Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... alias C... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 22 juin 2022 par lequel le préfet de la Moselle l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et l'a interdit de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.
Par un jugement no 2204104 du 29 septembre 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 19 mai 2023, M. A..., représenté par Me Gharzouli, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 29 septembre 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 22 juin 2022 par lequel le préfet de la Moselle l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et l'a interdit de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation administrative et, dans l'attente de ce réexamen, de le mettre en possession d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à rester sur le territoire français dans les délais de, respectivement, un mois et quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au bénéfice de son conseil en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision en litige est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la décision portant refus de délai de départ volontaire :
- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français qui lui sert de fondement ;
- elle est entachée d'un défaut de motivation ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
- elle est dépourvue de base légale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français qui lui sert de fondement ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 25 août 2023, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés et s'en remet à ses écritures de première instance.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 mars 2023.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Roussaux, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant guinéen, né le 16 mai 2004 à Conakry (Guinée), est entré irrégulièrement en France en décembre 2019 selon ses déclarations. La consultation du fichier Eurodac a fait apparaître que l'intéressé avait été préalablement identifié en Italie sous l'identité de M. C... A..., né le 12 octobre 1998 à Conakry (Guinée). Le 22 juin 2022, l'intéressé a été placé en garde à vue pour des faits de détention et usage de faux, fraude aux prestations sociales. Le préfet de la Moselle a pris à son encontre le jour même un arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a assorti ces décisions d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. M. A... relève appel du jugement du tribunal administratif de Strasbourg n° 2204104 du 29 septembre 2022 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté préfectoral du 22 juin 2022.
Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté préfectoral du 22 juin 2022 :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, M. A... reprend en appel dans des termes similaires le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus, à juste titre, par le tribunal administratif de Strasbourg au point 4 du jugement contesté.
3. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale ".
4. M. A... est entré irrégulièrement sur le territoire français et ne justifie pas avoir entamé de démarche pour régulariser sa situation. S'il se prévaut de l'obtention d'un certificat d'aptitude professionnelle " serrurier métallerie " obtenu en juillet 2022, d'une convention de formation en milieu professionnel, et d'une inscription dans un club de football depuis la saison 2021/2022, ces seuls éléments ne permettent pas d'ouvrir droit au séjour. Par ailleurs, sa mère avec qui il est toujours en contact, au regard des pièces du dossier, réside en Guinée où il a vécu la majeure partie de sa vie. Enfin, il n'établit pas avoir noué des liens privés, professionnels ou familiaux d'une intensité particulière durant son séjour en France. Dans ces conditions, en lui refusant le séjour en France, le préfet de Moselle n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne la décision portant refus de délai de départ volontaire :
5. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision portant refus de délai de départ volontaire devrait être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.
6. En second lieu, M. A... reprend en appel dans des termes similaires les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commis le préfet de la Moselle en prenant à son encontre une telle décision. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus, à juste titre, par le tribunal administratif de Strasbourg aux points 14 et 15 du jugement contesté.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
7. En premier lieu, en l'absence d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de M. A..., le moyen tiré de l'annulation, par voie de conséquence, de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français ne peut qu'être écarté.
8. En second lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11. ".
9. Il résulte de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. Ainsi, la décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Par ailleurs, si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.
10. Il résulte des termes de la décision litigieuse que les éléments de la situation personnelle du requérant ont été pris en considération, notamment la circonstance qu'il ne justifie pas d'une intégration particulière et qu'il ne fait état de l'existence d'aucune circonstance humanitaire particulière qui pourrait justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. Dès lors, le moyen tiré du défaut de motivation ne peut qu'être écarté.
11. Enfin, si le requérant fait valoir que cette décision l'empêchera d'être présent à l'audience dans le cadre de l'appel qu'il a formé à la suite du jugement du tribunal correctionnel du 23 juin 2022, il est loisible à tout étranger résidant hors de France et faisant l'objet d'une décision d'interdiction de retour sur le territoire français d'en solliciter l'abrogation et ainsi, de se trouver en mesure de demander à être légalement autorisé à revenir en France pour assister à son procès. Ainsi, compte tenu des conditions de séjour du requérant, il n'est pas établi ni ne ressort des pièces du dossier qu'en fixant à un an la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français, le préfet de la Moselle aurait commis une erreur d'appréciation de sa situation.
12. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 29 septembre 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 22 juin 2022. Ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent par voie de conséquence être également rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Gharzouli.
Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.
Délibéré après l'audience du 13 juin 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Bauer, présidente,
- Mme Bourguet-Chassagnon, première conseillère,
- Mme Roussaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2024.
La rapporteure,
Signé : S. RoussauxLa présidente,
Signé : S. Bauer
La greffière,
Signé : N. Basso
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N. Basso
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No 23NC01563