Mme B... à redoubler sa seconde année de master ;

- en refusant à nouveau d'autoriser l'étudiante à redoubler, le jury du diplôme a méconnu l'autorité de la chose jugée qui s'attache au jugement n° 2202628 du 3 février 2023 et a ainsi entaché sa délibération du 10 février 2023 d'une erreur de droit ;

- en revanche, le jugement de première instance doit être annulé en tant qu'il a enjoint le jury du diplôme, " compte tenu du motif d'annulation retenu ", de l'autoriser " temporairement " à redoubler sa seconde année de master, " dans l'attente qu'il soit statué sur l'appel formé par l'URCA contre le jugement du 3 février 2023 " ;

- contrairement au juge des référés, il n'appartient pas au juge du fond de prononcer des mesures dont l'effet ne serait que temporaire ;

- une telle injonction conduit à créer une situation invraisemblable puisqu'elle serait autorisée à redoubler en cours d'année alors que les inscriptions sont closes ;

- il existe une contradiction entre le motif d'annulation retenu par les premiers juges, à savoir la méconnaissance de l'autorité de la chose jugée, dont est revêtu le jugement n° 2202628 du 3 février 2023 et l'injonction visant à attendre l'issue de la procédure d'appel dirigé contre ce même jugement ;

- l'annulation de la délibération du 10 février 2023 implique qu'elle soit définitivement autorisée à redoubler sa seconde année de master à compter de la prochaine année universitaire ;

- la délibération du 10 février 2023 et la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé le 4 mai 2023 méconnaissent l'autorité de la chose jugée dont est revêtu le jugement n° 2202628 du 3 février 2023 ;

- en tant qu'elles refusent de l'autoriser à redoubler sa seconde année de master, cette délibération et cette décision sont entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'éducation ;

- le décret n° 2010-534 du 20 mai 2010 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Meisse,

- les conclusions de M. Marchal, rapporteur public,

- et les observations de Me Ambrosi, représentant Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... B... a intégré la première année du master de psychologie clinique, psychopathologie, psychologie de la santé, parcours psychopathologies et psychothérapies, au sein de l'université de Reims Champagne-Ardenne, pour l'année universitaire 2020-2021. Ayant validé sa première année en juin 2021, elle s'est inscrite en seconde année du master pour l'année universitaire 2021-2022. Par une délibération du 25 septembre 2022, le jury du diplôme a prononcé son ajournement et a refusé de lui accorder le bénéfice d'un redoublement en raison de la faiblesse de la note obtenue par l'intéressée lors de la soutenance de son mémoire de recherche et de son rapport de stage. Par un jugement n° 2202628 du 3 février 2023, le tribunal administratif

de Châlons-en-Champagne a annulé cette délibération et a enjoint au jury du diplôme d'autoriser le redoublement de l'intéressée de sa seconde année de master dans un délai de quinze jours suivant sa date de notification. Le jury du diplôme ayant, par une nouvelle délibération du 10 février 2023, maintenu son refus d'autoriser le redoublement, Mme B... a formé un recours gracieux contre cette décision le 4 mai 2023, qui s'est heurté au silence de l'administration, puis a saisi le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'une nouvelle demande tendant à l'annulation de cette seconde délibération et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux. L'université de Reims Champagne-Ardenne relève appel du jugement n° 2301666 du 1er mars 2024, qui annule la délibération et la décision contestées et enjoint au jury du diplôme d'autoriser temporairement Mme B... à redoubler sa seconde année de master dans un délai de quinze jours suivant sa notification et sous astreinte de cent euros par jour de retard.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, il résulte des motifs du jugement contesté que les premiers juges, après avoir annulé pour méconnaissance de l'autorité de la chose jugée, la délibération du 10 février 2023 et la décision implicite de rejet du recours gracieux formé le 4 mai 2023, ont enjoint au jury du diplôme d'accorder à Mme B... une autorisation de redoublement de sa seconde année de master " dans l'attente qu'il soit statué sur l'appel formé par le université de Reims Champagne-Ardenne contre le jugement du 3 février 2023 ". Dans ces conditions, contrairement aux allégations de l'université de Reims Champagne-Ardenne, il n'existe pas de contradiction entre ces motifs et le dispositif de ce même jugement, qui prononce l'annulation de la délibération et de la décision implicite contestées par la demanderesse et fait injonction au jury du diplôme d'autoriser temporairement celle-ci à redoubler dans un délai de quinze jours et sous astreinte de cent euros par jour de retard. Par suite, il y a lieu d'écarter le moyen d'irrégularité invoqué en ce sens par la requérante.

3. En second lieu, il n'est pas sérieusement contesté que la délibération du jury du diplôme du 10 février 2023, qui réitère son refus d'autoriser Mme B... à redoubler sa seconde année de master, méconnaît l'autorité de la chose jugée qui s'attache au jugement n° 2202628 du 3 février 2023, par lequel le tribunal administratif de

Châlons-en-Champagne a annulé, de façon définitive, la délibération du 25 septembre 2022 et a enjoint à ce jury d'accorder à l'intéressée une autorisation de redoublement dans un délai de quinze jours suivant sa date de notification. Dans ces conditions, en prononçant l'annulation pour ce motif de la délibération du 10 février 2023 et de la décision implicite de rejet du recours gracieux formé le 4 mai 2023, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la demande tiré de l'erreur manifeste d'appréciation, les premiers juges n'ont pas entaché leur jugement d'irrégularité en raison d'une omission à statuer. Par suite, ce moyen ne peut être accueilli.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. ". Aux termes de l'article L. 911-3 du même code : " La juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet. ".

5. Ainsi qu'il a été dit au point 2 du présent arrêt, il est constant que les premiers juges, après avoir annulé la délibération du 10 février 2023 et la décision implicite de rejet du recours gracieux formé le 4 mai 2024 pour méconnaissance de l'autorité de la chose jugée, ont enjoint au jury du diplôme d'autoriser temporairement Mme B... à redoubler sa deuxième année de master dans l'attente qu'il soit statué sur l'appel formé par l'université de Reims Champagne-Ardenne contre le jugement du 3 février 2023. En se bornant à prononcer une injonction temporaire, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne n'a pas tiré pleinement les conséquences de l'annulation ainsi prononcée à titre définitif. Par suite, l'université de Reims Champagne-Ardenne et Mme B..., par la voie de l'appel incident, sont fondés respectivement à demander l'annulation de l'article 2 du dispositif du jugement contesté.

6. Saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, il appartient à la cour, eu égard au motif d'annulation retenu, d'enjoindre au jury du diplôme d'autoriser Mme B... à redoubler sa seconde année de master au titre de l'année

universitaire 2024-2025 dans un délai de quinze jours suivant la notification du présent arrêt et sous une astreinte par jour de retard qui doit être portée à cent cinquante euros.

Sur les frais de justice :

7. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les parties en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : L'article 2 du dispositif du jugement n° 2301666 du 1er mars 2024 est annulé.

Article 2 : Il est enjoint au jury du diplôme d'autoriser Mme B... à redoubler sa seconde année de master au titre de l'année universitaire 2024-2025 dans un délai de quinze jours suivant la notification du présent arrêt et sous une astreinte par jour de retard portée à cent cinquante euros.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'université de Reims Champagne-Ardenne et à Mme A... B....

Délibéré après l'audience du 25 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Bauer, présidente,

- M. Meisse, premier conseiller,

- M. Barteaux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 juillet 2024.

Le rapporteur,

Signé : E. MEISSE

La présidente,

Signé : S. BAUER

Le greffier,

Signé : F. LORRAIN

La République mande et ordonne à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

N° 24NC00569 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NC00569
Date de la décision : 23/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BAUER
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: M. MARCHAL
Avocat(s) : AMBROSI

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-23;24nc00569 ?
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