Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de la Moselle a refusé de l'admettre au séjour.
Par un jugement n° 2106932 du 29 novembre 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 13 juin et le 31 juillet 2023, M. B..., représenté par Me Gorgol, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 29 novembre 2022 du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de la Moselle a refusé de l'admettre au séjour ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation administrative à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au bénéfice de son conseil en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors que le tribunal s'est mépris sur la décision attaquée, qui n'était pas la décision de classement sans suite de sa demande de titre de séjour initiale du 4 mars 2020, mais la décision implicite de rejet née du silence opposé à sa seconde demande de titre de séjour reçue le 22 février 2021 ; sa requête est recevable ;
- la décision méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il est atteint d'une paraplégie des jambes ainsi que de lésions au rein droit pour lequel a été effectuée une ablation ; il souffre également de sciatalgies bilatérales ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il n'a plus de famille autre que sa sœur et ses deux neveux avec lesquels il réside en France ; ses neveux sont scolarisés et sa sœur dispose d'un contrat de travail à durée indéterminée ; ils ont quitté l'Albanie pour fuir la violence de l'ex-mari de sa sœur, emprisonné pour tentative d'homicide à son encontre, et qui l'a laissé handicapé suite aux blessures par balles qu'il lui a infligées ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 3 juillet 2023, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 mai 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Bauer a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant albanais né le 16 mars 1974, a déclaré être entré en France le 24 mai 2018 avec sa sœur et les deux enfants mineurs de cette dernière. Par un courrier du 4 mars 2020, il a sollicité son admission au séjour pour raisons médicales. Faute pour lui d'avoir honoré la convocation émise à cette fin, sa demande a fait l'objet d'un classement sans suite par décision du préfet de la Moselle du 30 novembre 2020. Par un courrier du 3 février 2021 reçu le 22 février 2021, l'intéressé a réitéré sa demande de titre de séjour sur le fondement des articles L. 313-11 11° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Cette demande a été implicitement rejetée le 22 juin 2021, par application des dispositions combinées des articles R. 432-1 et R. 432-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un jugement du 29 novembre 2022, dont l'intéressé relève appel, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté comme irrecevables ses conclusions à fin d'annulation du rejet implicite opposé à sa demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. La demande de M. B... devant le tribunal administratif de Strasbourg tendait uniquement à l'annulation de la décision implicite de rejet opposée à la demande de délivrance d'un titre de séjour formulée le 3 février 2021 et non à la décision de classement sans suite de sa première demande du 4 mars 2020. Le jugement du tribunal administratif s'est ainsi mépris sur la nature de la décision contestée et doit, dès lors, être annulé.
3. Il y a lieu de se prononcer immédiatement par la voie de l'évocation sur les conclusions présentées par le requérant en première instance.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile se substituant à compter du 1er mai 2021 aux dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du même code: " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an (...) ".
5. Si M. B... soutient qu'il est atteint d'une paraplégie des jambes ainsi que de lésions au rein droit pour lequel a été effectuée une ablation et qu'il souffre également de sciatalgies bilatérales, il n'établit ni même n'allègue, les certificats médicaux produits étant muets sur ce point, que le défaut de prise en charge médicale pourrait avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité ni en tout état de cause, ne pouvoir bénéficier effectivement des soins appropriés à son état de santé en Albanie. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, se substituant à compter du 1er mai 2021 aux dispositions de l'article L. 313-14 du même code : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ".
7. Il appartient à l'autorité administrative, en application de ces dispositions, de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels et, à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ".
8. Il ressort des pièces du dossier que le requérant est arrivé en France, accompagné de sa sœur et de ses neveux, craignant la violence de son ex-beau-frère lequel était sur le point de finir de purger la peine d'emprisonnement à laquelle il avait été condamné pour tentative d'homicide volontaire à son encontre, le laissant handicapé suite aux blessures par balles infligées. Cependant, et alors au demeurant qu'il ne justifie pas de la réalité de ses démarches pour obtenir l'asile, il n'établit ni même ne soutient qu'il ne pourrait s'installer dans une ville d'Albanie distincte et éloignée de celle où réside son ex-beau-frère ni qu'il ne pourrait, le cas échéant, bénéficier de la protection des autorités policières de ce pays. Ainsi qu'il a été développé, il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que son état de santé requerrait des soins qui ne seraient pas disponibles dans son pays d'origine. Il ne fait par ailleurs état d'aucune attache privée ou familiale en France, à l'exception de sa sœur, également en situation irrégulière, et n'établit ni même n'allègue que leur cellule familiale ne pourrait se reconstituer en Albanie. Il s'ensuit que les différents éléments invoqués ne peuvent être regardés comme constitutifs de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels permettant son admission au séjour au titre de la vie privée et familiale. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 435-1 précité ne peut qu'être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision implicite du 22 juin 2021 par laquelle le préfet de la Moselle a refusé de l'admettre au séjour. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2106932 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B..., ainsi que ses conclusions de première instance tendant à l'annulation de la décision implicite de refus de titre de séjour sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Gorgol et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.
Délibéré après l'audience du 13 juin 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Bauer, présidente,
- Mme Bourguet-Chassagnon, première conseillère,
- Mme Roussaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2024.
La présidente-rapporteure,
Signé : S. Bauer L'assesseure la plus ancienne,
Signé : M. Bourguet-Chassagnon
La greffière,
Signé : N. Basso
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N. Basso
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N° 23NC01893