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04/07/2024 | FRANCE | N°23NC01535

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 4ème chambre, 04 juillet 2024, 23NC01535


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 25 mai 2022 par lequel le préfet du Jura lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays de renvoi.



Par un jugement n° 2201277 du 13 octobre 2022, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.





Procédure devant la cour :

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Par une requête enregistrée le 16 mai 2023, M. A..., représenté par Me Dravigny, demande à la cour :



1°) d'...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 25 mai 2022 par lequel le préfet du Jura lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2201277 du 13 octobre 2022, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 16 mai 2023, M. A..., représenté par Me Dravigny, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 13 octobre 2022 du tribunal administratif de Besançon ;

2°) d'annuler l'arrêté du 25 mai 2022 par lequel le préfet du Jura lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays de renvoi ;

3°) d'enjoindre au préfet du Jura de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, subsidiairement de procéder au réexamen de sa situation administrative dans le même délai et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec droit au travail ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros en application de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Il soutient que :

S'agissant de la décision portant refus de séjour :

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle dès lors qu'elle ne mentionne pas le séjour régulier en France de ses parents ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;

S'agissant de la décision portant délai de départ volontaire :

- elle est illégale en raison de l'illégalité des décisions de refus de séjour et portant obligation de quitter le territoire français ;

S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est illégale en raison de l'illégalité des décisions de refus de séjour et portant obligation de quitter le territoire français ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juillet 2023, le préfet du Jura conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 mars 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Bauer a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant albanais né le 3 juillet 1999, est entré en France régulièrement le 31 août 2015 avec ses parents et ses frères et sœurs. A sa majorité, il a formé une demande d'asile rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 30 novembre 2017, puis par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 12 juillet 2018. Il a alors fait l'objet d'une mesure d'éloignement le 25 juin 2019 et s'est maintenu sur le territoire français. Le 12 juillet 2021, il a sollicité son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 25 mai 2022, le préfet du Jura a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement du 13 octobre 2022, dont l'intéressé relève appel, le tribunal administratif de Besançon a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de ces décisions.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision attaquée, M. A..., entré sur le territoire français à l'âge de 16 ans en compagnie de ses parents et de ses frères et sœurs, était présent en France depuis 7 ans. Il n'est pas contesté que ses parents, avec lesquels il a toujours résidé, sont en situation régulière sur le territoire, de sorte que l'intéressé serait isolé en cas de retour dans son pays d'origine. Le requérant, scolarisé à compter de son arrivée en France et titulaire d'un baccalauréat technologique obtenu en 2020 mention " Sciences et technologies du management de la gestion " dispose de réelles perspectives d'insertion professionnelle. Il justifie par ailleurs de la qualité de son intégration, au regard des pièces et témoignages produits, dont il ressort qu'il maîtrise la langue française et qu'il est particulièrement investi dans le club de football de Dôle. Ainsi, dans les circonstances particulières de l'espèce, compte-tenu des conditions de son entrée et de son séjour en France, et malgré son maintien en situation irrégulière en dépit d'une première mesure d'éloignement, le requérant est fondé à soutenir que la décision attaquée a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée, caractérisant une méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il s'ensuit que la décision portant refus de titre de séjour est illégale, ainsi que, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.

4. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté litigieux du 25 mai 2022.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Au regard des motifs du présent arrêt, il y a lieu d'enjoindre au préfet du Jura de délivrer à M. A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

6. Il résulte des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait pas eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

7. Il y a lieu, en application des dispositions précédemment mentionnées, de mettre à la charge de l'Etat, une somme de 1 000 euros à verser à Me Dravigny, avocate de M. A..., sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

D E C I D E :

Article 1 : Le jugement n° 2201277 du tribunal administratif de Besançon du 13 octobre 2022 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 25 mai 2022 par lequel le préfet du Jura a refusé à M. A... la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays de renvoi est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet du Jura de délivrer à l'intéressé un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail.

Article 4 : L'Etat versera à Me Dravigny, avocate de M. A..., une somme de 1 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Dravigny et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet du Jura.

Délibéré après l'audience du 13 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Bauer, présidente,

- Mme Bourguet-Chassagnon, première conseillère,

- Mme Roussaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2024.

La présidente-rapporteure,

Signé : S. Bauer L'assesseure la plus ancienne,

Signé : M. Bourguet-Chassagnon

La greffière,

Signé : N. Basso

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N. Basso

2

N° 23NC01535


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC01535
Date de la décision : 04/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BAUER
Rapporteur ?: Mme Sandra BAUER
Rapporteur public ?: M. MARCHAL
Avocat(s) : DRAVIGNY

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-04;23nc01535 ?
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