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04/07/2024 | FRANCE | N°23NC01733

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 4ème chambre, 04 juillet 2024, 23NC01733


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 12 décembre 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée.





Par un jugement no 2300247 du 4 mai 2023, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.
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Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 2 juin 2023, Mme B..., représenté...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 12 décembre 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée.

Par un jugement no 2300247 du 4 mai 2023, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 juin 2023, Mme B..., représentée par Me Lemonnier, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 4 mai 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 12 décembre 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée ;

3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " dans le délai d'un mois à compter de la décision à intervenir et à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer un récépissé de demande de renouvellement de titre de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au bénéfice de son conseil en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur les moyens communs à toutes les décisions :

- elles sont insuffisamment motivées ;

Sur la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour :

- elle est entachée d'erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 422-1 et R. 433-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

. pour obtenir son diplôme, elle doit effectuer un stage de plusieurs semaines et sa présence en France est donc nécessaire ;

. son parcours est cohérent car les deux formations suivies, à savoir le brevet de technicien supérieur (BTS) comptabilité et gestion et comptable assistant, sont complémentaires car elles visent à une qualification en comptabilité ;

. ses résultats insuffisants ne sont pas dus à un manque de travail mais à un stress ;

. elle dispose de moyens suffisants pour poursuivre ses études ;

- elle méconnait l'article 2 du protocole n° 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui prévoit le droit à l'instruction ;

- le préfet aurait dû envisager la possibilité de faire usage de son pouvoir discrétionnaire avant de refuser le renouvellement du titre de séjour sollicité ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale, dès lors qu'elle se fonde sur un refus de séjour lui-même illégal ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 juillet 2023, le préfet de Meurthe-et-Moselle, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés et il s'en remet à ses écritures de première instance.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 août 2023.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Roussaux, première conseillère ;

- et les observations de Me Lemonnier, représentant Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante congolaise, née le 26 novembre 2001, est entrée régulièrement sur le territoire français le 6 septembre 2019 sous couvert d'un visa long séjour et d'un passeport valable du 5 avril 2019 au 4 avril 2024. A l'expiration de son visa, Mme B... a bénéficié d'une carte de séjour temporaire valable du 1er septembre 2020 au 31 août 2021 portant la mention " étudiant ", régulièrement renouvelée pour la période du 1er septembre 2021 au 30 juin 2022. Le 1er octobre 2021, l'intéressée a sollicité le renouvellement de son titre de séjour. Par un arrêté du 12 décembre 2022, le préfet de Meurthe-et-Moselle a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme B... relève appel du jugement du tribunal administratif de Nancy du 4 mai 2023 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté préfectoral du 12 décembre 2022.

Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté préfectoral du 12 décembre 2022 :

2. Aux termes de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui établit qu'il suit un enseignement en France ou qu'il y fait des études et qui justifie disposer de moyens d'existence suffisants se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " d'une durée inférieure ou égale à un an. En cas de nécessité liée au déroulement des études ou lorsque l'étranger a suivi sans interruption une scolarité en France depuis l'âge de seize ans et y poursuit des études supérieures, l'autorité administrative peut accorder cette carte de séjour sous réserve d'une entrée régulière en France et sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Cette carte donne droit à l'exercice, à titre accessoire, d'une activité professionnelle salariée dans la limite de 60 % de la durée de travail annuelle. ". Aux termes de l'article R. 433-2 du même code : " L'étranger déjà admis à résider en France qui sollicite le renouvellement d'une carte de séjour pluriannuelle présente à l'appui de sa demande les pièces prévues pour une première délivrance de la carte de séjour temporaire correspondant au motif de séjour de la carte de séjour pluriannuelle dont il est détenteur et justifiant qu'il continue de satisfaire aux conditions requises pour celle-ci ainsi, le cas échéant, que les pièces particulières requises à l'occasion du renouvellement du titre conformément à la liste fixée par arrêté annexé au présent code (...) ".

3. Pour l'application de ces dispositions, il appartient à l'administration, saisie d'une demande de renouvellement d'une carte de séjour présentée en qualité d'étudiant, de rechercher, à partir de l'ensemble du dossier, si l'intéressé peut être raisonnablement regardé comme poursuivant effectivement ses études. Le renouvellement de ce titre de séjour est ainsi subordonné à la réalité des études et à la progression du bénéficiaire dans celles-ci.

4. Pour refuser à Mme B... le renouvellement de son titre de séjour en qualité d'étudiante, le préfet de Meurthe-et-Moselle s'est fondé sur l'insuffisance des résultats obtenus à ses examens, le redoublement de la deuxième année de brevet de technicien supérieur, la régression dans le cursus universitaire de l'intéressée en s'inscrivant à une formation de " comptable assistant ", sur l'absence de nécessité d'être présente sur le territoire français pour réaliser sa formation et enfin sur l'incohérence de son orientation.

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... était inscrite dans la promotion de 2020-2022 au sein de l'institut de stratégie et de management international à Paris en vue d'obtenir un brevet de technicien supérieur (BTS), spécialité " Comptabilité-gestion ". Elle a validé sa première année de brevet de technicien supérieur et a ensuite échoué à deux reprises à sa deuxième année. A l'issue de ces deux échecs, la requérante, tout en se réinscrivant en candidat libre à l'examen du BTS, s'est parallèlement inscrite dans une formation par correspondance de " comptable assistant " au titre de l'année 2022-2023 au sein de l'école française de comptabilité à Lyon. S'il est constant que la requérante a échoué à deux reprises à valider sa seconde année de BTS, il ressort toutefois des pièces du dossier que ses échecs pouvaient s'expliquer, outre par la fatigue des trajets à Paris, l'intéressée étant domiciliée à Troyes, par un deuil familial en février 2022, et ne sauraient ainsi suffire à établir le défaut du caractère sérieux de ses études, alors au demeurant que ses notes se sont améliorées la seconde année. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient le préfet, la formation de comptable assistant constitue un enseignement complémentaire avec celui du BTS et présente donc une cohérence dans le déroulement de ses études. Enfin, il n'est pas contesté que la requérante doit faire un stage obligatoire de plusieurs semaines dans le cadre de ses études, lequel ne peut se faire en distanciel. Dans les circonstances particulières de l'espèce, Mme B... est fondée à soutenir que le préfet de Meurthe-et-Moselle a commis une erreur d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers. Par voie de conséquence, les décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination doivent également être annulées.

6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 décembre 2022 du préfet de Meurthe-et-Moselle.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Aux termes de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision portant obligation de quitter le territoire français est annulée (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. ".

8. Le présent arrêt implique, eu égard au motif sur lequel il se fonde, que le préfet de la Meurthe-et-Moselle délivre à Mme B... un titre de séjour portant la mention " étudiant ", sous réserve d'un changement de situation. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de procéder à cette mesure dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer durant cette attente une autorisation provisoire de séjour.

Sur les conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

9. Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Lemonnier, avocate de Mme B..., une somme de 1 000 euros au titre de ces dispositions, sous réserve que cette avocate renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nancy du 4 mai 2023, n° 2300247 et l'arrêté du 12 décembre 2022 du préfet de Meurthe-et-Moselle sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de Meurthe-et-Moselle de délivrer à Mme B... un titre de séjour portant la mention " étudiant ", sous réserve d'un changement de sa situation, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, durant cette attente, une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : L'Etat versera à Me Lemonnier, avocate de Mme B..., la somme de 1 000 euros en application des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Lemonnier.

Copie en sera adressée à la préfète de Meurthe-et-Moselle

Délibéré après l'audience du 13 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Bauer, présidente,

- Mme Bourguet-Chassagnon, première conseillère,

- Mme Roussaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2024.

La rapporteure,

Signé : S. RoussauxLa présidente,

Signé : S. Bauer

La greffière,

Signé : N. Basso

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N. Basso

2

No 23NC01733


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC01733
Date de la décision : 04/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BAUER
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: M. MARCHAL
Avocat(s) : LEMONNIER

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-04;23nc01733 ?
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