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23/07/2024 | FRANCE | N°23NC01775

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 1ère chambre, 23 juillet 2024, 23NC01775


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 25 avril 2022 par lequel le préfet des Vosges a refusé de lui délivrer un titre de séjour.



Par un jugement n° 2202329 du 22 novembre 2022, le tribunal administratif de Nancy a rejeté ce recours.



Procédure devant la cour :



Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 3 juin 2023 et le 14 novembre 2023, Mme C..., repr

sentée par Me Jeannot, demande à la cour :



1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 22 nove...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 25 avril 2022 par lequel le préfet des Vosges a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 2202329 du 22 novembre 2022, le tribunal administratif de Nancy a rejeté ce recours.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 3 juin 2023 et le 14 novembre 2023, Mme C..., représentée par Me Jeannot, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 22 novembre 2022 ;

2°) d'annuler la décision du 25 avril 2022 par laquelle le préfet des Vosges a refusé de faire droit à sa demande de titre de séjour ;

3°) d'enjoindre au préfet des Vosges de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer dans l'intervalle une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans le même délai et de lui délivrer dans l'intervalle une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, moyennant la renonciation de son avocat à percevoir la contribution versée par l'État au titre de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

- s'agissant de la régularité du jugement :

- les premiers juges ont insuffisamment répondu aux moyens tirés de la méconnaissance des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- les premiers juges n'ont pas examiné sa demande ;

- s'agissant de la légalité de l'arrêté du 25 avril 2022 :

- il est insuffisamment motivé ;

- le préfet des Vosges n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;

- il méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 septembre 2023, le préfet des Vosges conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir :

- la requête en appel est irrecevable faute d'une motivation distincte de celle développée devant les premiers juges ;

- les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Un mémoire complémentaire présenté le 30 novembre 2023 pour le préfet des Vosges a été reçu et non communiqué.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 2 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Sibileau, premier conseiller,

- et les observations de Me Jeannot, pour Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante du Monténégro née le 14 août 1997, est entrée en France le 1er juillet 2016, selon ses déclarations pour y solliciter le statut de réfugié. Sa demande d'asile a été rejetée par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 31 mars 2017 et de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 17 novembre 2017. Elle a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français par un arrêté du préfet des Vosges du 11 janvier 2018. Le recours formé contre cette décision a été rejeté par un jugement du tribunal administratif de Nancy en date du 20 mars 2018. Le recours que l'intéressée a formé contre le refus de protection contre l'éloignement qui lui avait été opposé par une décision du 15 juin 2018 a également été rejeté par un jugement du tribunal administratif de Nancy en date du 11 février 2020 et un arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 15 avril 2021. M. B..., son époux, et Mme A... ont, respectivement les 19 janvier 2021 et 1er février 2021, sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Leurs demandes ont été rejetées par deux arrêtés du préfet des Vosges en date du 4 octobre 2021, qui a assorti ces décisions de refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Les recours formés contre ces arrêtés ont été rejetés par un jugement du tribunal administratif de Nancy en date du 7 avril 2022. Par un courrier en date du 7 février 2022, Mme A... a sollicité un titre de séjour en se prévalant de sa situation personnelle et de l'occupation d'un emploi. Par un arrêté du 25 avril 2022, le préfet des Vosges a refusé de lui délivrer un titre de séjour. Par un jugement du 22 novembre 2022 dont Mme A... relève appel, le tribunal administratif de Nancy a rejeté ce recours.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il résulte des motifs mêmes du jugement que le tribunal administratif de Nancy a expressément répondu aux moyens contenus dans le mémoire produit par la requérante. En particulier, le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, n'a pas omis de répondre aux moyens tirés de la méconnaissance des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que les premiers juges n'auraient pas examiné sa demande ni que le jugement serait entaché d'irrégularité.

Sur la légalité de l'arrêté du 25 avril 2022 :

3. En premier lieu, l'arrêté litigieux, qui n'avait pas à reprendre tous les éléments de la situation personnelle de la requérante, précise les dispositions légales sur lesquelles il s'appuie et rappelle de manière non stéréotypée les principales considérations relatives à la situation de Mme A..., notamment ses conditions d'entrée et de séjour en France et sa situation familiale. Par suite le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision doit être écarté. En outre, il ressort des termes mêmes de l'arrêté litigieux que le préfet a procédé à un examen sérieux de la situation individuelle de l'intéressée.

4. En second lieu, d'une part aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

5. D'autre part aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article L. 435-1 du même code : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ".

6. Mme A... soutient résider en France depuis 2016, que ses enfants sont scolarisés en France, avoir développé un projet professionnel, maîtriser la langue française et avoir consenti à d'importants efforts d'insertion dans la société française et qu'il lui est impossible de rentrer dans son pays d'origine. Il ressort toutefois des pièces du dossier que la durée du séjour de l'intéressée trouve essentiellement son origine dans son refus d'exécuter de précédentes décisions d'éloignement, qu'elle ne pouvait ignorer la précarité de sa situation administrative et que les autorités en charge de l'asile ont rejeté les demandes de protection internationale de l'intéressée dont il n'est pas établi qu'elle soit dépourvue de toute attache familiale dans son pays d'origine ou que la scolarité de ses enfants ne puisse se poursuivre au Monténégro. Par suite, compte tenu des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions de séjour de l'intéressée en France, l'arrêté litigieux du 25 avril 2022 n'a pas porté au droit de l'appelante au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Ainsi, le préfet des Vosges n'a ni méconnu les stipulations et dispositions précitées, ni commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur la situation personnelle de l'intéressée.

7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, les conclusions présentées à fin d'injonction et celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète des Vosges.

Délibéré après l'audience du 27 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Wallerich, président de chambre,

- M. Sibileau, premier conseiller,

- Mme Peton, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 juillet 2024.

Le rapporteur,

Signé : J.-B. SibileauLe président,

Signé : M. Wallerich

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

2

N° 23NC01775


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NC01775
Date de la décision : 23/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: M. Jean-Baptiste SIBILEAU
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : JEANNOT

Origine de la décision
Date de l'import : 27/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-23;23nc01775 ?
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