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04/07/2024 | FRANCE | N°23NC02891

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 4ème chambre, 04 juillet 2024, 23NC02891


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler les arrêtés du 2 mai 2023, par lesquels le préfet de Meurthe-et-Moselle l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a assorti l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an, a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office et l'a assignée à résidence pour une durée de 45 jours, renouvelab

le une fois, dans le département de la Meurthe-et-Moselle.





Par un jugement n° 23...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler les arrêtés du 2 mai 2023, par lesquels le préfet de Meurthe-et-Moselle l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a assorti l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an, a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office et l'a assignée à résidence pour une durée de 45 jours, renouvelable une fois, dans le département de la Meurthe-et-Moselle.

Par un jugement n° 2301379 du 17 mai 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 septembre 2023, Mme B..., représentée par Me Coche-Mainente, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les arrêtés du préfet de Meurthe-et-Moselle du 2 mai 2023 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire français et l'assignation à résidence ont été édictées à l'issue d'une procédure menée en méconnaissance de son droit d'être entendue garanti par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et en vertu du principe général du droit de l'Union relatif au respect des droits de la défense ;

- l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination et lui interdisant de revenir sur le territoire français pour une durée d'un an est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire est entachée d'illégalité en conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'elle ne présente pas de risque de fuite ;

- la décision fixant le pays de destination est entachée d'illégalité en conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est dépourvue de base légale, dès lors qu'elle fait application d'une obligation de quitter le territoire français illégale ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle et d'une erreur de fait dès lors qu'elle se fonde sur la circonstance, erronée, qu'elle se serait soustraite à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ;

- elle a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant assignation à résidence est entachée d'illégalité en conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ; elle est entachée d'une erreur de droit, le préfet ne précisant pas en quoi son éloignement demeure une perspective raisonnable et alors que le risque de fuite n'est pas établi ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et familiale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 novembre 2023, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la décision portant refus de délai de départ volontaire est fondée sur le risque de soustraction à l'exécution de la mesure d'éloignement, l'intéressée ayant clairement indiqué lors de son audition administrative du 2 mai 2023 qu'elle ne souhaitait pas repartir en Albanie et voulait rester en France ; le risque, tel qu'il est défini au 4° de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est ainsi avéré ;

- les autres moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 août 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience publique.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Bourguet-Chassagnon a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante albanaise, née le 21 avril 1990, entrée pour la première fois sur le territoire français le 25 novembre 2013 selon ses déclarations et, en dernier lieu, le 31 mars 2022, a présenté le 22 janvier 2014 une demande d'asile qui a été rejetée par une décision du 24 juin 2014 du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée le 5 février 2015 par la Cour nationale du droit d'asile. Ses demandes de réexamen ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides les 23 septembre 2015 et 14 octobre 2022, décisions confirmées par la Cour nationale du droit d'asile, respectivement les 7 juin 2016 et 16 janvier 2023. Par un arrêté du 24 mars 2015 dont la légalité a été confirmée par un arrêt de cette cour du 20 juin 2017, le préfet de Meurthe-et-Moselle a rejeté la demande de titre de séjour qu'elle lui avait présentée, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de son renvoi. Par deux arrêtés en date du 2 mai 2023, le préfet de Meurthe-et-Moselle l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office, a prononcé, à son encontre, une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et l'a assignée à résidence pour une durée de 45 jours, renouvelable une fois, dans le département de la Meurthe-et-Moselle. Par un jugement du 17 mai 2023, dont Mme B... relève appel, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur la légalité des décisions contestées :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...). Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

3. Il ressort des mentions de l'arrêté en litige que le préfet de Meurthe-et-Moselle, après avoir constaté l'irrégularité de l'entrée et du maintien sur le territoire français de Mme B... et rappelé les différentes décisions prises à la suite de sa demande d'asile, a examiné l'ensemble de sa situation personnelle et notamment pris en compte la présence de son fils né en août 2022, et a édicté une mesure d'éloignement à son encontre, fondée sur le 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Alors que le préfet n'est pas tenu de mentionner tous les éléments relatifs à la situation de l'étranger, la décision portant obligation de quitter le territoire français comporte ainsi l'ensemble des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision doit être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union ". Aux termes du paragraphe 2 de ce même article : " Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ".

5. Le droit d'être entendu, qui fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union, se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Ce droit ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.

6. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, que toute irrégularité dans l'exercice des droits de la défense lors d'une procédure administrative concernant un ressortissant d'un pays tiers en vue de son éloignement ne saurait constituer une violation de ces droits et, en conséquence, que tout manquement, notamment, au droit d'être entendu n'est pas de nature à entacher systématiquement d'illégalité la décision prise. Il revient à l'intéressé d'établir devant le juge chargé d'apprécier la légalité de cette décision que les éléments qu'il n'a pas pu présenter à l'administration auraient pu influer sur le sens de cette décision et il appartient au juge saisi d'une telle demande de vérifier, lorsqu'il estime être en présence d'une irrégularité affectant le droit d'être entendu, si, eu égard à l'ensemble des circonstances de fait et de droit spécifiques de l'espèce, cette violation a effectivement privé celui qui l'invoque de la possibilité de mieux faire valoir sa défense dans une mesure telle que cette procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent.

7. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que Mme B... a été mise à même de faire valoir ses observations lors de son audition par les services de police le 10 décembre 2023 à 10h40. Il ressort du procès-verbal de cette audition qu'elle a pu mentionner l'ensemble des éléments relatifs à sa situation personnelle. En tout état de cause, elle ne fait valoir aucun élément pertinent qui aurait pu influer sur le contenu des décisions en litige. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit être écarté.

8. En troisième lieu, si le préfet mentionne par erreur que l'intéressée s'est soustraite à l'exécution de la mesure d'éloignement édictée à son encontre en 2015, cette erreur de fait demeure sans incidence sur la légalité de la mesure d'éloignement, fondée sur les dispositions du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que la demande d'asile et les demandes de réexamen de l'intéressée ont fait l'objet de décisions de rejet de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmées par la Cour nationale du droit d'asile. Ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet ne se serait pas livré à un examen particulier de la situation de Mme B... avant d'édicter la décision portant obligation de quitter le territoire français.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

10. Mme B... fait valoir qu'elle a séjourné en France entre 2013 et jusqu'à son retour en Albanie en exécution de l'obligation de quitter le territoire français édictée à son encontre le 24 mars 2015, qu'elle séjourne habituellement en France depuis mars 2022, en compagnie de son fils né en août 2022, que ses parents et son frère demeurent en France et qu'elle n'a plus d'attaches familiales en Albanie. Eu égard au jeune âge de son fils et aux conditions de son séjour, à la circonstance non contestée que ses parents font également l'objet d'une mesure d'éloignement, et alors qu'il n'est pas établi que l'intéressée serait isolée en cas de retour en Albanie, il ne ressort pas des pièces du dossier que la mesure d'éloignement contestée porterait une atteinte disproportionnée au droit de Mme B... au respect de sa vie privée et familiale. Le préfet de Meurthe-et-Moselle n'a, par suite, en prenant cette décision, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la décision fixant le délai de départ volontaire :

11. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ; / 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement (...) ".

12. Il ressort des termes de l'arrêté attaqué que, pour refuser à l'intéressée l'octroi d'un délai de départ volontaire, le préfet de Meurthe-et-Moselle s'est fondé sur le motif prévu par le 3° de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en se référant à la circonstance que Mme B... se serait soustraite à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement. D'une part, il ressort des pièces du dossier que la requérante a exécuté la précédente mesure d'éloignement édictée à son encontre. D'autre part, si le préfet fait valoir en défense que le risque de fuite doit être présumé avéré, compte tenu des déclarations tenues par Mme B... lors de son audition administrative du 2 mai 2023, il ressort de cette pièce du dossier que l'intéressée s'est bornée à indiquer qu'elle ne souhaitait pas repartir et qu'elle désirait rester en France pour y mener une vie normale. Dès lors que la requérante s'est conformée à la précédente mesure d'éloignement édictée à son encontre en retournant volontairement en Albanie, ses propos ne peuvent, à eux seuls, être regardés comme traduisant explicitement son intention de ne pas se conformer à l'obligation de quitter le territoire français envisagée par le préfet. Il suit de là que la demande du préfet de substituer le motif prévu par le 4° de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en lieu et place du 5° initialement retenu ne peut être accueillie. Par suite, le risque que Mme B... se soustraie à l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français n'étant pas établi au sens du 3° de l'article L. 612-2 du code précité, la requérante est fondée à soutenir que la décision par laquelle le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire est entachée d'illégalité.

13. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés à l'encontre de ces décisions, Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision fixant le délai de départ volontaire, ainsi que, par voie de conséquence, les décisions portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et l'assignant à résidence, lesquelles étaient fondées, respectivement, sur l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et sur le 1° de l'article L. 731-1 de ce code.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

14. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas illégale, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de destination serait illégale en raison de l'illégalité de la mesure d'éloignement.

15. En deuxième lieu, il ressort des termes de l'arrêté attaqué que le préfet a précisé que l'intéressée serait reconduite à destination du pays dont elle a la nationalité, ou de tout autre pays dans lequel elle établit qu'elle est légalement admissible. La décision fixant le pays de renvoi comporte ainsi l'ensemble des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision doit être écarté.

16. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile devenu l'article L. 721-4 de ce code : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

17. Mme B... soutient qu'elle risque de subir des traitements prohibés par les stipulations et dispositions précitées en cas de retour dans le pays dont elle a la nationalité, l'Albanie, en raison de la présence dans ce pays de son ancien compagnon qu'elle a quitté pour motif de violences conjugales. Toutefois, la demande d'asile présentée par Mme B... a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides par décision du 24 juin 2014, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 5 février 2015. Il en a été de même s'agissant de sa demande de réexamen formulée lors de son retour en France en 2022. La requérante ne produit aucun élément établissant la réalité des risques auxquels elle serait personnellement exposée en cas de retour en Albanie. Par suite, la décision fixant le pays de destination n'a méconnu ni les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

18. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté ses conclusions à fin d'annulation des décisions lui refusant un délai de départ volontaire, lui interdisant de revenir sur le territoire français pour une durée d'un an et l'assignant à résidence. Par suite sa requête doit être rejetée en toutes ses autres conclusions.

Sur les frais liés à l'instance :

19. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de Mme B... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2301379 du 17 mai 2023 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nancy est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de la demande de Mme B... tendant à l'annulation des décisions du 2 mai 2023 par lesquelles le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire et lui a interdit de revenir sur le territoire français pour une durée d'un an ainsi que de l'arrêté du même jour ordonnant son assignation à résidence.

Article 2 : L'arrêté du 2 mai 2023 en tant que le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé d'accorder à Mme B... un délai de départ volontaire et lui a interdit de revenir sur le territoire français pour une durée d'un an ainsi que l'arrêté du même jour ordonnant son assignation à résidence sont annulés.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à Me Coche-Mainente et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.

Délibéré après l'audience du 13 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Bauer, présidente,

- Mme Bourguet-Chassagnon, première conseillère,

- Mme Roussaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2024.

La rapporteure,

Signé : M. Bourguet-ChassagnonLa présidente,

Signé : S. Bauer

La greffière,

Signé : N. Basso

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N. Basso

2

N° 23NC02891


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC02891
Date de la décision : 04/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BAUER
Rapporteur ?: Mme Mariannick BOURGUET-CHASSAGNON
Rapporteur public ?: M. MARCHAL
Avocat(s) : COCHE-MAINENTE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-04;23nc02891 ?
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