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04/07/2024 | FRANCE | N°23NC02584

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 4ème chambre, 04 juillet 2024, 23NC02584


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 20 janvier 2023, par lequel le préfet de la Haute-Saône a rejeté sa demande de renouvellement du titre de séjour qui lui avait été délivré pour motifs de soins, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a assorti l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an et a fixé le pa

ys à destination duquel elle pourra être reconduite d'office.





Par un jugement n° 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 20 janvier 2023, par lequel le préfet de la Haute-Saône a rejeté sa demande de renouvellement du titre de séjour qui lui avait été délivré pour motifs de soins, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a assorti l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office.

Par un jugement n° 2300262 du 4 mai 2023, le tribunal administratif de Besançon a annulé la décision portant interdiction de retour sur le territoire français édictée à son encontre et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 août 2023, Mme A..., représentée par la SELARLU Amandine Dravigny, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant que celui-ci a rejeté le surplus de sa demande ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Saône du 20 janvier 2023 en tant qu'il porte refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixe le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Saône, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros H.T. à verser à son conseil sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français a méconnu les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 novembre 2023, le préfet de la Haute-Saône conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 juin 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience publique.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Bourguet-Chassagnon a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante béninoise, née le 10 septembre 1964, entrée sur le territoire français le 19 mars 2018 sous couvert d'un visa de court séjour, a demandé au préfet de la Haute-Saône le 1er octobre 2018 la délivrance d'un titre de séjour en qualité de conjoint de Français. Ce titre de séjour ne lui a pas été délivré, compte tenu de l'introduction par l'intéressée d'une requête en divorce le 15 octobre 2019. A la suite du dépôt d'une nouvelle demande de titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 311-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, Mme A... a bénéficié d'un titre de séjour valable du 27 novembre 2020 au 26 novembre 2021. Le 26 octobre 2021, elle en a demandé le renouvellement. Par un arrêté en date du 20 janvier 2023, le préfet de la Haute-Saône a refusé de lui délivrer le titre demandé, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office et a prononcé, à son encontre, une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Par un jugement du 4 mai 2023, dont Mme A... relève partiellement appel, le tribunal administratif de Besançon a prononcé l'annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français et a rejeté le surplus de sa demande.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".

3. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, aux conséquences de l'interruption de sa prise en charge médicale ou à la possibilité pour lui d'en bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire, il appartient au juge administratif de prendre en considération l'avis médical rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Si le demandeur entend contester le sens de cet avis, il appartient à lui seul de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, en sollicitant sa communication, ainsi que les éléments versés par le demandeur au débat contradictoire. Pour déterminer si un étranger peut bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire d'un traitement médical approprié, au sens de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il convient de s'assurer, eu égard à la pathologie de l'intéressé, de l'existence d'un traitement approprié et de sa disponibilité dans des conditions permettant d'y avoir accès, et non de rechercher si les soins dans le pays d'origine sont équivalents à ceux offerts en France ou en Europe.

4. Le préfet de la Haute-Saône a estimé, au vu notamment de l'avis du collège de médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 27 septembre 2022, que si l'état de santé de Mme A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'intéressée peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié au Bénin, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé de ce pays et qu'elle peut y voyager sans risque. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté attaqué, l'intéressée souffrait, notamment, d'hypertension artérielle, d'un syndrome d'apnées obstructives du sommeil (SAOS) et était également suivie au centre hospitalier de Besançon dans le cadre des séquelles d'une poliomyélite antérieure aigue. La requérante ne conteste pas la disponibilité, dans son pays d'origine, du traitement qui lui a été prescrit pour son hypertension artérielle. Il ressort également des pièces du dossier que, pour équilibrer le diabète de type 2 dont Mme A... est atteinte, découvert, au plus tôt, à une date contemporaine de l'édiction de la décision attaquée, un traitement à base d'insuline, de metformine et de dulaglutide (commercialisé sous le nom de " C... "), lui a été prescrit pour la première fois le 4 février 2023, postérieurement à la décision attaquée. La circonstance que les injections de ce médicament ne sont pas commercialisées au Bénin est ainsi sans incidence sur la légalité de la décision attaquée, laquelle s'apprécie à la date de son édiction. En tout état de cause, il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté que l'insuline et la metformine sont disponibles au Bénin. Si la requérante verse au dossier un certificat médical établi le 23 août 2023 par un praticien béninois indiquant que le diabète de la patiente sera difficile à équilibrer au Bénin du fait des comorbidités et de l'indisponibilité du médicament " C... ", il ne ressort pas de cette pièce insuffisamment circonstanciée que Mme A... ne pourra accéder au traitement approprié à cette pathologie dans son pays d'origine. Enfin, la requérante n'apporte aucun élément démontrant qu'elle serait dans l'incapacité financière d'accéder à un traitement approprié au Bénin alors que le préfet de la Haute-Saône fait valoir sans être contesté que le Bénin s'est doté d'un régime d'assurance maladie universelle (RAMU) et que les personnes vulnérables sont dispensées du paiement des cotisations, sous condition de ressources. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que le préfet de la Haute-Saône a commis une erreur d'appréciation en estimant que son traitement était disponible au Bénin.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ".

6. Pour les motifs exposés au point 4, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 9° de l'article L. 611-3° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

7. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. Mme A... fait valoir qu'elle séjourne habituellement en France depuis le 19 mars 2018, que son fils, ses deux petits-enfants et sa demi-sœur française y résident et qu'elle est insérée professionnellement. Il ressort toutefois des pièces du dossier, qu'à la date de la décision attaquée, l'intéressée, dont l'intensité des liens avec les membres de sa famille présents en France ne ressort pas des pièces versées, est célibataire, sans charges de famille en France et ne soutient pas être dépourvue d'attaches familiales dans le pays dont elle a la nationalité, le Bénin, et où elle a vécu jusqu'à l'âge de 54 ans. Ainsi, les décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français n'ont pas porté une atteinte disproportionnée au droit de Mme A... au respect de sa vie privée et familiale. Le préfet de la Haute-Saône n'a, par suite, en prenant ces décisions, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté le surplus de sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à la SELARLU Amandine Dravigny et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Saône.

Délibéré après l'audience du 13 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Bauer, présidente,

- Mme Bourguet-Chassagnon, première conseillère,

- Mme Roussaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2024.

La rapporteure,

Signé : M. Bourguet-ChassagnonLa présidente,

Signé : S. Bauer

La greffière,

Signé : N. Basso

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N. Basso

2

N° 23NC02584


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC02584
Date de la décision : 04/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BAUER
Rapporteur ?: Mme Mariannick BOURGUET-CHASSAGNON
Rapporteur public ?: M. MARCHAL
Avocat(s) : DRAVIGNY

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-04;23nc02584 ?
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