La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/07/2024 | FRANCE | N°23NC02461

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 1ère chambre, 23 juillet 2024, 23NC02461


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 13 octobre 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éloignement.



M. D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 13 octobre 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin l'a obligé à quitter le territoire français dans un dé

lai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éloignement.



Par un jugement commun ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 13 octobre 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éloignement.

M. D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 13 octobre 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éloignement.

Par un jugement commun n°s 2207228-2207229 du 16 janvier 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ces recours.

Mme C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 6 janvier 2023, par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2300973 du 18 avril 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ce recours.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée sous le n° 23NC02461, le 25 juillet 2023, Mme A... C..., représentée par Me Berry, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 16 janvier 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 13 octobre 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éloignement ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours avec une astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours avec une astreinte de 100 euros par jour de retard et, dans cette attente, lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, moyennant la renonciation de son avocat à percevoir la contribution versée par l'État au titre de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

- s'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée ;

- la préfète du Bas-Rhin n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;

- elle méconnaît le 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la préfète du Bas-Rhin a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- s'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité affectant le titre de séjour ;

- elle méconnaît les articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 30 juin 2023.

II. Par une requête enregistrée sous le n° 23NC02463, le 25 juillet 2023, M. D..., représenté par Me Berry, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 16 janvier 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 13 octobre 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éloignement ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour dans délai de quinze jours avec une astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours avec une astreinte de 100 euros par jour de retard et, dans cette attente, lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, moyennant la renonciation de son avocat à percevoir la contribution versée par l'État au titre de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- s'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée ;

- la préfète du Bas-Rhin n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;

- la préfète du Bas-Rhin a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- s'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité affectant le refus de titre de séjour.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 30 juin 2023.

III. Par une requête, enregistrée sous le n° 23NC02690 le 11 août 2023, Mme A... C..., représentée par Me Berry, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 18 avril 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 6 janvier 2023 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éloignement ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour dans délai de quinze jours avec une astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours avec une astreinte de 100 euros par jour de retard et, dans cette attente, lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, moyennant la renonciation de son avocat à percevoir la contribution versée par l'État au titre de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient :

- s'agissant du refus de titre de séjour, il méconnaît l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- s'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

- elle méconnaît le 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la préfète du Bas-Rhin a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- s'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

- l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français la prive de base légale ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Mme C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 10 juillet 2023.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Sibileau, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... C..., ressortissante géorgienne née le 27 janvier 1980, est entrée en France selon ses dires le 9 septembre 2021. L'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté le 7 avril 2022 sa demande d'admission au statut de réfugié. Le 22 juillet 2022 la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) a confirmé la décision de l'OFPRA. Par un arrêté du 13 octobre 2022 le préfet du Bas-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 16 janvier 2023 dont Mme C... relève appel, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ce recours.

2. Mme A... C... a également sollicité le 14 décembre 2021 son admission au séjour en raison de son état de santé. Par un arrêté du 6 janvier 2023, la préfète du Bas-Rhin a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement n° 2300973 du 18 avril 2023 dont Mme C... demande l'annulation, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 janvier 2023.

3. M. D..., ressortissant géorgien né le 24 août 1986 est entré en France selon ses dires le 9 septembre 2021. L'OFPRA a rejeté le 7 avril 2022 sa demande d'admission au statut de réfugié. Le 22 juillet 2022 la CNDA a confirmé la décision de l'OFPRA. Par un arrêté du 13 octobre 2022, la préfète du Bas-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... relève appel du jugement du 16 janvier 2023 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 13 octobre 2022.

4. Les requêtes n°s 23NC02461, 23NC02463 et 23NC02690 concernent la situation des membres d'une même famille. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 13 octobre 2022 présentées par Mme C... :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

5. En premier lieu, contrairement à ce que soutient l'appelante, l'arrêté contesté, qui comporte l'exposé des faits et des considérations de droit sur lesquels il se fonde, est suffisamment motivé. La préfète du Bas-Rhin, qui a mentionné dans son arrêté que les autorités en charge de l'asile ont rejeté ses demandes de protection internationale, qu'elle est mariée et a un enfant mineur et qu'aucune circonstance ne fait obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue dans le pays d'origine, a procédé à un examen complet de la situation personnelle de Mme C....

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) ". Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable (...) ".

7. A l'appui de sa demande, Mme C... soutient que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, elle ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Elle verse à l'appui de sa requête une attestation d'un médecin généraliste au demeurant non circonstancié et un rapport de pathologie traduit du turc qui ne contient aucune précision utile ni sur la gravité de sa pathologie ni sur la disponibilité des soins rendus nécessaires. Par suite, Mme C... n'est fondée à soutenir ni que la préfète du Bas-Rhin a fait une inexacte application des dispositions précitées en prenant la décision attaquée ni qu'elle ait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision sur la situation personnelle de l'intéressée.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Si Mme C... soutient que l'intérêt supérieur de son fils mineur s'oppose à son retour dans son pays, elle n'assortit pas ce moyen des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention précitée doit être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

9. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit précédemment, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, la décision fixant le pays de destination n'a pas été prise sur le fondement d'une décision faisant obligation de quitter le territoire français illégale. Le moyen tiré d'une telle exception d'illégalité ne peut, dès lors, qu'être écarté.

10. En second lieu, aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : / 1° Le pays dont l'étranger a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu la qualité de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / 2° Un autre pays pour lequel un document de voyage en cours de validité a été délivré en application d'un accord ou arrangement de réadmission européen ou bilatéral ; / 3° Ou, avec l'accord de l'étranger, tout autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".

11. Méconnaissent les stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les cas d'éloignement d'une personne gravement malade, dans lesquels il y a des motifs sérieux de croire que cette personne, bien que ne courant pas de risque imminent de mourir, ferait face, en raison de l'absence de traitements adéquats dans le pays de destination ou du défaut d'accès à ceux-ci, à un risque réel d'être exposée à un déclin grave, rapide et irréversible de son état de santé entraînant des souffrances intenses ou à une réduction significative de son espérance de vie.

12. Il appartient aux requérants de produire des éléments susceptibles de démontrer qu'il y a des raisons sérieuses de penser que, si la mesure litigieuse était mise à exécution, ils seraient exposés à un risque réel de se voir infliger des traitements contraires à l'article 3. Lorsque de tels éléments sont produits, il incombe à l'administration, dans le cadre des procédures internes, de dissiper les doutes éventuels à leur sujet. L'évaluation du risque allégué doit faire l'objet d'un contrôle rigoureux à l'occasion duquel les autorités françaises doivent envisager les conséquences prévisibles du renvoi sur l'intéressé dans l'État de destination, compte tenu de la situation générale dans celui-ci et des circonstances propres au cas de l'intéressé. Les conséquences du renvoi sur l'intéressé doivent être évaluées en comparant son état de santé avant l'éloignement avec celui qui serait le sien dans l'État de destination après y avoir été envoyé. Il y a lieu de vérifier au cas par cas si les soins généralement disponibles dans l'État de destination sont suffisants et adéquats en pratique pour traiter la pathologie dont souffre l'intéressé afin d'éviter qu'il soit exposé à un traitement contraire à l'article 3. Les autorités doivent aussi s'interroger sur la possibilité effective pour l'intéressé d'avoir accès à ces soins et équipements dans l'État de destination. Dans l'hypothèse où, après l'examen des données de la cause, de sérieux doutes persistent quant à l'impact de l'éloignement sur les intéressés, il appartient aux autorités françaises d'obtenir de l'État de destination, comme condition préalable à l'éloignement, des assurances individuelles et suffisantes que des traitements adéquats seront disponibles et accessibles aux intéressés afin qu'ils ne se retrouvent pas dans une situation contraire à l'article 3.

13. Le moyen doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7 ci-dessus.

Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 13 octobre 2022 présentées par M. B... :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

14. En premier lieu, contrairement à ce que soutient l'appelant, l'arrêté contesté, qui comporte l'exposé des faits et des considérations de droit sur lesquels il se fonde, est suffisamment motivé. La préfète du Bas-Rhin, qui a mentionné dans son arrêté que les autorités en charge de l'asile ont rejeté le 7 avril 2022 et le 22 juillet 2022 les demandes de protection internationale de l'intéressé et que ses liens personnels et familiaux avec la France ne sont pas anciens, intenses et stables, a procédé à un examen complet de la situation personnelle de M. B....

15. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

16. M. B... soutient que l'état de santé de sa compagne justifie la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de son état de santé. Il ressort toutefois des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit plus haut, que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est irrégulièrement que la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de son état de santé. Par suite, compte tenu des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions de séjour de l'intéressé en France, l'arrêté litigieux du 13 octobre 2022 n'a pas porté au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Ainsi, la préfète du Bas-Rhin n'a ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur la situation personnelle de l'intéressé.

17. En troisième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8 ci-dessus.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

18. Ainsi qu'il a été dit précédemment, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, la décision fixant le pays de destination n'a pas été prise sur le fondement d'une décision faisant obligation de quitter le territoire français illégale. Le moyen tiré d'une telle exception d'illégalité ne peut, dès lors, qu'être écarté.

Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 6 janvier 2023 présentées par Mme C... :

19. En premier lieu, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte-tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

20. Dans son avis du 3 mai 2022, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration précise que l'état de santé de l'intéressée nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'elle pouvait, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé de son pays d'origine, y bénéficier effectivement d'un traitement adapté et qu'au vu des éléments du dossier et à la date de l'avis, elle pouvait voyager sans risque.

21. Le moyen doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7 ci-dessus.

22. En deuxième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8 ci-dessus.

23. En troisième lieu, ainsi qu'il a été dit précédemment, les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ne sont pas entachées d'illégalité. Par suite, la décision fixant le pays de destination n'a pas été prise sur le fondement de décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français illégales. Le moyen tiré d'une telle exception d'illégalité ne peut, dès lors, qu'être écarté.

24. En quatrième et dernier lieu, le moyen tiré, s'agissant de l'état de santé de Mme C..., de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7 ci-dessus. De surcroît si Mme C..., dont les demandes de protection internationale ont été rejetées par l'OFPRA et la CNDA les 7 avril 2022 et 22 juillet 2022, soutient avoir quitté la Géorgie en raison des menaces pesant sur sa vie et ses libertés, elle n'assortit pas ses allégations des précisions permettant à la cour d'en apprécier le bien-fondé.

25. En conclusion, il résulte de tout ce qui précède que Mme C... et M. B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, les conclusions présentées à fin d'injonction et celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes de Mme C... sont rejetées.

Article 2 : La requête de M. B... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C..., à M. E... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 27 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Wallerich, président de chambre,

- M. Sibileau, premier conseiller,

- Mme Peton, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 juillet 2024.

Le rapporteur,

Signé : J.-B. SibileauLe président,

Signé : M. Wallerich

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

2

N°s 23NC02461-23NC02463-23NC02690


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NC02461
Date de la décision : 23/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: M. Jean-Baptiste SIBILEAU
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : BERRY

Origine de la décision
Date de l'import : 27/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-23;23nc02461 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award