Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. F... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 23 juin 2022 par lequel le préfet de la Marne a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné.
Par un jugement no 2201762 du 2 mars 2023, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 3 mai 2023, M. B..., représenté par Me Hami-Znati, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 2 mars 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 23 juin 2022 par lequel le préfet de la Marne a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au bénéfice de son conseil en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sur la décision de refus de titre de séjour :
- elle est entachée d'incompétence ;
- elle est insuffisamment motivée en droit et en fait ;
- elle est illégale en l'absence d'examen particulier de sa situation par le préfet ;
- elle méconnaît l'article 11 de la convention franco-togolaise du 13 juin 1996 ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 9 du code civil ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est entachée d'incompétence ;
- elle méconnaît son droit d'être entendu ;
- elle méconnaît l'article 11 de la convention franco-togolaise du 13 juin 1996 ;
- elle méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 9 du code civil ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre ;
- sur la décision fixant le pays de destination :
- elle est entachée d'incompétence ;
- elle méconnaît l'article 11 de la convention franco-togolaise du 13 juin 1996 ;
- elle méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 9 du code civil.
Le préfet de la Marne, à qui la procédure a été communiquée, n'a pas produit de mémoire en défense.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 mai 2023.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République togolaise relative à la circulation et au séjour des personnes, signée à Lomé le 13 juin 1996 ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Roussaux, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant togolais né en 1985, est entré en France en avril 2015. Il a épousé le 4 août 2018 une ressortissante française. Il a été titulaire d'une carte de séjour temporaire en qualité de conjoint de Français à compter du 18 juillet 2020 et valable jusqu'au 17 juillet 2022. Il a sollicité le renouvellement de son titre de séjour portant la mention " conjoint de français " le 2 juin 2022. Par un arrêté du 23 juin 2022, le préfet de la Marne a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné. M. B... relève appel du jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 2 mars 2023 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté préfectoral du 23 juin 2022.
Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté préfectoral du 23 juin 2022 :
En ce qui concerne le moyen commun aux décisions attaquées :
2. Par un arrêté du 4 avril 2022, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du même jour, M. A... D..., préfet de la Marne, a donné à M. C... E..., sous-préfet de Reims et signataire des décisions attaquées, délégation à effet de signer les décisions relatives au séjour, les obligations de quitter le territoire français et les décisions fixant le pays de destination consécutives à des demandes déposées en sous-préfecture de Reims. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions attaquées doit, dès lors, être écarté.
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, la décision attaquée comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Cette motivation révèle qu'il a été procédé à un examen complet de la situation de M. B....
4. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article 11 de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République togolaise relative à la circulation et au séjour des personnes, signée à Lomé le 13 juin 1996 : " Après trois années de résidence régulière et non interrompue, les ressortissants de chacune des Parties contractantes établis sur le territoire de l'autre Partie, peuvent obtenir un titre de séjour de dix ans, dans les conditions prévues par la législation de l'État d'accueil. / Ce titre de séjour est renouvelable de plein droit. ".
5. Si le requérant fait valoir la méconnaissance de cet article 11, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que M. B... aurait sollicité un titre de séjour sur ces fondements, ni des termes de la décision litigieuse que le préfet aurait examiné d'office si l'intéressé était susceptible de se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement de ces dispositions. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de cet article doit être écarté comme étant inopérant.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14 ".
7. En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ou lorsque, comme en l'espèce, l'administration examine d'office une demande de titre de séjour sur le fondement de ces dispositions, l'autorité administrative doit d'abord vérifier si des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels justifient la délivrance d'une carte portant la mention "vie privée et familiale", ensuite, en cas de motifs exceptionnels, si la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié" ou "travailleur temporaire" est envisageable.
8. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré en France en 2015, alors qu'il était âgé de vingt-neuf ans. Il a épousé le 4 août 2018 une ressortissante française avec laquelle la communauté de vie a cessé en 2020 et ne fait valoir aucune autre attache privée et familiale sur le territoire français. Si M. B... se prévaut de son activité d'agent de sécurité, pour laquelle il bénéficie notamment d'une carte professionnelle, qui lui a été délivrée en mars 2019 par la commission nationale des activités privées de sécurité, et de ses différents contrats de travail, ces éléments ne révèlent pas des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels tels que mentionnés ci-dessus. Enfin, si M. B... produit des pièces médicales, au demeurant postérieures à la décision litigieuse, attestant qu'il aurait des problèmes médicaux, il n'en tire aucune conclusion. Par suite le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 9 du code civil : " Chacun a droit au respect de sa vie privée. / Les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l'intimité de la vie privée : ces mesures peuvent, s'il y a urgence, être ordonnées en référé. ".
10. M. B... réside en France depuis sept années à la date de la décision attaquée. S'il a épousé une ressortissante française en 2018, la communauté de vie a cessé en 2020 et M. B... ne se prévaut d'aucune autre attache sur le territoire français et ne soutient pas être dépourvu d'attaches au Togo, où il a vécu jusqu'à l'âge de 29 ans. Dans ces conditions, la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise. Elle ne méconnaît dès lors pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni en tout état de cause les dispositions de l'article 9 du code civil.
11. Pour les mêmes motifs, la décision attaquée ne procède pas d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. B....
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
12. En premier lieu, il résulte de tout ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à invoquer, par la voie de l'exception à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, l'illégalité de la décision portant refus de séjour.
13. En deuxième lieu, M. B... reprend en appel, sans apporter d'élément nouveau ni critiquer utilement les motifs de rejet qui lui ont été opposés par le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, le moyen tiré de la méconnaissance de son droit à être entendu. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus, à bon droit, aux points 15 à 18 du jugement attaqué.
14. En troisième lieu, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus concernant le refus de titre de séjour que les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 9 du code civil et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur la situation personnelle de M. B... doivent, pour les motifs exposés aux points 9 à 11, être écartés.
15. Enfin, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour. Lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire.
16. L'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 11 de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République togolaise relative à la circulation et au séjour des personnes, signée à Lomé le 13 juin 1996, ne prévoient pas la délivrance de plein droit d'un titre de séjour. Le moyen tiré de ce que le préfet ne pouvait prendre une mesure d'éloignement au motif que l'intéressé peut prétendre au bénéfice d'un titre de de séjour de plein droit sur ces fondements doit ainsi être écarté.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
17. En premier lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 9 du code civil doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 9 et 10.
18. En second lieu, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 11 de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République togolaise relative à la circulation et au séjour des personnes, signée à Lomé le 13 juin 1996 et de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peuvent être utilement invoqués contre une décision fixant le pays de destination.
19. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 juin 2022 du préfet de la Marne. Par voie de conséquence, les conclusions de la requête présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Hami-Znati.
Copie en sera adressée au préfet de la Marne.
Délibéré après l'audience du 13 juin 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Bauer, présidente,
- Mme Bourguet-Chassagnon, première conseillère,
- Mme Roussaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2024.
La rapporteure,
Signé : S. RoussauxLa présidente,
Signé : S. Bauer
La greffière,
Signé : N. Basso
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N. Basso
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No 23NC01387