Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de la Moselle a refusé de l'admettre au séjour.
Par un jugement n° 2106933 du 29 novembre 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 12 juin 2023, Mme B..., représentée par Me Gorgol, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 29 novembre 2022 du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de la Moselle a refusé de l'admettre au séjour ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation administrative dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au bénéfice de son conseil en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision méconnaît les dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle travaille depuis trois ans dans la même société et dispose d'un contrat de travail à durée indéterminée ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle n'a plus de famille en Albanie et souhaite s'intégrer en France ; ses enfants y sont scolarisés depuis presque 5 ans et ont de bons résultats ; elle dispose d'un contrat de travail à durée indéterminée ; elle s'occupe de son frère, handicapé suite aux violences que lui a fait subir son ex-mari ; ce dernier a été emprisonné pour ces faits mais a purgé sa peine, et elle craint ses représailles ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 30 juin 2023, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 mai 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Bauer a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante albanaise née le 16 mars 1982, a déclaré être entrée en France le 24 mai 2018 avec ses deux enfants mineurs et son frère. Par un courrier du 25 janvier 2021 reçu le 22 février 2021, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des articles L. 313-10 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Cette demande a été implicitement rejetée le 22 juin 2021, par application des dispositions combinées des articles R. 432-1 et R. 432-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un jugement du 29 novembre 2022, dont l'intéressée relève appel, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de cette décision.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile se substituant à compter du 1er mai 2021 aux dispositions des trois premiers alinéas de l'article L. 313-10 du même code : " L'étranger qui exerce une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " d'une durée maximale d'un an. La délivrance de cette carte de séjour est subordonnée à la détention préalable d'une autorisation de travail, dans les conditions prévues par les articles L. 5221-2 et suivants du code du travail. (...) ". Aux termes de l'article L. 412-1 du même code : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues aux articles L. 412-2 et L. 412-3, la première délivrance d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de séjour pluriannuelle est subordonnée à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 411-1 ".
3. Comme l'ont relevé à bon droit les premiers juges, il n'est pas établi ni même allégué, que la requérante serait en possession d'une autorisation de travail, ni, au demeurant, d'un visa de long séjour. Dès lors, elle n'est pas fondée à se prévaloir de la méconnaissance des dispositions précitées. Il s'ensuit que le moyen doit être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, se substituant à compter du 1er mai 2021 aux dispositions de l'article L. 313-14 du même code : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ".
5. Il appartient à l'autorité administrative, en application de ces dispositions, de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels et, à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ".
6. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a fui son pays avec ses deux enfants mineurs et son frère, craignant la violence de son ex-mari, lequel était sur le point de finir de purger la peine d'emprisonnement à laquelle il avait été condamné pour tentative d'homicide volontaire sur son beau-frère. Cependant, et alors au demeurant qu'elle ne justifie pas de la réalité de ses démarches pour obtenir l'asile, elle n'établit ni même ne soutient qu'elle ne pourrait s'installer dans une ville d'Albanie distincte et éloignée de celle où réside son ex-mari, ni qu'elle ne pourrait, le cas échéant, bénéficier de la protection des autorités policières de ce pays. Par ailleurs, si, suite aux blessures par balles qui lui ont été infligées, le frère de l'intéressé, également en situation irrégulière, a été atteint de paraplégie aux jambes et souffre de douleurs invalidantes nécessitant son assistance, il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que ce dernier requerrait des soins qui ne seraient pas disponibles en Albanie. Si elle se prévaut de la scolarisation en France de ses deux enfants, sa présence sur le territoire est récente, il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que ces derniers ne pourraient poursuivre leurs études en Albanie. Mme B... ne fait par ailleurs état d'aucune attache privée ou familiale en France, et n'établit ni même n'allègue que la cellule familiale composée de ses enfants et de son frère ne pourrait se reconstituer en Albanie. Il s'ensuit que les différents éléments invoqués ne peuvent être regardés comme constitutifs de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels permettant son admission au séjour au titre de la vie privée et familiale. La seule circonstance que l'intéressée soit détentrice d'un contrat de travail à durée indéterminée dans la même entreprise depuis son arrivée en France ne suffit pas davantage, au regard notamment de sa faible quotité horaire de seulement 60 heures mensuelles, à caractériser un motif exceptionnel permettant la délivrance, sur le fondement des dispositions précitées, d'un titre de séjour en qualité de salariée. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 435-1 précité ne peut qu'être écarté.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
8. La décision attaquée n'a ni pour objet, ni pour effet de séparer les enfants de la requérante de leur mère, et il ne ressort pas des pièces du dossier que ces derniers ne pourraient poursuivre leur scolarité en cas de retour en Albanie. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit ainsi être écarté.
9. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 6 et 8 du présent arrêt, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation ne peut qu'être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 29 novembre 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de la décision attaquée. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles à fin d'injonction et tendant à l'application de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à Me Gorgol et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.
Délibéré après l'audience du 13 juin 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Bauer, présidente,
- Mme Bourguet-Chassagnon, première conseillère,
- Mme Roussaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2024.
La présidente-rapporteure,
Signé : S. Bauer L'assesseure la plus ancienne,
Signé : M. Bourguet-Chassagnon
La greffière,
Signé : N. Basso
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N. Basso
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N° 23NC01873