Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 16 mars 2023, par lequel la préfète du Bas-Rhin a rejeté sa demande de délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.
Par un jugement n° 2302729 du 14 juin 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 juillet 2023 et le 4 octobre 2023, M. A..., représenté par Me Airiau, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté de la préfète du Bas-Rhin du 16 mars 2023 ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions d'astreinte et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision de refus de titre de séjour a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors qu'il n'a pas été informé de la possibilité d'être assisté par un interprète dans le cadre de son audition par le médecin de l'office français de l'immigration et de l'intégration ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'illégalité en conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- la décision fixant le pays de renvoi est entachée d'illégalité en conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 14 septembre 2023 et le 23 mai 2024, la préfète du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que
- le moyen tiré de ce que la décision de refus de titre de séjour a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière est inopérant ;
- les autres moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 octobre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience publique.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Bourguet-Chassagnon a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant guinéen, né le 19 février 2000, entré sur le territoire français le 1er juillet 2020, a présenté le 21 juillet suivant une demande d'asile qui a été rejetée par une décision du 30 juin 2021 du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée le 5 janvier 2022 par la Cour nationale du droit d'asile. Le 10 février 2022, il a demandé à la préfète du Bas-Rhin la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 16 mars 2023, la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer le titre demandé, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office. Par un jugement du 14 juin 2023, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ". Aux termes de l'article 7 de l'arrêté du 27 décembre 2016, applicable à l'étranger ayant formulé une demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade : " (...) Le collège peut convoquer le demandeur. Dans ce cas, le demandeur peut être assisté d'un interprète et d'un médecin de son choix. (...) ".
3. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, en particulier des mentions figurant sur l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 22 juin 2022, que M. A... aurait été convoqué à une expertise médicale devant le collège de médecins de l'OFII dans le cadre de l'instruction de sa demande. Aucune disposition n'impose que l'étranger, qui formule une demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade, bénéficie du droit d'être assisté par un médecin de son choix ou un interprète durant son examen par le médecin rapporteur en charge de l'élaboration du rapport à destination du collège des médecins de l'OFII. Dès lors, le requérant ne peut utilement se prévaloir de ce qu'il n'a pas été informé de la possibilité d'être assisté d'un interprète lors de sa convocation par le seul médecin rapporteur.
4. En deuxième lieu, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
5. Pour déterminer si un étranger peut bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire d'un traitement médical approprié, il convient de s'assurer, eu égard à la pathologie de l'intéressé, de l'existence d'un traitement approprié et de sa disponibilité dans des conditions permettant d'y avoir accès, et non de rechercher si les soins dans le pays d'origine sont équivalents à ceux offerts en France ou en Europe.
6. Par un avis du 22 juin 2022, le collège des médecins de l'OFII a estimé que, si l'état de santé de M. A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans son pays d'origine, y bénéficier effectivement d'un traitement médical approprié et voyager sans risque à destination de ce pays.
7. Le requérant soutient qu'il ne pourra accéder effectivement au traitement approprié à son état de santé en Guinée dès lors que ce pays ne compte qu'un seul service de psychiatrie situé à Conakry et ne dispose que d'un faible nombre de psychiatres. Pour contredire l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, M. A... produit trois certificats médicaux établis par un praticien hospitalier les 25 août 2021, 1er mars 2022 et 30 mars 2023 dont il ressort qu'il souffre d'une grave pathologie psychiatrique pour laquelle il est traité par voie médicamenteuse (Mirtazapine) et par voie de consultations spécialisées. Toutefois, ces documents médicaux, lesquels ne révèlent aucune aggravation survenue entre le 22 juin 2022, date de l'avis du collège des médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration, et l'édiction de l'arrêté contesté, ne se prononcent pas quant à la disponibilité des soins en Guinée et ne concluent ni à l'impossibilité d'un suivi médical, ni à l'indisponibilité de la molécule, sur laquelle repose son traitement, dans ce pays. Par ailleurs, si M. A... se prévaut de la faiblesse des infrastructures en matière de soins psychiatriques en Guinée et verse au dossier deux rapports établis en 2010 et 2016 par l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés (OSAR) et deux publications de 2019 et 2020 relatives à la prise en charge des soins en santé mentale dans ce pays, il n'apporte aucune précision quant à sa situation personnelle en Guinée et à l'impossibilité qui en résulterait d'accéder personnellement aux soins nécessaires à son état de santé. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour en qualité d'étranger malade, la préfète du Bas-Rhin aurait méconnu les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et aurait entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.
8. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu notamment de ce qui précède, que la préfète du Bas-Rhin aurait, en rejetant la demande de titre de séjour que lui avait présentée M. A..., entaché d'une erreur manifeste son appréciation des conséquences de cette décision sur la situation médicale de l'intéressé.
9. En quatrième lieu, pour les motifs précédemment exposés, le refus de délivrance d'un titre de séjour opposé à M. A... n'est pas entaché d'illégalité. Par suite, l'exception d'illégalité du refus de titre invoquée à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire doit être écartée.
10. En cinquième lieu, il résulte de ce qui vient d'être dit au point 9 que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'illégalité. Le moyen tiré de l'exception d'illégalité soulevé à l'encontre de la décision fixant le pays de destination ne peut, dès lors, qu'être écarté.
11. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".
12. M. A... soutient qu'il risque de subir les traitements prohibés par les stipulations et dispositions précitées en cas de retour dans le pays dont il a la nationalité en ce qu'il ne pourra accéder effectivement aux soins nécessaires à son état de santé et en ce qu'il craint pour sa vie en raison de son homosexualité. Toutefois, il résulte de ce qui a été dit au point 7, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... ne pourra accéder effectivement au traitement approprié à sa pathologie en Guinée. Par ailleurs, la demande d'asile présentée par M. A... a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides par décision du 30 juin 2021, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 5 janvier 2022 au motif, notamment, que ses déclarations succinctes et peu personnalisées n'ont pas permis de tenir pour établies son orientation sexuelle et les circonstances ayant présidé à son départ de Guinée ni pour fondées ses craintes en cas de retour dans son pays. En l'absence de tout élément nouveau et alors que le requérant ne fait pas état d'éléments précis et circonstanciés sur les traitements inhumains ou dégradants auxquels il aurait été personnellement exposé dans son pays d'origine en raison de son orientation sexuelle, la circonstance que l'homosexualité constitue une infraction pénale dans ce pays n'est pas à elle seule de nature à établir la réalité des risques de persécution allégués. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations et dispositions précitées ne peut qu'être écarté.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, sa requête ne peut qu'être rejetée, dans toutes ses conclusions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Airiau et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.
Délibéré après l'audience du 13 juin 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Bauer, présidente,
- Mme Bourguet-Chassagnon, première conseillère,
- Mme Roussaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2024.
La rapporteure,
Signé : M. Bourguet-ChassagnonLa présidente,
Signé : S. Bauer
La greffière,
Signé : N. Basso
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N. Basso
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N° 23NC02315