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04/07/2024 | FRANCE | N°23NC02533

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 4ème chambre, 04 juillet 2024, 23NC02533


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler, d'une part, l'arrêté du 28 avril 2023 par lequel le préfet du Haut-Rhin lui a refusé le séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans et, d'autre part, l'arrêté du même jour portant assignation à résidence.



Par un jugement no 2302989 du 10 mai 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal adm...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler, d'une part, l'arrêté du 28 avril 2023 par lequel le préfet du Haut-Rhin lui a refusé le séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans et, d'autre part, l'arrêté du même jour portant assignation à résidence.

Par un jugement no 2302989 du 10 mai 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg, après avoir renvoyé devant une formation collégiale les conclusions dirigées contre le refus de titre de séjour, a admis M. B... à l'aide juridictionnelle provisoire, a annulé l'arrêté préfectoral du 28 avril 2023 en tant qu'il lui a refusé un délai de départ volontaire et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans, a rejeté les surplus des conclusions de la demande et enfin a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 31 juillet 2023, M. B..., représenté par Me Berry, demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 5 du jugement de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg du 10 mai 2023 ;

2°) d'annuler les décisions du 28 avril 2023 portant obligation de quitter le territoire français, fixant le pays de destination et portant assignation à résidence ;

3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) à défaut d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de réexaminer sa situation dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au bénéfice de Me Berry en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le premier juge n'a pas respecté le principe du contradictoire car il a soulevé d'office, sans l'inviter à conclure, le moyen tiré de ce qu'il ne pouvait utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 424-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au motif que celui-ci ne s'applique pas aux ressortissants algériens ;

- sur l'exception d'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour :

- cette décision est irrégulière dès lors qu'il n'est pas établi que la consultation du fichier de traitement d'antécédents judiciaires (TAJ), sur laquelle le préfet s'appuie pour caractériser une menace à l'ordre public, a été faite par un agent habilité à cet effet ; il a été privé d'une garantie en l'absence d'une saisine des services de police ou de gendarmerie ou du Procureur de la République, en application de l'article R. 40-29 du code de procédure pénale, en vue de connaître les suites judiciaires données aux infractions évoquées dans ce fichier ;

- elle méconnaît les dispositions du 4° de l'article L. 424-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; ses deux enfants sont bénéficiaires de la protection subsidiaire ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1986 : il entretient des relations avec ses trois enfants qu'il a eu avec son ex-femme et qui vivent en France ;

- il est père d'un enfant français ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il ne constitue pas une menace à l'ordre public, quand bien même il a fait l'objet de deux condamnations pénales pour des faits commis en 2019 et 2020 ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ; il sera séparé de ses enfants qui ne pourront pas venir le voir en Algérie ;

- sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- cette décision est irrégulière dès lors qu'il n'est pas établi que la consultation du fichier du TAJ, sur laquelle le préfet s'appuie pour caractériser une menace pour l'ordre public, a été faite par un agent habilité à cet effet ; il a été privé d'une garantie en l'absence d'une saisine des services de police ou de gendarmerie ou du Procureur de la République, en application de l'article R. 40-29 du code de procédure pénale, en vue de connaître les suites judiciaires données aux infractions évoquées dans ce fichier ;

- elle méconnaît l'autorité de la chose jugée dans la mesure où le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 9 mars 2022, devenu définitif, avait déjà considéré que la préfète du Bas-Rhin ne pouvait pas lui faire obligation de quitter le territoire français sans entacher sa décision d'une erreur de droit ;

- elle est entachée d'erreur de droit dès lors qu'il doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour en application des dispositions de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien ;

- sur la décision fixant le pays de renvoi :

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- sur la décision portant assignation à résidence :

- le tribunal administratif aurait dû annuler la décision portant assignation à résidence dans la mesure où il a annulé la décision portant refus de délai de départ volontaire ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 22 avril 2024, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés ;

- les décisions litigieuses sont fondées sur les condamnations dont le requérant a fait l'objet et qui figurent au bulletin n° 2 de son casier judiciaire ; ainsi, il aurait pris la même décision quand bien même il n'aurait pas procédé à la consultation du fichier du TAJ ; il y a donc lieu d'écarter le moyen tiré du vice de procédure ;

- le requérant constitue une menace à l'ordre public de sorte qu'il pouvait faire application de l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le requérant ne dispose d'aucune protection contre une décision d'éloignement : la protection subsidiaire dont disposent ses enfants de nationalité algérienne n'a pas vocation à le protéger d'une telle décision ;

- si le requérant soutient être parent d'un enfant français, il ne soutient pas s'occuper de ce dernier.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 juin 2023.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de procédure pénale ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Roussaux, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant algérien né en 1991, a déclaré être entré en France avec son épouse et leurs deux enfants le 13 janvier 2018. Un troisième enfant est né de cette union le 21 décembre 2018. Interpellé le 17 novembre 2021, M. B... a été placé en retenue administrative en vue de la vérification de son droit au séjour. Par arrêté du même jour, la préfète du Bas-Rhin lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination de son éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans. Par jugement du 9 mars 2022, le tribunal a annulé cet arrêté et a enjoint à la préfète du Bas-Rhin de réexaminer la situation de l'intéressé. M. B... est désormais domicilié à Mulhouse et le préfet du Haut-Rhin a réexaminé sa situation administrative. M. B... a sollicité le 10 novembre 2022 un titre de séjour en sa qualité de parent de mineurs bénéficiaires de la protection subsidiaire. Par un arrêté du 28 avril 2023, le préfet du Haut-Rhin a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans. Par un second arrêté du même jour, le préfet du Haut-Rhin a assigné M. B... à résidence dans le département du Haut-Rhin. M. B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler ces deux arrêtés. Par un jugement n° 2302989 du 10 mai 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg, après avoir renvoyé devant une formation collégiale les conclusions dirigées contre le refus de titre de séjour, a annulé l'arrêté préfectoral du 28 avril 2023 en tant qu'il lui a refusé un délai de départ volontaire et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans. M. B... relève appel de ce jugement en tant que celui-ci, dans son article 5, n'a pas fait droit à ses conclusions à fin d'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixant le pays de destination et assignation à résidence.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 611-7 du code de justice administrative : " Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement ou, au Conseil d'Etat, la sous-section chargée de l'instruction en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué (...). ".

3. Ces dispositions, qui sont destinées à provoquer un débat contradictoire sur les moyens que le juge doit relever de sa propre initiative, font obligation à la formation de jugement, lorsqu'elle entend soulever d'office un moyen qui n'a pas été invoqué par les parties ni relevé par son président avant l'audience, de rayer l'affaire du rôle de ladite séance et de communiquer le moyen aux parties.

4. Il ressort des pièces du dossier que le requérant a soulevé en première instance le moyen tiré de ce qu'il ne pouvait pas faire l'objet d'une décision d'éloignement au motif qu'il devait se voir attribuer de plein droit un titre de séjour en application de l'article L. 424-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié.

5. Par suite, et alors qu'il avait soulevé ce moyen en première instance, le requérant n'est pas fondé à se prévaloir de ce que le premier juge n'aurait pas respecté le principe du contradictoire en répondant au moyen soulevé par le requérant et en précisant au point 8 du jugement litigieux que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 424-11 était inopérant. Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit donc être écarté.

Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté préfectoral du 28 avril 2023 :

En ce qui concerne l'exception d'illégalité de la décision de refus de séjour :

6. En premier lieu, l'article R. 79 du code de procédure pénale dispose que : " Outre le cas prévu aux 1°, 2° et 4° de l'article 776, le bulletin n° 2 du casier judiciaire est délivré : / 1° Aux administrations publiques de l'Etat chargées de la police des étrangers (...) ". Par ailleurs, l'article 40-29 du même code dispose que : " I. - Dans le cadre des enquêtes prévues à l'article 17-1 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995, aux articles L. 114-1, L. 114-2, L. 211-11-1, L. 234-1 et L. 234-2 du code de la sécurité intérieure et à l'article L. 4123-9-1 du code de la défense, les données à caractère personnel figurant dans le traitement qui se rapportent à des procédures judiciaires en cours ou closes, à l'exception des cas où sont intervenues des mesures ou décisions de classement sans suite, de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenues définitives, ainsi que des données relatives aux victimes, peuvent être consultées, sans autorisation du ministère public, par : (...) / 5° Les personnels investis de missions de police administrative individuellement désignés et spécialement habilités par le représentant de l'Etat. L'habilitation précise limitativement les motifs qui peuvent justifier pour chaque personne les consultations autorisées. Lorsque la consultation révèle que l'identité de la personne concernée a été enregistrée dans le traitement en tant que mise en cause, l'enquête administrative ne peut aboutir à un avis ou une décision défavorable sans la saisine préalable, pour complément d'information, des services de la police nationale ou des unités de la gendarmerie nationale compétents et, aux fins de demandes d'information sur les suites judiciaires, du ou des procureurs de la République compétents. Le procureur de la République adresse aux autorités gestionnaires du traitement un relevé des suites judiciaires devant figurer dans le traitement d'antécédents judiciaires et relatif à la personne concernée. Il indique à l'autorité de police administrative à l'origine de la demande si ces données sont accessibles en application de l'article 230-8 du présent code. (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'autorité administrative, à l'occasion de la délivrance, du renouvellement ou du retrait de certains titres de séjour, peut procéder à des enquêtes administratives donnant lieu à la consultation de traitements automatisés de données à caractère personnel, au nombre desquels figure le traitement des antécédents judiciaires (TAJ), par des agents investis de missions de police administrative individuellement désignés et spécialement habilités par le représentant de l'Etat.

7. Il ressort des termes de la décision contestée que si le préfet du Haut-Rhin s'est notamment fondé sur la consultation du fichier du TAJ, dont il n'est au demeurant pas établi qu'elle n'aurait pas été mise en œuvre dans le respect des dispositions précitées par des personnels individuellement désignés et spécialement habilités par le représentant de l'Etat, le préfet s'est également fondé sur les deux condamnations pénales prononcées à l'encontre de l'intéressé en 2021, mentionnées au bulletin n° 2 de son casier judiciaire et correspondant à ces faits. Il ressort des pièces du dossier et notamment des termes de la décision litigieuse et du mémoire en défense que le préfet aurait pris la même décision s'il n'avait pas procédé à la consultation du TAJ de M. B... mais s'était uniquement fondé sur les mentions du bulletin n° 2. Il s'ensuit que le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté.

8. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " Les dispositions du présent article ainsi que celles des deux articles suivants, fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent, sous réserve que leur situation matrimoniale soit conforme à la législation française. / Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) ; 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 424-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une carte de séjour pluriannuelle portant la mention " membre de la famille d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire ", identique à la carte prévue à l'article L. 424-9 délivrée à l'étranger qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire, est délivrée à : (...) 4° Ses parents si l'étranger qui a obtenu le bénéfice de la protection est un mineur non marié. "

9. D'autre part, aux termes de l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La délivrance d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident peut, par une décision motivée, être refusée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public. "

10. Les dispositions citées au point 8 ne privent pas l'autorité compétente du pouvoir qui lui appartient de refuser à un ressortissant algérien la délivrance d'un titre de séjour lorsque sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public.

11. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a été condamné à 80 heures de travaux d'intérêt général le 19 janvier 2021 par le tribunal judiciaire de Strasbourg, pour des faits de vol en réunion. Un jugement du juge d'application des peines de Strasbourg du 15 novembre 2022 a ordonné la mise à exécution à hauteur de trois mois de la peine d'emprisonnement pour non-respect de la peine prononcée. Le requérant a été également condamné par un jugement du tribunal correctionnel de Mulhouse du 19 avril 2021 à une peine d'emprisonnement d'un an et huit mois pour des faits de violence aggravée par deux circonstances suivies d'incapacité n'excédant pas huit jours. Il suit de là, contrairement à ce que soutient M. B..., qu'eu égard à la nature et au caractère répété des faits qui lui sont imputables, le préfet du Haut-Rhin a pu, sans erreur d'appréciation, estimer que sa présence sur le territoire français constituait une menace pour l'ordre public à la date de la décision litigieuse et ainsi refuser de lui délivrer un titre de séjour en application des dispositions précitées des articles 6-5 de l'accord franco-algérien modifié et L. 424-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

12. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

13. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., qui réside en France depuis 2018, est divorcé de son épouse, également ressortissante algérienne, depuis le 16 novembre 2021. Son ex-épouse est bénéficiaire de la protection subsidiaire et réside à Châteauroux avec les trois enfants mineurs du couple, également bénéficiaires de cette protection. M. B... qui exerce l'autorité parentale en commun avec la mère en vertu du jugement du tribunal judicaire de Nice du 16 novembre 2021, dispose uniquement d'un droit de visite dans un espace de rencontre, eu égard aux violences exercées par l'intéressé sur son ex-épouse avant leur séparation. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B..., qui vit dans le Haut-Rhin, fasse usage de son droit de visite, ni qu'il entretienne des relations avec ses enfants qui vivent dans l'Indre. Si M. B... se prévaut également du fait qu'il est le père d'un enfant français, il ne soutient pas contribuer ni à l'entretien, ni à l'éducation de ce dernier. S'il produit un contrat à durée indéterminée en qualité de chauffeur livreur coursier daté du 27 mars 2023, cet élément ne saurait suffire à lui ouvrir un droit au séjour. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que M. B... n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, dans lequel il a vécu jusqu'à l'âge de 27 ans, et où résident ses parents et son frère. Dans ces conditions, eu égard aux conditions de séjour en France de M. B..., et à l'absence de relations avec ses enfants, la décision litigieuse ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'excède pas celle nécessaire à la défense de l'ordre public. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, par suite, être écarté.

14. Enfin aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

15. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... entretienne des relations avec ses enfants mineurs, dont il vit séparé. Dans ces circonstances, la décision litigieuse n'a pas méconnu l'intérêt supérieur de ses enfants. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 doit être écarté.

16. Dès lors, le requérant n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour à l'encontre de la décision l'obligeant à quitter le territoire français.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

17. En premier lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 7, le moyen tiré du vice de procédure de la décision litigieuse au motif d'une consultation irrégulière du TAJ doit être écarté.

18. En second lieu, le requérant reprend en appel le même moyen que celui invoqué en première instance et tiré de la méconnaissance de l'autorité de la chose jugée. Il y a lieu d'adopter les motifs retenus, à juste titre, au point 7 du jugement attaqué.

19. En troisième lieu, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour. Lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire. Il résulte de ce qui a été dit au point 11 du présent arrêt que le requérant constitue une menace pour l'ordre public et ne peut dès lors prétendre à une attribution de plein droit d'un titre de séjour. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet ne pouvait prendre une mesure d'éloignement pour ce motif doit être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

20. Les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, qui s'appuient sur les mêmes faits et arguments que ceux explicités à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 13 et 15 du présent arrêt.

En ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :

21. Aux termes de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants:1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins d'un an auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ;(...) ". Aux termes de l'article L. 614-17 du même code : " Si la décision de ne pas accorder de délai de départ volontaire est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 731-1, L. 731-3, L. 741-1 et L. 743-13, et le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné à cette fin rappelle à l'étranger son obligation de quitter le territoire français dans le délai qui lui sera fixé par l'autorité administrative en application des articles L. 612-1 ou L. 612-2. Ce délai court à compter de sa notification. "

22. En raison des effets qui s'y attachent, l'annulation pour excès de pouvoir d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, emporte, lorsque le juge est saisi de conclusions recevables, l'annulation par voie de conséquence des décisions administratives consécutives qui n'auraient pu légalement être prises en l'absence de l'acte annulé ou qui sont en l'espèce intervenues en raison de l'acte annulé. Il en va ainsi, notamment, des décisions qui ont été prises en application de l'acte annulé et de celles dont l'acte annulé constitue la base légale.

23. Il incombe au juge de l'excès de pouvoir, lorsqu'il est saisi de conclusions recevables dirigées contre de telles décisions consécutives, de prononcer leur annulation par voie de conséquence.

24. Il ressort de la décision en litige qu'elle est fondée sur les dispositions de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui permettent d'assigner à résidence les étrangers qui font l'objet d'une obligation de quitter le territoire français pour laquelle le délai de départ volontaire n'a pas été accordé. L'annulation par la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg de la décision refusant à M. B... un délai de départ volontaire impliquait donc nécessairement l'annulation de la décision l'assignant à résidence qui n'aurait pu légalement être prise en l'absence de l'acte annulé.

25. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 avril 2023 portant assignation à résidence.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

26. La seule annulation par le présent arrêt de la décision portant assignation à résidence n'implique pas qu'il soit enjoint au préfet de délivrer à M. B..., un titre de séjour, ni le réexamen de sa situation. Par suite les conclusions à fin d'injonction du requérant doivent être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

27. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas pour l'essentiel, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2302989 du 10 mai 2023 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg est annulé uniquement en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. B... tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 10 mai 2023 du préfet du Haut-Rhin portant assignation à résidence.

Article 2 : L'arrêté du 10 mai 2023 du préfet du Haut-Rhin portant assignation à résidence à l'encontre de M. B... est annulé.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Berry.

Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

Délibéré après l'audience du 13 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Bauer, présidente,

- Mme Bourguet-Chassagnon, première conseillère,

- Mme Roussaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2024.

La rapporteure,

Signé : S. RoussauxLa présidente,

Signé : S. BauerLa greffière,

Signé : N. Basso

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N. Basso

2

No 23NC02533


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC02533
Date de la décision : 04/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BAUER
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: M. MARCHAL
Avocat(s) : BERRY

Origine de la décision
Date de l'import : 07/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-04;23nc02533 ?
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